La coopération spatiale entre l’Union européenne et la Russie souffre aussi de la guerre déclenchée par Moscou contre Kiev. L’agence spatiale russe annonce se retirer du centre spatial guyanais.

Il n’y aura plus de lancements du Soyouz depuis le centre spatial guyanais, en tout cas à court et moyen terme. Dans le sillage de la guerre qui a débuté entre la Russie et l’Ukraine, et qui bouleverse profondément la sécurité du continent et les relations avec Moscou, il a été annoncé au cours du week-end du 26 et 27 février 2022 que Roscosmos se retirait de Kourou.

C’est Thierry Breton, le commissaire responsable entre autres de la politique spatiale dans l’UE, qui en a fait l’annonce, le 26 février. L’agence spatiale russe — Roscosmos — plie bagage en réaction aux sanctions économiques de plus en plus fortes imposées par les pays européens contre Moscou, pour tenter de contraindre le Kremlin d’arrêter son agression militaire.

Sans le Soyouz, beaucoup moins de tirs de fusées en Guyane

La conséquence immédiate pour le centre spatial guyanais, c’est la perte d’une fusée de capacité intermédiaire, située entre Ariane, qui est un lanceur lourd, et Vega, qui occupe le créneau des fusées légères. Cela va entraîner sans doute une baisse notable d’activité à Kourou, dans la mesure où les missions conduites avec ce véhicule étaient plutôt nombreuses.

En 2021, on dénombre ainsi neuf missions : les 25 mars, 26 avril, 29 mai, 1er juillet, 22 août, 14 septembre 14 octobre, 4 décembre et 27 décembre. Et début 2022, il y en a eu une, le 10 février. On dénombre en tout 15 missions en 2021 depuis le centre spatial guyanais. Autrement dit, le Soyouz a été à l’origine de 60 % des tirs l’an dernier.

Le Soyouz a servi en 2021 pour mettre en orbite des satellites. Deux constellations ont bénéficié de ces décollages : le réseau OneWeb, qui est semblable à un projet comme Starlink, à savoir fournir des télécommunications depuis l’espace, et Galileo, qui est le réseau de positionnement par satellite de l’Union européenne — c’est un rival du GPS, qui a une valeur stratégique pour l’UE.

Galileo Soyouz
Un décollage d’une fusée Soyouz. // Source : Thilo Kranz/DLR

Pas moins de 320 satellites OneWeb ont été envoyés et 2 satellites Galileo. Il est aussi à noter que le Soyouz a pu servir par le passé à des envois critiques. C’est un lanceur Soyouz qui a été utilisé en 2020 pour envoyer un satellite militaire français, CSO-2 (Composante Spatiale Optique 2), qui est positionné à très basse altitude (480 km).

Mais Thierry Breton s’est voulu rassurant : le départ de Roscosmos « ne porte aucune conséquence sur la continuité et la qualité des services de Galileo et de Copernicus [une autre constellation satellitaire européenne dédiée à l’observation de la Terre, NDLR]. Cette décision ne remet pas non plus en cause la continuité du développement de ces infrastructures. »

Pour le commissaire, des décisions pourraient être prises pour assurer la poursuite du développement de la nouvelle génération de Copernicus et Galileo, qui sont des « infrastructures spatiales souveraines de l’Union ». Thierry Breton a aussi prévenu que l’arrivée des nouvelles générations des lanceurs (Ariane 6 et Vega C) va aussi continuer, indépendamment de l’actualité.

C’est aussi lors de cette prise de parole que M. Breton a prévenu que des actions seront prises « en cas d’agression de ces infrastructures critiques ». Si Kourou n’est pas vraiment exposé, un scénario plus plausible peut être imaginé : celui d’une Russie utilisant ses capacités pour perturber, entraver ou détruire des satellites européens. Ce ne serait pas une surprise.

La mission ExoMars 2022 menacée ?

L’affaiblissement des relations russo-européennes dans le spatial à cause de l’aventure de la situation ukrainienne pourrait bien faire une autre victime : le projet ExoMars 2022. Il s’agit d’une mission robotisée à destination de Mars, censée partir en septembre, qui est le fruit d’une coopération entre Roscosmos et l’Agence spatiale européenne (ESA).

Pourrait-elle être annulée ou reportée de quelques années ? Rien pour l’instant n’a été officiellement décidé. Le 25 février, l’ESA déclarait que « malgré le conflit actuel, la coopération spatiale civile reste un pont. L’ESA continue de travailler sur tous ses programmes, y compris l’ISS et la campagne de lancement ExoMars, afin d’honorer les engagements pris avec ses États membres et ses partenaires. »

Mais son dirigeant, l’Autrichien Josef Aschbacher, ajoutait également : « je suis triste et inquiet alors que l’agression continue de s’aggraver en Ukraine. Avec les États membres de l’Esa, nous prendrons toutes les mesures nécessaires ». Et au regard de la variété des mesures prises au niveau européen pour faire pression sur Moscou, les programmes spatiaux pourraient aussi en pâtir.

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