« Terminer la séquence du génome humain, c’est comme mettre une nouvelle paire de lunettes », illustre le bioinformaticien Adam Phillippy. Il fait partie du National Human Genome Research Institute (NHGRI), au sein d’un consortium de 100 scientifiques à travers le monde. Ensemble, ils ont réussi à séquencer le génome humain le plus complet à ce jour, tout en corrigeant les erreurs qui venaient se glisser dans la précédente séquence de référence.
Seulement deux décennies après la première ébauche de séquence de notre génome, il s’agit là d’une avancée majeure. Elle a fait l’objet de plusieurs publications dans Science, le 31 mars 2022. « Maintenant que nous pouvons tout voir clairement, nous avons fait un pas de plus vers la compréhension de ce que tout cela signifie », ajoute Adam Philippy. Cette séquence plus complète (nommée T2T-CHM13) nous ouvre tout bonnement les portes de nouvelles parties de notre génome.
Pour le directeur du NHGRI, Eric Greene, la génération d’une séquence du génome humain plus complète « représente une incroyable réalisation scientifique, offrant la première vue complète de notre schéma d’ADN ». Les informations obtenues grâce à cette vision élargie de notre génome « renforceront les nombreux efforts en cours pour comprendre toutes les nuances fonctionnelles du génome humain, ce qui, à son tour, renforcera les études génétiques des maladies humaines ».
Le génome humain plus précis que jamais
Une grande part de l’avancée est due à une équipe de l’université John Hopkins, dirigée par les doctorantes Samantha Zarate, Stephanie Yan et Melanie Kirsche. Ces scientifiques ont analysé les données de plus de 3 200 personnes, réparties aux quatre coins du monde, révélant plus d’un million de variantes génétiques qui n’étaient pas connues auparavant.
Avec ce travail de recherche, les doctorantes et leur équipe ont aussi montré que le précédent modèle de référence relevait plutôt d’un génome « composite », cousant des éléments des génomes de plusieurs individus. La nouvelle séquence est bien plus représentative du génome individuel d’un humain, car elle n’a pas ces « coutures » artificielles.
100 nouveaux gènes découverts
Grâce à ce séquençage plus complet, les scientifiques ont pu plonger au sein du génome humain pour y chercher par exemple la fréquence à laquelle apparaissent différentes versions d’un gène. Cela permet de mieux cerner les mécaniques évolutives. Mais en faisant cela, les chercheurs et les chercheuses ont aussi « ajouté ou corrigé plus de 200 millions de paires de bases d’ADN », ce qui porte notre connaissance du nombre total de paires à 3,05 milliards. Ce faisant, ils ont découvert 100 nouveaux gènes producteurs de protéines.
L’ampleur des nouvelles parties du génome, désormais accessibles, est équivalente à la taille du grand chromosome humain. « Nous avons effectivement ajouté un chromosome humain entièrement nouveau à nos connaissances. Il y a beaucoup à gagner et à apprendre de lui. Il y a une toute nouvelle opportunité de découverte », commente l’un des auteurs, Michael Schatz.
Toutes ces régions du génome étaient inaccessibles en raison de leur caractère répétitif en apparence : c’est comme vouloir résoudre un puzzle dont toutes les pièces représenteraient un ciel bleu uniforme. Les nouvelles technologies de séquençage ont permis de surmonter ce problème, comme si les pièces du puzzle étaient soudainement plus grosses et qu’on y découvrait alors bien plus qu’un ciel bleu — des oiseaux, des arbres, etc.
Quel apport pour la médecine ?
Mais la métaphore d’une « nouvelle paire de lunettes » est d’autant plus vraie que cette étude ne vient pas seulement ajouter des parties, elle corrige d’anciennes erreurs, ce qui in fine permet d’identifier plus facilement des « gènes cliniquement pertinents ». C’est là tout l’intérêt de ces recherches sur le génome humain : la médecine. En intégrant à nos connaissances ces nouvelles parties du génome, cela permet potentiellement de trouver les variations génétiques liées à des risques spécifiques de maladies.
Le chemin est encore long avant des traitements ciblés d’une médecine personnalisée, mais cette avancée en rapproche. « À l’avenir, lorsqu’on séquencera le génome d’une personne, nous serons en mesure d’identifier toutes les variantes de son ADN et d’utiliser cette information pour mieux orienter ses soins de santé », suggère même Adam Phlilippy.
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