En pleine guerre entre la Russie et l’Ukraine, la possibilité d’un risque nucléaire est fortement médiatisée. Ainsi que le recours à des comprimés d’iode, qui font l’objet de fortes demandes. Mais il ne faut surtout pas les consommer de façon préventive, sans consigne des autorités.

« Conflit Russie – Ukraine, Risque personnel d’exposition nucléaire, Comment se préparer » : peut-être avez-vous reçu ce genre de SMS, en ce début mars 2022. Le message, reçu dans l’entourage de la rédaction de Numerama, fait directement référence à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, survenue le 24 février dernier.

Dans ce contexte de guerre, le risque lié aux installations nucléaires prend une place de plus en plus importante dans les médias. Vladimir Poutine a brandi cette menace. L’attaque contre la centrale de Zaporijia, dans la nuit du 3 au 4 mars, contribue à susciter des inquiétudes autour d’une potentielle menace nucléaire. C’est ainsi que l’on s’est mis à entendre de plus en plus parler de l’iode, ces derniers jours.

Le sms reçu. // Source : Capture d'écran Numerama
Le sms reçu. // Source : Capture d’écran Numerama

Néanmoins, il n’y a pas eu de rejet de matières radioactives, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA). Par ailleurs, les systèmes de sécurité des réacteurs de la centrale n’ont vraisemblablement pas été touchés. De son côté, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) constate qu’ « aucune augmentation de radioactivité n’a été détectée dans les pays européens avec lesquels l’IRSN est en contact

Dans le SMS suspicieux que nous avons consulté (émis par un numéro en 06), un lien renvoie vers un article qui prétend renseigner sur « l’utilité de l’iode en cas d’accident nucléaire ». La prise d’iode y est présentée comme « LA mesure préconisée en cas d’accident nucléaire ». Nous sommes invités à renseigner des informations personnelles (nom et e-mail) pour « recevoir par e-mail la marche à suivre pour commander [nos] comprimés d’iode de potassium ». Il est ajouté « Prix approximatif du traitement : 55 euros » — nous n’irons pas plus loin, puisque la prochaine étape consiste à renseigner ses données et qu’il s’agit vraisemblablement d’un phishing.

Il convient de rappeler ce qu’est l’iode et pourquoi il ne faut absolument pas décider de soi-même d’en consommer à titre préventif.

Qu’est-ce que l’iode ?

L’iode est un élément chimique (numéro atomique 53). Il est utilisé dans la synthèse des hormones de la glande thyroïde. Cette glande est située à la base du cou (vers l’avant du corps) et produit des hormones agissant sur l’organisme. « L’iode est un oligo-élément essentiel pour l’organisme humain car il intervient dans le fonctionnement de la thyroïde, plus précisément, dans la fabrication des hormones thyroïdiennes », résume le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sur son site.

Les hormones thyroïdiennes ont plusieurs rôles importants dans l’organisme, comme la régulation du métabolisme des cellules du corps ou le contrôle de l’énergie musculaire ou de la température du corps. Elles peuvent aussi augmenter le rythme cardiaque. En résumé, la thyroïde est un organe important, régulant diverses fonctions, et qui stocke naturellement l’iode, résume l’IRSN.

« Une carence en iode peut entraîner des troubles plus ou moins graves du métabolisme », ajoute le CEA.

Pourquoi prendre de l’iode contre la radioactivité ?

La prise de comprimés d’iode stable peut être recommandée dans certains cas bien précis. Comme l’explique l’IRSN, « en cas de rejets d’iode radioactif, il faut saturer cette glande [la thyroïde] à l’aide de comprimés d’iode stable, de telle sorte qu’elle n’ait plus de place pour stocker l’iode radioactif. »

Le comprimé d’iode peut donc bien contribuer à protéger la thyroïde. Mais il n’est absolument pas recommandé de décider soi-même d’en consommer. Il faut attendre l’ordre du préfet. Déjà, parce que cela ne sera pas efficace si le comprimé est consommé au mauvais moment. « L’organisme cherche sans cesse l’iode dans l’air ou dans la nourriture pour le fournir à la thyroïde. Si l’on prend le comprimé d’iode trop tôt, il va être utilisé et la thyroïde ne sera plus saturée lorsque les rejets vont se produire », poursuit l’institut.

Par ailleurs, être en possession d’un comprimé d’iode n’est pas une solution miracle contre la radioactivité, car il ne protège pas d’autres éléments radioactifs comme l’uranium, le césium ou le strontium, potentiellement rejetés en cas d’accident nucléaire.

Iodure de potassium. // Source : Montage Numerama
Iodure de potassium. // Source : Montage Numerama

Les comprimés d’iode stable ne sont pas à prendre en prévention, sauf si on a reçu l’ordre des autorités. Sinon, « leurs effets secondaires sont plus graves que les bénéfices attendus », prévient l’IRSN (évoquant le cas où ils sont pris trop tard par rapport à une exposition à la radioactivité).

De toute façon, on ne peut pas se procurer ces médicaments n’importe où : leur distribution est sous la responsabilité des préfets. Les réserves permettant de faire face à un potentiel accident nucléaire sont détenues par l’État. Par contre, les personnes qui vivent dans un rayon de 20 kilomètres autour des centrales nucléaires sont un cas particulier : lors de leur emménagement, ces personnes sont invitées à retirer des comprimés en pharmacie, pour en garder à leur domicile si besoin.

Quels sont les effets de l’iode sur le corps humain ?

L’insuffisance ou l’excès d’apport en iode ont des conséquences possibles sur le corps humain, relève l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

  • L’excès d’iode peut provoquer des dysfonctionnements de la thyroïde et des effets indésirables affectant le cœur ou les reins (on comprend donc pourquoi il n’est pas du tout conseillé de consommer de l’iode sans y être invité par les autorités),
  • La carence en iode peut provoquer des anomalies mentales et des troubles psychomoteurs.

Dans une étude publiée en 2019 dans la revue Annals of the New York Academy of Sciences, des scientifiques soulignaient que « chez certaines personnes, des apports excessifs en iode peuvent précipiter » :

  • « l’hypothyroïdie », liée à une sécrétion en trop faible quantité d’hormones par la thyroïde,
  • « le goitre », une augmentation visible du volume de la thyroïde,
  • « la thyroïde auto-immune », une inflammation de la thyroïde.

Quels sont les différents types d’atomes d’iode ?

L’iode possède divers isotopes. Un même élément chimique peut avoir différents types d’atomes : leur différence se trouve au niveau du nombre de neutrons qui les composent (ils ont par ailleurs le même nombre de protons et d’électrons, d’où leurs propriétés chimiques semblables). Chacun de ces types d’atomes d’un même élément est un isotope.

L’iode compte 37 isotopes. Certains sont utilisés en médecine, comme :

  • L’iode 131, dans les thérapies du cancer de la thyroïde,
  • L’iode 123, dans le diagnostic des dysfonctionnements de la thyroïde,
  • L’iode 125, à la fois dans le diagnostic et la thérapie.
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