Perseverance a beau être un rover américain, une mission portée par la Nasa, la France y a tout de même participé. C’est chez nous qu’a été conçu un des instruments les plus importants de la mission : SuperCam. Véritable œil de Mars, cette caméra est essentielle pour que le rover puisse collecter et analyser des échantillons. Mais en plus, alors que l’engin était quasiment prêt, les chercheurs de l’ISAE de Toulouse, en charge de la conception, ont voulu ajouter un petit quelque chose : un micro. Leur but : réussir à enregistrer les premiers sons de la planète Mars.
Au départ, la Nasa n’est pas très emballée. La plupart des spécialistes certifiaient qu’avec une atmosphère si ténue, Mars n’était pas le lieu idéal pour enregistrer du son. D’après eux, les capteurs n’entendraient rien du tout. Malgré tout, les Français insistent et promettent qu’un petit micro supplémentaire ne coûtera pas grand-chose, ni en dollars ni en poids, et qu’il sera possible d’en tirer des données scientifiquement exploitables.
La suite, on la connaît : la Nasa finit par craquer, et un micro est installé sur SuperCam, direction Mars ! Le rover ne tarde d’ailleurs pas à envoyer un petit message audio, puisque dès le lendemain de son arrivée, les premiers sons martiens audibles par un humain sont reçus.
Une planète très silencieuse
Vient maintenant le temps de l’analyse de ces sons. Les chercheurs français ont publié ce 1er avril 2022 une étude parue dans Nature où ils reviennent sur les cinq heures d’enregistrement de l’environnement sonore captées en une année de mission. « Mars est extrêmement calme, nous raconte un des auteurs, David Mimoun. À tel point que nous avions eu peur que le microphone ne fonctionne plus ! » Le chercheur de l’ISAE à Toulouse est un petit peu le papa de ce micro, c’est lui qui l’a construit. « Nous étions vraiment impatients d’obtenir des sons de Mars, car nous pensons que cela peut faire avancer notre compréhension de la planète. »
Le microphone peut enregistrer des sons entre 20 Hz (à la limite de l’infrason) et 50 kHz, c’est-à-dire des fréquences audibles par l’oreille humaine. Mais il faut tendre l’oreille, car comme prévu, le son est beaucoup atténué sur Mars. En raison de la pression plus faible à la surface que sur la Terre, et de la composition de son atmosphère saturée en CO2, les sons se perdent vite, notamment les plus aigus, en à peine quelques mètres. La pression très basse empêche les sons de se propager, et le CO2 tend à absorber les sons à plus haute fréquence, ne laissant que les basses.
C’est ce qui explique pourquoi le micro a eu tant de mal à capter les moindres signaux. « Finalement, la réalité est beaucoup moins pessimiste que les modèles, précise David Mimoun. Le son est bien atténué, comme prévu, mais nous entendons mieux que ce que nous pensions. Nous avons même pu enregistrer le décollage d’Ingenuity, ce qui était une vraie surprise ! »
Si Mars est si silencieuse, ce n’est donc pas seulement parce qu’elle n’abrite pas d’êtres vivants, mais aussi parce que son atmosphère et sa pression rendent la diffusion du son beaucoup plus difficile. Mais le micro a tout de même pu écouter le vent martien, ainsi que le spectre de turbulence, une donnée utile pour les modèles de climat qui indique comment l’atmosphère réagit aux perturbations.
Un son plus lent que sur Terre
Autre découverte : Perseverance a montré que non seulement le son se propage plus lentement que sur Terre, mais en plus, les sons aigus vont encore moins vite que les graves ! Autour des 240 mètres par seconde, contre 340 sur Terre, pour les sons aigus. Les sons graves sont autour des 250 mètres par seconde. « Sur Terre aussi, il y a une variabilité, nuance David Mimoun, mais elle est moindre. Sur Mars, c’est beaucoup plus variable que ce à quoi on s’attendait .»
Plus concrètement, cela signifie que si vous êtes sur Mars à discuter avec une autre personne, à tout juste quelques mètres de distance, vous n’entendrez que ses paroles les plus graves, comme si un mur vous séparait.
Dernière chose, le micro écoute aussi Perseverance lui-même, et a ainsi pu capter les bruits produits par ses différents appareils, ce qui est bien pratique pour détecter un éventuel dysfonctionnement. « Depuis que tout le monde sait que ça marche, nous croulons sous les demandes, sourit David Mimoun. Chaque responsable d’instrument veut entendre un enregistrement ! »
Les analyses de ces sons sont encore en cours pour en déduire de nouvelles choses sur la planète. « Nous pensons que cela peut être riche d’enseignement pour bien connaître l’atmosphère de Mars, assure David Mimoun. Ce qui nous aide également à mieux appréhender les modèles climatiques sur Terre. »
Reste à savoir si maintenant, les futures missions vers Mars ou ailleurs accueilleront un micro. Les auteurs de l’étude le recommandent, et le succès de celui de Perseverance pourrait bien donner des idées.
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