Un mystère a enfin été résolu sur la comète Tchouri, presque 6 ans après la fin de la mission Rosetta. L’objet semblait émettre énormément d’oxygène, mais c’était en fat une illusion.

Voilà bientôt 6 ans que la mission Rosetta, dirigée vers la comète Tchouri, s’est achevée (le 30 septembre 2016). Pourtant, il reste encore aujourd’hui des mystères à éclaircir au sujet de cet objet céleste. La sonde de l’Agence spatiale européenne (ESA) avait notamment identifié des niveaux assez abondants d’oxygène en provenance de 67P/Churyumov-Gerasimenko (le nom complet de la comète) en 2015. Cela avait surpris les scientifiques, qui n’avaient jamais vu une comète émettre autant d’oxygène.

Mais ce n’était en fait qu’une illusion, annonce aujourd’hui une équipe de scientifiques. Dans un communiqué publié le 10 mars 2022, l’Applied Physics Laboratory de l’université Johns-Hopkins relaie ces travaux, par ailleurs publiés dans Nature Astronomy. Les auteurs y expliquent que ce sont en fait deux réservoirs internes situés à l’intérieur de Tchouri qui peuvent faire croire qu’elle possède bien plus d’oxygène qu’il n’y en a vraiment.

Des implications importantes pour notre connaissance du système solaire

Il est ici question d’oxygène sous forme moléculaire (c’est-à-dire, deux atomes d’oxygène liés ensemble, donnant la molécule O2). Banal sur Terre, l’oxygène moléculaire est plus rare dans l’Univers. L’éventualité que Tchouri émette autant d’oxygène a pu surprendre, car les implications étaient importantes : cela pouvait amener à reconsidérer les connaissances déjà acquises sur le système solaire dans sa jeunesse — aussi bien au niveau de sa formation que de sa chimie.

Une hypothèse qui avait alors été envisagée reposait sur le fait que l’oxygène émis par Tchouri semblait se détacher d’elle avec de l’eau. Il a donc été suggéré que cet oxygène était lié à l’eau dès la naissance du système solaire, se logeant dans la comète lors de sa formation ; un autre scénario voulait que l’oxygène se soit formé à partir d’eau, et après la formation de la comète. La nouvelle étude chamboule ces scénarios.

Tchouri tourne sur elle-même ; différentes parties de la comète font donc face au Soleil au cours du temps. En d’autres termes, la comète a des saisons. Les auteurs de l’étude parue dans Nature Astronomy se sont donc dit que la connexion entre l’oxygène et l’eau devait s’interrompre régulièrement (les éléments volatils se dégelant et se recongelant avec les changements de saisons).

Mais en étudiant Tchouri à différents moments, les scientifiques ont découvert que les explications précédentes n’étaient pas plausibles. Ils ont constaté que lorsque l’hémisphère sud de la comète était éloigné du Soleil, les comportements de l’oxygène et l’eau n’étaient plus liés. Il y avait une chute de la quantité d’eau émise par la comète. L’oxygène, lui, semblait plutôt lié à d’autres éléments que Tchouri continuait d’émettre, à savoir du dioxyde de carbone et du monoxyde de carbone.

Deux réservoirs différents dans Tchouri

« Si l’oxygène était primordial et lié à l’eau dans sa formation, il ne devrait pas y avoir de moment où l’oxygène est fortement corrélé au monoxyde de carbone et au dioxyde de carbone, mais pas à l’eau », résume Adrienn Luspay-Kuti, planétologue et autrice principale de l’étude, dans le communiqué. Elle et son équipe en concluent donc plutôt qu’il doit y avoir deux réservoirs dans Tchouri :

  • Un réservoir d’oxygène, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone dans les profondeurs du noyau de la comète. Il émet constamment des gaz ;
  • Un réservoir moins profond où l’oxygène, traversant la comète de l’intérieur vers sa surface, se combine avec les molécules de la glace d’eau. L’oxygène est piégé dans la glace d’eau, tant que le Soleil ne chauffe pas assez la surface pour vaporiser cette glace.
Libération de l'oxygène, par rapport aux périodes, avec une vue des réservoirs. // Source : Johns Hopkins APL/Jon Emmerich
Libération de l’oxygène, à différentes périodes, avec une vue des réservoirs. // Source : Johns Hopkins APL/Jon Emmerich

Par conséquent, l’oxygène peut s’accumuler dans le réservoir le moins profond pendant longtemps. Puis, lorsque la surface est réchauffée, l’eau se vaporise et un panache riche en oxygène est émis… donnant l’impression que la comète émet beaucoup, beaucoup plus d’oxygène qu’elle n’en contient réellement. Dit autrement, les quantités d’oxygène vues dans ce dégagement ne représentent pas les quantités présentes dans le noyau de Tchouri.

Cela va donc bien dans le sens de l’idée selon laquelle l’oxygène présent dans la comète s’y est bien accumulé dans les débuts de l’histoire du système solaire — ce qui résout le dilemme.

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