Depuis neuf mois désormais, un rover chinois roule sur la surface de Mars. Zhurong est beaucoup moins médiatique que les Américains Curiosity et Perseverance, mais il fait son bout de chemin. Et une nouvelle étude parue dans Nature Geoscience le 7 mars 2022 affirme que ce chemin s’annonce particulièrement intéressant dans les années qui viennent.
Liang Ding, l’auteur principal de l’étude, issu de l’Institut de Technologie de Harbin en Chine, écrit : « Le site d’atterrissage a montré des preuves importantes d’une forte topographie, comparée avec les autres sites martiens ». En d’autres termes, le lieu où a atterri Zhurong s’annonce passionnant à étudier.
Utopia Planitia, une plaine calme du Nord
Mais pourquoi ? Zhurong s’est posé sur Utopia Planitia : une région de l’hémisphère Nord, beaucoup plus proche du pôle que les appareils américains situés dans le cratère de Gale pour Curiosity et dans celui de Jezero pour Perseverance. À première vue, une simple carte laisse penser que Zhurong est dans une zone beaucoup plus « tranquille », avec moins de montagnes et de reliefs. D’ailleurs, dès 1976, la sonde américaine Viking 2 avait laissé un atterrisseur sur place et avait dévoilé des clichés d’un paysage désespérément plat, jonché de petits cailloux reposant sur un sol dur et givré.
Depuis, plus rien ! Les Américains ont décidé en 2012 de poser leur Curiosity bien plus au Sud, dans un cratère ayant contenu un ancien lac, ce qui est particulièrement intéressant pour savoir si la planète rouge a bien été habitable par le passé. Et Utopia Planitia n’a vu passer personne, jusqu’à Zhurong en mai 2021.
« C’est en fait assez logique, précise Véronique Ansan, chercheuse à l’Université de Nantes qui a travaillé sur une autre sonde martienne, InSight. Utopia Planitia est une zone beaucoup plus ‘calme’ avec peu d’événements géologiques. C’est ce qui a poussé à privilégier des régions plus dynamiques. »
Depuis son arrivée, Zhurong a bien travaillé. Dans l’étude, les chercheurs reviennent sur les soixante premiers sols (les « jours » martiens qui valent environ 24 heures et 39 minutes) à la surface de Mars. Un peu plus de deux mois durant lesquels ils se sont intéressés aux 450 premiers mètres parcourus par Zhurong et toutes les données qui vont avec, notamment les images des traces de roues laissées derrière lui, ce qui peut avoir son importance. Tout cela révèle les propriétés du terrain et raconte son histoire.
Du vent, des dunes et des cratères
Une histoire marquée par… le vent. Sur ces terrains peu escarpés où il est possible de voir loin, la forme des rares reliefs révèle leur érosion éolienne. Ainsi, l’équipe a repéré des crêtes, qui ne font parfois que quelques dizaines de centimètres de haut, et dont l’orientation prouve la présence d’un vent orienté du Nord Est vers le Sud Ouest. « Ces formes sont intéressantes à étudier, affirme Liang Ding, car elles sont rares sur Terre où le climat beaucoup plus instable ne les laisse pas se former. »
Autre élément : les cratères. Depuis son point de vue, Zhurong peut observer à environ 2 kilomètres à la ronde, ce qui lui a permis de découvrir plus de 2 000 cratères. La plupart ne font que quelques mètres à peine, mais leur comptage donne une information : l’âge de cette plaine. Elle se serait formée il y a un peu plus de 3 milliards d’années, durant l’Hespérien, une ère géologique martienne plus récente que le Noachien, période antérieure durant laquelle se sont formés les cratères de Gale et de Jezero.
Zhurong a aussi longuement observé les rochers autour de lui, pas de gros rocs, mais des petits cailloux d’à peine quelques centimètres. Ils montrent des preuves d’érosion par le vent, mais aussi, pour certains, des structures en forme de flocons, ce qui est cohérent avec une ancienne présence d’eau. « Ce sont des indices, nuance Liang Ding, mais il faudrait de plus amples observations pour en être sûr. Cela dit, ces cibles sont d’excellentes opportunités pour aller explorer l’histoire aqueuse de Mars et l’évolution de son climat dans le Nord de la planète. Des éléments qui nous renseignent sur une autre question : l’habitabilité de Mars. »
Cela dit, même si le petit robot apporte de nouveaux éclairages sur ce que nous connaissons de Mars, il n’y a pas pour l’instant de bouleversement majeur. « Ce n’est que le début, assure Véronique Ansan. L’étude est conforme aux précédentes observations, il n’y a pas de grosse surprise. »
Mais les ingénieurs derrière Zhurong semblent confiants sur l’importance des découvertes à venir. Entre le fait que la topographie soit très différente de celle des autres sites d’atterrissage, et l’aide apportée par l’orbiteur qui est parti en même temps que le rover dans la mission chinoise, les atouts sont nombreux. « Ils pourront être témoins de phénomènes que nous ne pouvons pas voir ailleurs, ajoute Véronique Ansan. Notamment au niveau de la météo. »
Car sur Utopia Planitia, des tourbillons de poussière se produisent régulièrement, et ne peuvent pas être observés avec les autres rovers. De même, cette zone possède de nombreuses petites dunes, inédites ailleurs, ce qui pourrait donner lieu à des observations différentes. Bref, même si Zhurong se trouve a priori sur une zone moins riche en événements, il a l’occasion d’apporter un œil nouveau sur le tableau chaque jour plus complet que nous avons de Mars.
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