Quiconque a déjà vu des aurores boréales de ses yeux peut témoigner de la beauté de ce phénomène naturel visible près des pôles. Mais imaginez un instant assister au même spectacle sur Mars !
C’est ce dont a été témoin, non pas un humain, mais un satellite, Hope. L’engin arrivé en 2021 en orbite autour de la planète rouge est le premier construit par les Émirats arabes unis, et il a dévoilé des événements étonnants qui rendent les scientifiques perplexes, a-t-on appris le 27 avril 2022.
Depuis son point de vue, à plus de 20 000 kilomètres de la surface, Hope a observé d’étranges aurores visibles dans l’ultraviolet qui forment des sortes de serpents sinueux entre le pôle Nord et l’équateur de Mars. Peu après son arrivée, la sonde avait déjà surpris en dévoilant la présence d’aurores discrètes, différentes de celles qui étaient déjà connues. Mais ces nouvelles images sont bien plus détaillées et réservent d’autres surprises.
« Ce qui est étonnant, raconte à Numerama Lauriane Soret, de l’Université de Liège, c’est que ces structures n’avaient jamais été vues jusqu’à présent. Il ne s’agit pas du même mécanisme que les aurores habituelles. » La chercheuse avait mené une étude l’année dernière destinée à mieux caractériser ces phénomènes.
Un bouclier de roches magnétiques
Il faut dire qu’expliquer la présence d’aurores sur Mars est loin d’être facile ! Observée pour la première fois en 2005 par le satellite Mars Express, leur présence avait surpris, car Mars n’ayant pas de champ magnétique, il semblait assez improbable de voir ce type de manifestation.
Sur Terre, le mécanisme est plutôt bien connu. Les vents solaires sont éjectés en direction de la planète, mais se heurtent au champ magnétique terrestre. Les particules (notamment des électrons) cherchent tant bien que mal un endroit où passer et se regroupent aux seules ouvertures, les lignes du champ magnétique. Là, comme dans un entonnoir, elles se rassemblent et entrent en contact avec la haute atmosphère et dégagent de l’énergie. Les atomes d’oxygène deviennent visibles dans le vert et le rouge, l’azote part plutôt sur du bleu ou du violet, ce qui explique les variations.
Ce type de phénomène semble invraisemblable sur Mars, car il n’y a pas de champ magnétique actif. En revanche, par le passé, la planète rouge a bien été protégée par une magnétosphère similaire à celle de la Terre. Des restes de cette période lointaine remontant à plus de 4 milliards d’années sont toujours présents. Certaines roches souterraines sont encore magnétiques, et lorsque le vent solaire s’approche d’elles, il se heurte au champ créé et le même type d’aurores que sur Terre apparaît. Avec une différence, tout de même : les aurores sont observables uniquement à certains points très localisés de la planète, et pas forcément près des pôles. Il faut se trouver à proximité de ces roches situées en grande partie dans l’hémisphère Sud pour en profiter.
Rien à voir avec les drôles de serpents découverts par Hope, qui sont beaucoup moins intenses, mais aussi plus diffus puisqu’ils traversent une bonne partie de la planète. « Il y a quelques hypothèses pour expliquer cette forme, précise Jean-Claude Gérard qui a travaillé sur l’étude de Lauriane Soret. Nous pensons qu’il y a bien un magnétisme à l’œuvre, mais qu’il ne vient pas de la planète. Il aurait été emmené directement par les vents solaires. »
La présence de vestiges du champ magnétique solaire dans ces déferlements d’énergie est connue, mais c’est la première fois qu’une telle conséquence est observée.
Hope, MAVEN et les autres
En tout cas, autour de Mars, les différents satellites sont prêts pour en savoir plus. Hope est privilégiée, car elle est située assez loin de la surface de la planète pour la voir en totalité. Avec sa vision dans l’ultraviolet lointain, elle peut espérer découvrir de nouveaux serpents, même si le phénomène semble rare. Un peu plus près, entre 175 et 6 000 kilomètres, MAVEN est aussi prête, et Lauriane Soret travaille dessus. « On aimerait bien trouver d’autres aurores de ce type. Mais notre champ de vision est beaucoup moins large que celui de Hope. Nos résultats seront donc moins globaux. »
Mais si MAVEN ne sera pas capable de discerner la totalité de ces aurores, elle a d’autres avantages que sa collègue des Émirats arabes unis n’a pas. Hope se limite à des instruments optiques, tandis que MAVEN possède de quoi étudier le plasma et les caractéristiques des particules près d’elle. « C’est particulièrement utile pour connaître les événements liés aux vents solaires et faire des corrélations avec ce qui se passe », précise Jean-Claude Gérard. Lauriane Soret ajoute : « Nous avons besoin de tous ces instruments pour avoir une idée de ce qui se passe exactement. »
Entre Mars Express, MAVEN, Hope, et bientôt EscaPADE qui doit décoller d’ici 2024, les observateurs de l’atmosphère martienne sont nombreux. Pendant ce temps, sur Terre, des chercheuses et des chercheurs travaillent sur la modélisation des phénomènes avec les données déjà disponibles. Avec tous ces efforts, les mystères des aurores martiennes pourront peut-être bientôt être percés à jour.
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