« Cela pourrait changer le visage de la transplantation d’organes à l’avenir », affirme Joseph W. Turek, qui a participé à une transplantation unique en son genre chez un bébé. L’enfant, âgé de 6 mois lors de l’opération, répond au nom d’Easton Sinnamon. Il est la première personne à recevoir une greffe cardiaque accompagnée d’une implantation de tissus provenant du thymus. Les deux greffes proviennent d’une même donneur. C’est ce qu’a annoncé l’université de Duke, aux États-Unis, le 7 mars 2022.
Easton Sinnamon est né avec de graves malformations cardiaques ainsi qu’une « déficience thymique » de cause inconnue. Il est donc né avec une dangereuse déficience immunitaire, raison pour laquelle les parents ont décidé d’opter pour cette solution novatrice : « C’était quelque chose qui pouvait l’aider, et si cela fonctionne, cela ne l’aide pas seulement lui, mais cela pourrait aider des milliers d’autres personnes aussi, des enfants qui ont besoin d’une greffe », confie sa mère sur le site de Duke et dans une vidéo. Il a reçu cette transplantation le 6 août 2021 — et, aujourd’hui, alors qu’il fête son premier anniversaire, il va bien.
Cela faisait plusieurs années que Joseph Turek et son équipe, mais aussi bien d’autres laboratoires dans le monde, cherchent une solution de ce genre pour les transplantations. Jusqu’à maintenant, cette voie de recherche s’en tenait à des tests — réussis – chez des animaux. C’est donc une première chez l’humain. Mais pourquoi la transplantation cardiaque associée à une implantation de tissus du thymus serait si importante ?
Éviter le rejet de l’organe transplanté
Cette opération est unique en raison de l’ajout de tissus issus du thymus. Le thymus est une glande située dans la partie supérieure du thorax, juste derrière le sternum et entre les poumons. Il joue un rôle habituellement important pour le système immunitaire : il participe à la production de lymphocytes B et à la différenciation entre les cellules qui appartiennent au corps et les cellules étrangères qui peuvent menacer le corps.
De fait, combiner une greffe cardiaque avec des tissus provenant du thymus pourrait avoir un avantage : aider le corps à reconnaître le nouvel organe transplanté comme étant le sien. Les risques d’un rejet, c’est-à-dire que le donneur refuse le nouvel organe (ce qui entraîne en général une défaillance problématique), en seraient amoindris. En raison de ces risques de rejet, les patients subissant une transplantation doivent prendre des traitements immunosuppresseurs. De tels médicaments sont lourds : ils empêchent le système immunitaire d’agir pleinement, sans compter qu’ils peuvent avoir des effets secondaires graves.
De son côté, Easton Sinnamon ne s’est pas vu donner de médicaments immunosuppresseurs pour l’instant, grâce à son double greffe. Reste à savoir si cela va fonctionner : les médecins vont le suivre pour déterminer s’il est finalement nécessaire de lui donner ce traitement, ou non. « Si cette approche s’avère fructueuse — et une validation plus poussée est envisagée — cela signifierait que les receveurs de greffe ne rejetteraient pas l’organe donné et qu’ils n’auraient pas non plus besoin de suivre un traitement par des médicaments immunosuppresseurs à long terme, qui peuvent être hautement toxiques, en particulier pour les reins. Ce concept de tolérance a toujours été le Saint Graal de la transplantation, et nous en sommes maintenant au seuil », détaille Joseph Turek.
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