N’importe quel manuel de collège donne une image assez connue de ce qui se cache sous nos pieds, à l’intérieur de la Terre. Schématiquement, il y a la croûte à la surface, puis le manteau formé par des roches en fusion en dessous. Et enfin, le noyau de métaux liquides un peu plus profond.
Mais ce qui est moins connu, ce sont les détails, et notamment deux structures dans le manteau, surnommées blobs. Le vrai nom serait plutôt « large low-shear-velocity-province », ou en français « province de basse vitesse des ondes S », parfois traduit par superpanache, mais le terme blob est plus parlant. Attention, rien à voir avec cet organisme jaunâtre que vous élevez peut-être dans une boîte en plastique, ici ce sont des structures de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre dont les contours ne sont pas bien définis. Des ensembles de roches fondues, plus solides que le manteau environnant.
Une nouvelle étude parue dans Nature Geoscience le 10 mars 2022 nous en apprend un peu plus sur leurs caractéristiques. « Nous avons pu mesurer les deux structures, nous détaille le principal auteur Qian Yuan, doctorant à l’Université de l’Arizona. Et il y en a une sous le continent africain qui est beaucoup plus grosse que celle qui se trouve sous l’Océan Pacifique. »
Deux faux jumeaux
Pour arriver à cette conclusion, le chercheur s’est servi des ondes sismiques. Lorsqu’elles traversent le manteau, il est possible de suivre quand et de quelle manière elles modifient leur vitesse, ce qui nous renseigne sur le type de milieu plus ou moins dense qu’elles traversent. Lorsque les ondes traversent les blobs, elles ralentissent. Il est donc possible d’en déduire approximativement la forme de ces blobs ainsi que leur densité, plus forte que celle du manteau environnant. Une analyse de ces données a permis d’arriver au résultat suivant :
- Le blob sous l’Océan Pacifique mesure entre 700 et 800 kilomètres,
- Et celui du continent africain est entre 1 600 et 1 800 kilomètres.
Ceci est assez surprenant, car si les précédentes études sur le sujet notaient bien une différence de taille, elle n’était pas aussi importante, et aucun modèle n’arrive précisément à expliquer pourquoi ces blobs ne sont pas similaires.
« Nous n’avons pas de réponse définitive, reconnaît Qian Yuan. En revanche, le plus logique serait que le blob du continent africain soit simplement moins dense. » C’est en tout cas ce que laissent entendre les ondes sismiques qui révèlent une structure beaucoup moins compacte, mais donc plus étendue.
Et qui dit différence de densité dit différence de composition. Une autre étude parue en 2020 avait déjà révélé des différences dans certains éléments chimiques, ce qui pourrait s’expliquer par des interactions différentes avec la surface.
Un petit compact et un gros instable
Très bien, mais qu’est-ce qui influence cette structure ? Là aussi, il faudra se contenter d’hypothèses, mais ces découvertes peuvent influencer les théories à propos des processus qui se déroulent dans le manteau inférieur, la partie la plus visqueuse du manteau.
Pour résumer, les auteurs pensent qu’il existe des correspondances plus fortes que prévu entre la surface et les profondeurs de la Terre. Par exemple, le blob africain plus instable et diffus aurait grandi ces dernières centaines de millions d’années (un temps assez court sur les échelles géologiques), ce qui pourrait expliquer le volcanisme plus actif, ainsi que la présence plus importante de reliefs en Afrique de l’Est.
De même, les mouvements de plaques tectoniques sur cette même région justifieraient le fait que ce blob soit moins bien structuré que son compagnon plus solide et plus stable. Et encore une fois, les échanges de matériaux plus fréquents avec la surface expliqueraient que sa structure et sa composition sont différentes de celle du blob de l’Océan Pacifique.
Qian Yuan raconte : « Nous avons montré que les bords de ces blobs pouvaient provoquer l’apparition de panaches, de remontées de roches chaudes, vers la surface. Ce qui mène à l’apparition de volcans. »
Pour résumer, les deux blobs sont beaucoup plus différents de ce qui était admis. Leur évolution est différente, leur composition aussi. Les échanges avec la surface ont modifié leur structure et leur densité, et en retour, ils ont des conséquences sur le volcanisme.
Et puisque les blobs sont en constante évolution, il pourrait être possible de prévoir leur comportement et de comprendre les conséquences qu’ils ont sur la surface. « Il y a plusieurs moyens d’en savoir plus, détaille Qian Yuan. Le mieux serait d’avoir davantage de sismomètres placés sur la croûte océanique. De notre côté, nous avons commencé à mettre au point un modèle 3D global pour explorer davantage la dynamique avec la surface. »
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !