Le Premier ministre Jean Castex a utilisé un jet privé pour voter, dimanche 10 avril. L’empreinte carbone de ce choix n’est pas passée inaperçue. Une pétition vient lui rappeler qu’une procuration est sans doute plus raisonnable qu’émettre 4 000 kg de CO2.

Le dernier rapport du GIEC montre que nous avons jusqu’à 2025 pour atteindre le pic des émissions carbone, et ainsi conserver le scénario de réchauffement du climat le plus optimiste. Cette date se situe au cœur du prochain quinquennat quel qu’il soit. C’est peut-être pour cette raison que le voyage en jet du Premier ministre Jean Castex n’est pas passé inaperçu, dimanche 10 avril.

Lors du premier tour de la présidentielle 2022, le Premier ministre a emprunté un Falcon pour se rendre dans sa ville et y voter : départ à 8h30, retour à 10h30, à peine une heure sur place mais de nombreuses photos pour la presse. Pour Jean Castex, l’objectif était clair, celui du symbole de voter en personne dans sa ville de cœur. Mais un autre symbole s’est imposé : celui de l’inconscience écologique.

Le bilan carbone d’un Français sur 6 mois

« Ce n’est pas anodin : les jets émettent énormément de CO2. C’est le bilan carbone d’un seul Français sur 6 mois », nous alerte Charlène Fleury, militante écologiste, porte-parole d’Alternatiba, mouvement pour le climat et la justice sociale. Elle est à l’origine, avec d’autres citoyens et citoyennes, d’une pétition indépendante adressée au Premier ministre : Jean Castex : ne prenez plus l’avion, faites une procuration. Il n’aura fallu que 48h pour qu’elle atteigne les 13 000 signatures.

« Ce qui a choqué l’opinion, c’est que ce n’était pas nécessaire. Il y a une démesure entre tout ce qui été émis comme CO2, et ce pourquoi on l’a fait », explique Charlène Fleury auprès de Numerama. « On comprend que le Premier ministre en ait éventuellement besoin pour des affaires pressantes, mais c’est moins compréhensible pour un vote, rester une heure sur place, et ne le faire que pour la photo. »

C'est un Falcon qui a utilisé par Jean Castex. // Source : Wikimédias
Le jet utilisé est un Dassault Falcon 900. // Source : Wikimédias

Le constat de Charlène Fleury est véridique. Les avions sont un mode de transport polluant, notamment en raison du carburant utilisé, et cette pollution est accrue lorsqu’il s’agit d’un jet privé, puisque l’appareil n’est mobilisé que pour une seule personne. En l’occurrence, l’empreinte carbone de l’aller-retour de Jean Castex est évaluée à 4 460 kg de CO2 : comme un Français émet, en moyenne, 32,6 kg de CO2 par jour en fonction de ses activités, on atteint 4 460 kg qu’après plus de 5 mois.

« Le Premier ministre n’a pas compris l’urgence climatique »

Le symbole de cet aller-retour est un problème car il intervient quelques jours à peine après le rapport alarmant du GIEC sur le changement climatique. « Cela montre que le Premier ministre a encore un logiciel du passé, qu’il n’a pas compris l’urgence climatique », estime Charlère Fleury. Mais ce qui motive la pétition, complète-t-elle, est surtout à trouver dans la réponse de Jean Castex. Sur RTL, le Premier ministre a répondu que « la période est aux polémiques » et qu’il avait agit selon « les règles habituelles ».

Cet argumentaire ne passe pas, car ce sont justement les règles habituelles qui posent problème. « On voit que Jean Castex n’a pas saisi l’urgence, puisqu’il agit avec les normes du passé. » L’objectif de la pétition est justement de « lui dire que ce n’est pas une fausse polémique, que c’est une boulette », et qu’il devrait donc faire une procuration lors du prochain tour et des prochaines élections afin de « changer ce fonctionnement qui vient d’un autre temps ».

La « boulette » du Premier ministre peut également être regardé dans sa dimension sociale. Le dernier rapport du GIEC insiste plus que jamais sur l’importance d’une forme de justice sociale au renfort du climat, au sens où les inégalités participent à la crise environnementale et freinent les solutions. Or, quand Jean Castex dépense un bilan carbone de 6 mois pour un aller-retour de deux heures qui n’est pas nécessaire, cela ne porte pas une société plus juste et équitable en faveur du climat. « Si les Français voient que Jean Castex abuse de son bilan carbone, cela sape l’action collective », estime Charlène Fleury.

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