Jamais la vie n’a encore été identifiée en dehors de notre planète, mais s’il y a un endroit prometteur, c’est très certainement Europe. Cette lune de Jupiter est un des lieux du système solaire qui parait l’un des plus habitables (ce qui ne veut pas dire habité). Une étude parue dans Nature le 19 avril 2022 relance justement le sujet. « Des poches d’eau peu profonde peuvent être courantes dans la coquille de glace d’Europe, augmentant [son] habitabilité potentielle », lit-on dans un communiqué présentant les travaux.
La présence d’eau sur Europe n’est pas, en elle-même, une nouveauté, explique à Numerama Ines Belgacem, planétologue en post-doctorat à l’Agence spatiale européenne (ESA), spécialiste des lunes glacées de Jupiter. « De l’eau sur Europe, il n’y a que ça ! Il y a de la glace d’eau en surface et il y a de l’eau en profondeur. […] On sait qu’il y a un océan sous la couche de glace, grâce à des mesures indirectes. Par contre, nous n’avons pas de contrainte très forte sur l’épaisseur de la couche de glace et celle de l’océan, avant d’arriver au manteau. Il doit y avoir environ 25 kilomètres de glace, puis l’océan, puis le manteau. »
L’existence de l’océan n’est plus discutée aujourd’hui. « Ce qui est discuté, ce sont les implications de l’existence de cet océan : y a-t-il un environnement habitable ? », résume l’experte. Ce qui fait d’Europe un endroit si viable dans la recherche de la vie, ou au moins de l’habitabilité, est le lien étroit entre son océan et son manteau rocheux : les deux sont en contact. « On a donc de l’activité chimique à cet endroit-là. Or, si on fait l’analogie avec ce qu’on connait sur Terre, la vie y est apparue dans les océans. »
C’est dans ce contexte que l’étude avance une possibilité : la présence de réservoirs d’eau liquide (donc, peu profonde, contrairement à l’océan) quasiment partout dans la couche glacée de la lune Europe. Ce ne seraient pas juste quelques poches situées ici et là, mais un phénomène bien plus présent sur cet astre. L’hypothèse est encourageante, car la coquille de glace épaisse sur Europe est une barrière intimidante avec cet océan si prometteur.
Les auteurs envisagent qu’elle soit finalement moins une barrière qu’un lieu dynamique, peut-être lui-même habitable. Néanmoins, cette étude ne permet absolument pas de l’affirmer avec certitude, ces résultats ne sont pas issus d’observations directes.
« C’est de la planétologie comparée, complète l’experte. La planète à laquelle on a le plus accès, c’est la Terre. Mais faire des parallèles avec la Terre est compliqué avec les lunes glacées. Le substitut le plus proche, c’est le pôle nord. » Les auteurs travaillent ici sur une structure géologique du Groenland, une « double ride » (imaginez deux montagnes, avec une vallée au milieu) qui a été comparée aux structures vues sur Europe. « En étudiant cette double ride par radar, ils se sont aperçus qu’il avait une remontée d’eau liquide, qui pourrait expliquer l’existence de ces bosses. Par analogie, cela pourrait se former ainsi sur Europe. »
Ici, c’est donc l’existence d’une double ride qui est découverte et analysée (de façon poussée) sur Terre. « On n’est pas capable de faire ce genre d’analyse sur Europe encore, nous n’avons ni les données, ni le temps d’observation qu’il faut », indique Ines Belgacem. La spécialiste souligne une limite évidente à ce travail : les ordres de grandeur sont très différents entre les rides étudiées au Groenland et celles sur Europe. « Ces rides se forment sur des centaines de kilomètres, ça veut dire qu’il faudrait qu’on ait de l’eau qui ait remonté sur toute cette longueur. On n’est pas sur les mêmes échelles. »
On comprend toutefois pourquoi l’hypothèse remet en lumière la question de l’habitabilité d’Europe, même si la conclusion de l’étude n’est pas une certitude. Ines Belgacem nous énumère les interrogations sous-jacentes : « Cette eau liquide superficielle a-t-elle un lien direct avec l’océan ? Cela pourrait-il faciliter l’étude de l’habitabilité dans le futur ? Pourrait-on l’examiner avec un futur atterrisseur de façon plus simple que l’océan lui-même ? »
Impossible de trancher pour l’instant, affirme la scientifique, ni même dans un futur proche. « Les prochaines missions JUICE et Europa Clipper arriveront vers Jupiter autour de 2030, rappelle la planétologue. On commencera alors à avoir des données plus poussées pour analyser ce genre de choses et peut-être aider à trancher. » À un horizon plus lointain, 2040, il est même envisagé de tenter de déposer des sondes à la surface d’Europe, pour obtenir des mesures sur place.
En attendant ces échéances, les scientifiques ont tout intérêt à émettre des hypothèses, comme celle dans cette nouvelle étude. « On essaye de comprendre l’histoire et les mécanismes de formation des différents terrains. Et si on arrive à discriminer parmi les modèles, cela aide notre exploration future d’Europe », conclut la scientifique.
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