Franck a 45 ans. Restaurateur, il n’a pas souvent le temps de lire la presse ou de regarder les infos. Du changement climatique, il n’en avait qu’une brève idée et comme il nous l’explique humblement : « Je n’ai pas de connaissance scientifique et j’ai du mal à comprendre les tenants et les aboutissants. Et puis, c’est terriblement anxiogène tout ça. »
Alors, comme beaucoup, il fermait les yeux. Mais Franck a l’habitude de garder le contact avec sa famille et ses amis sur Facebook. Un jour à la faveur d’un post d’Hugo Clément commenté par un des ses contacts, Franck prend conscience de sa marge d’action et se met à échanger avec un groupe de restaurateurs soucieux de l’avenir de la planète. « Nous avons discuté ensemble de ce que nous pouvions faire à notre niveau et de là, nous avons créé un groupe pour continuer les discussions et améliorer nos pratiques. »
Exit la terrasse chauffée et la viande à tous les menus. Franck distribue désormais des plaids aux clients qui souhaitent manger dehors et il a appris à végétaliser sa carte. « J’ai expliqué ma démarche et ma clientèle est ravie », explique le restaurateur qui continue d’améliorer ses pratiques en discutant avec ses pairs.
Comment parle-t-on du changement climatique ?
Franck n’est pas le seul pour qui les réseaux sociaux ont permis une prise de conscience sur le réchauffement planétaire. C’est en effet ce que montre l’étude Climat et environnement en France (2017-2022) publiée le 3 mars 2022.
Ce travail mêlant humanités numériques et études de discours ausculte les différents narratifs autour du climat et de l’environnement qui ont circulé, en France, sous le quinquennat d’Emmanuel Macron (entre son élection en mai 2017, et jusqu’au 1er février 2022).
« Cette étude combine l’extraction de données en ligne (notamment sur les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook, Instagram, Reddit et Youtube), le regroupement de commentaires d’internautes en corpus, et l’analyse de discours outillée Iramuteq, Facepager, Rawgraph ou encore Gephi) », explique son auteur, Albin Wagener, chercheur associé à l’Université Rennes 2 et à l’INALCO et expert régulier en analyse et design de discours auprès de la Fondation Européenne pour le Climat.
« J’ai cherché décrypter ce que les gens disent du changement climatique sur les réseaux sociaux — où ils ont tendance à se lâcher, et comment ils se positionnent. Pour ce faire, j’ai analysé une sélection de publications performantes et virales ainsi que les conversations qu’elles ont engendrées », expose le chercheur.
« Les gens parlent beaucoup du réchauffement climatique »
Les résultats sont pour le moins surprenants. En effet, loin de l’image d’un Facebook ou d’un Youtube réservoirs du climato-scepticisme, « les gens parlent beaucoup du réchauffement climatique, sont vraiment concernés et le prennent très au sérieux », explique Albin Wagener.
Selon ses observations, il n’y aurait qu’une petite sphère climatosceptique proche de l’extrême droite ainsi que quelques voix critiques émanant du libéralisme, mais pour le reste, les internautes se montrent très conscients de ce qui est en train de se passer. Ils réagissent et se posent des questions. « Ils s’interrogent beaucoup sur la place de l’humain dans le vivant, à son rapport avec le monde animal », note Albin Wagener.
L’importance des stimulations positives
Il est un point crucial qui ressort de l’étude : plus les gens disposent d’exemples de ce qu’ils peuvent faire à leur niveau pour lutter contre le changement climatique, plus ils se sentent concernés. « Les stimulations positives, les stimulations du quotidien, les initiatives locales et individuelles mises en avant par des médias comme Brut ou Konbini rencontrent un vif succès. Elles donnent des idées, cultivent l’espoir et l’enthousiasme », explique le chercheur.
Il a pu observer la faculté des internautes à s’organiser en ligne pour développer des manières de réfléchir ensemble et de concevoir des initiatives opérationnelles, notamment en termes d’énergie et d’alimentation.
Pour autant, les internautes sont loin d’être naïfs. « Ils se montrent méfiants envers les solutions trop simples comme la voiture électrique », explique Albin Wagener. « Aussi attentifs aux solutions qu’ils soient, ils ne sont pas prêts à gober n’importe quoi. » Exit donc le greenwashing et les fausses bonnes solutions.
Mais qui incarne la lutte climatique en France ?
L’étude montre enfin l’importance des incarnations de la lutte contre le réchauffement climatique… et leur défaut relatif en France. Pas de Greta Thunberg dans l’hexagone, mais une figure a toutefois réussi à s’imposer : Jean-Marc Jancovici. « Un homme, ingénieur… c’est très français. Mais, il a réussi à imposer des narratifs particuliers », note Albin Wagener, qui regrette toutefois le manque de figures emblématiques pour sensibiliser le grand public au changement climatique.
Reste un signal fort : pour que le public se sente réellement concerné par le climat, il faut lui proposer des solutions concrètes et des initiatives qu’il peut rejoindre.
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