Les températures les plus extrêmes, les radiations, les produits corrosifs, les impacts les plus puissants, le vide spatial : pas grand-chose ne vient à bout des vaillants tardigrades. Cette espèce, qui mesure moins d’un millimètre, est connue pour être extrémophile : quasi indestructibles, ils survivent là où tant d’espèces ne tiendraient pas plus de quelques minutes.
Des biologistes ont récemment découvert que les tardigrades ont, en plus de tout le reste, une démarche « remarquable » : ils sont doués pour se déplacer. Sauf qu’ils n’en demeurent pas moins petits, ce qui pose problème pour franchir de grandes distances. Mais l’on vous rassure, il en faut davantage pour venir à bout des tardigrades. Des travaux publiés dans Scientific Reports le 14 avril 2022 montrent qu’ils ont une solution.
Pour se déplacer, certaines espèces de tardigrades chevauchent une espèce agile et rapide : les escargots. Alors certes, cela semble contre-productif. Mais quand vous mesurez à peine un millimètre, cela change tout pour changer d’habitat plus rapidement sur de courtes distances.
Les escargots, véhicules pour les tardigrades
En introduction de leur papier de recherche, les auteurs rappellent que, du point de vue de l’évolution, la « capacité de dispersion des animaux contribue à leur variabilité génétique et à la persistance des espèces ». Mais les mécanismes de migration sur de courtes distances restent encore peu étudiés, ce que les auteurs ont donc voulu explorer. D’autant plus que la dernière étude en date sur les relations entre tardigrades et escargots remontait à 55 ans, alors qu’on sait qu’ils cohabitent dans plusieurs écosystèmes.
Les auteurs ont donc organisés une expérience en laboratoire reproduisant les conditions naturelles pour des escargots des bois (Cepaea nemoralis) et des tardigrades Milnesium inceptum, qui partagent des habitats en Europe occidentale. Les résultats« confirment l’hypothèse selon laquelle les escargots peuvent transférer des tardigrades actifs sur de courtes distances ». En clair, les tardigrades parviennent à s’accrocher aux escargots afin d’atteindre une nouvelle destination, car les escargots sont suffisamment humide — à noter que le voyage n’est pas « à dos d’escargot », car ce n’est pas à la carapace que les tardigrades s’accrochent mais bien au corps.
L’auto-stop en escargot fonctionne chez des tardigrades qui sont en état actif, comme chez ceux qui sont cryptobiose — un état d’assèchement qui met leur organisme en « pause » et qui leur permet de survivre aux conditions extrêmes.
Les tardigrades adoptent heureusement d’autres moyens de transport, et certains sont plus efficaces pour voyager sur des longues distances. En règle générale, ils vont pouvoir empreinte les cours d’eau ou, plus efficaces encore, se laisser porter par le vent jusqu’à 1 000 kilomètres. Ces trajets peuvent toutefois mener vers des écosystèmes hostiles, moins adaptés aux habitats des tardigrades, là où le trajet par escargot assure de se retrouver dans un écosystème humide adapté.
Le voyage n’est pas sans risque pour les tardigrades
La chevauchée n’est toutefois pas sans risque. Le mucus des escargots fait partie de la rare kryptonite des tardigrades, en tout cas pour ceux qui sont en état de cryptobiose lors du transport. Pour eux, le contact physique avec le mucus est souvent mortel : seuls 34 % des tardigrades en cryptobiose ont pu revivre après le contact, contre 98 % dans le groupe témoin qui n’était pas au contact.
Les chercheurs observent en particulier que le mucus, qui enduit alors le corps des tardigrades, s’assèche trop rapidement : cela perturbe le cycle de réhydratation qui permet aux tardigrades de « ressusciter » de leur état de cryptobiose. La plupart des tardigrades qui ne survivent pas se retrouvent comme figés en raison de ce mucus asséché qui les enduit.
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