« Les récifs du futur ne seront peut-être pas les écosystèmes colorés que nous connaissons aujourd’hui, ce qui représente la perte d’un service écosystémique culturellement important. » C’est le constat dressé par les auteurs d’une étude parue en 2022 dans Global Change Biology.
Cette étude menée par une équipe australienne démontre que les récifs coralliens vivent en ce moment une transition : ils sont en train de perdre leurs couleurs. Cela concerne autant les coraux que la biodiversité qui y habite.
Le blanchiment des coraux s’accélère
La décoloration des récifs coralliens a lieu lorsqu’ils subissent un événement de blanchiment. Ce phénomène correspond à un dépérissement, qui se traduit par la perte des couleurs : les coraux deviennent blancs. Le dépérissement ne signifie pas forcément la mort. Lors d’un tel épisode, les coraux deviennent vulnérables et leur utilité dans l’écosystème décroît. Toutefois, parfois, en raison même de cette vulnérabilité accrue, les coraux peuvent mourir sur toute une surface — c’est ce qu’on appelle alors une zone morte.
Ces épisodes viennent à se multiplier. Ne serait-ce qu’en mars 2022, la Grande Barrière de corail a connu un épisode de large blanchiment. Comme le relève WWF, la région a souffert du phénomène de manière substantielle à quatre reprises depuis 2016. En cause : le réchauffement de la planète et la pollution des eaux, qui proviennent des activités humaines.
Le réchauffement, qui se traduit par un effet de serre, conduit à l’augmentation de la température et de l’acidité des océans. Or, cela crée un « stress » pour la biodiversité, et les coraux ne parviennent plus à maintenir leur exosquelette ni à se multiplier correctement. Cela entraîne également l’expulsion des zooxanthelles, des algues avec lesquelles les coraux vivent en symbiose. Ces derniers perdent alors une importante source de nutriments. C’est pour cela que les coraux risquent l’effondrement.
Pourquoi les poissons perdraient-ils leurs couleurs autour des récifs coralliens ?
Les récifs coralliens sont particulièrement riches en couleurs. Or, il y a un phénomène de mimétisme : la biodiversité a tendance à prendre les couleurs de son environnement. Les couleurs ne sont pas qu’un apparat. Elles ont un impact sur la communication, au sein d’une espèce et entre espèces. Cela a un impact sur le camouflage : les poissons vivant autour des récifs coralliens ont développé une diversité de couleurs, car elles sont utiles pour se cacher des prédateurs dans ces zones.
Du fait de cette interdépendance, la bonne santé de l’écosystème a un impact sur celle de la biodiversité. Et cela pourrait se traduire, dans le cas des coraux, par la couleur de cette biodiversité. « Malheureusement, les types de coraux les plus aptes à survivre aux impacts immédiats du changement climatique ne sont pas susceptibles de fournir ces refuges. Les communautés de poissons des futurs récifs pourraient très bien être une version plus terne (…), même si la couverture corallienne restait élevée », détaillent les auteurs de l’étude parue dans Global Change Biology.
Ces chercheurs ont subdivisé les massifs coralliens en plusieurs catégories :
- Les récifs « sains », définis par une abondance de coraux complexes, ramifiés, colorés.
- Des récifs coralliens moins complexes, « qui dominent souvent après que les récifs aient subi des perturbations ».
- Des récifs coralliens composés de sédiments, de débris et d’algues, représentant « des récifs très endommagés ».
Ils ont découvert qu’à mesure que les coraux complexes, ramifiés, colorés deviennent plus rares, les communautés locales de poissons couvrent de moins en moins ces zones colorées. Ces communautés de poissons deviennent alors plus « ternes », expliquent les auteurs, arborant des couleurs moins extrêmes, moins diversifiées.
Les auteurs ont étendu leurs recherches dans le temps, sur 27 ans, pour étudier d’éventuelles tendances. Au long, ils ont constaté que « la diversité de couleurs de la communauté locale de poissons réagit réellement aux perturbations des récifs coralliens ». Ils ont pu observer la chute de la diversité des couleurs après les plus grands épisodes de blanchiment. Il semblerait toutefois que les poissons retrouvent ensuite, peu à peu, des couleurs, ce qui suggère une certaine résilience face à cette « décoloration » massive.
Mais ils relèvent un impact de fond sur long terme : dans la Grande barrière de corail, le nombre de poissons verts et jaunes, des couleurs « extrêmes » sur le spectre des couleurs animales, a globalement chuté de 3/4 depuis 1998 — date du premier grand blanchiment répertorié.
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