La vie dans l’espace a indéniablement un impact sur le corps des astronautes. Leurs os sont mis à rude épreuve et c’est l’une des raisons pour lesquelles Thomas Pesquet devait réapprendre à marcher lors de son retour sur Terre. Mais qu’en est-il de l’impact de l’environnement extrême de l’espace sur le cerveau ?
De nouvelles données ont été obtenues grâce à une technique novatrice de tractographie par « imagerie par diffusion ». En français, ce sont des scanners qui permettent de mettre en évidence, avec une haute précision, la structure et les connexions au sein du cerveau humain. Ce sont 12 astronautes (hommes) qui ont été suivis avec ces scans, réalisés avant puis plusieurs fois après leur séjour dans la Station spatiale internationale — séjour qui a duré 172 jours en moyenne pour ces participants.
Les résultats, fruits d’une collaboration entre l’Agence spatiale européenne et l’agence russe Roscomos, ont été publiés le 18 février 2022. Que nous montrent-ils exactement sur le cerveau de ces astronautes ?
Les changements dans les connexions cérébrales sont significatifs
« Nous avons constaté des changements dans les connexions neuronales entre plusieurs zones motrices du cerveau », constatent les auteurs dans un communiqué. Grâce aux scanners réalisés avec ces 12 astronautes, les chercheurs ont découvert que le cerveau évolue de manière importante dans certaines connexions. Ils ont également observé des changements dans la répartition des fluides et dans les formes. Ce sont des « changements micro-structurels significatifs », écrivent les auteurs.
Il n’y a rien de surprenant en soi que l’environnement ait une telle influence : la plasticité du cerveau est connue, et c’est grâce à elle que nous apprenons constamment, que des souvenirs s’ajoutent sans cesse. De même, on savait déjà que l’espace a un impact sur le cerveau (une étude d’avril 2020 en parlait). Mais puisque cette recherche mobilise une technologie novatrice de scanners, les chercheurs ont pu aller plus loin dans l’exploration des circuits neuronaux impactés. Résultat, ces changements provoqués par le milieu spatial sont décrits comme « très nouveaux et très inattendus ».
Comment expliquer ces reconnexions ? La physique et la kinesthésie (perception des déplacements) sont différentes dans l’environnement spatial. Cela change la représentation et le contrôle du corps. Ce qu’il se passe dans le cerveau vient donc « refléter cette fonction sensorimotrice altérée dans l’espace ».
La façon dont on bouge a effectivement un impact sur notre cerveau : on est « câblé » aussi en fonction de comment on se déplace. « Les aires motrices sont des centres cérébraux où les commandes de mouvements sont initiées. En impesanteur, un astronaute doit adapter ses stratégies de mouvement de manière drastique par rapport à la Terre. Notre étude montre que leur cerveau est pour ainsi dire recâblé », expliquent les auteurs.
Que les aires motrices montrent des signes d’adaptation après un vol spatial n’est donc pas surprenant, mais avec cette étude, « nous avons une première indication que cela se reflète également au niveau des connexions entre ces régions ». Et ce n’est là que le début des recherches sur les conséquences de l’environnement sur notre corps et notre cerveau.
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