Pour protéger la peau face aux rayons UV du Soleil en été, qui peuvent être à l’origine de cancers lors d’une trop forte exposition, les autorités sanitaires conseillent généralement les crèmes solaires. Mais l’on a découvert, il y a quelques années, un effet indésirable : beaucoup de ces crèmes sont nocives pour l’environnement.
Les molécules présentes dans les crèmes solaires absorbent les rayons UV, ce qui protège la peau. Sauf que certains composés chimiques à l’œuvre dans ce processus sont toxiques pour la biodiversité des océans. Si vous entrez en contact avec l’eau de mer avec de la crème solaire sur la peau, un composé en particulier, l’oxybenzone, va « s’effriter » et se déverser dans l’eau.
Les molécules vont voyager et potentiellement atteindre des récifs coralliens. On sait que l’oxybenzone participe au processus de blanchissement des coraux — leur mort progressive (aussi causée par d’autres produits polluants, par l’acidification des océans et par le réchauffement de la planète). En clair, ce composé dans les crèmes tue les coraux.
Ce problème était déjà connu, mais sans que l’on sache précisément ce que l’oxybenzone fait aux coraux. Dans la revue Science, une publication du 5 mai 2022 dévoile le mécanisme à l’œuvre : comment les crèmes solaires portent-elles donc atteinte aux récifs coralliens ?
Réaction en chaîne chimique
Les auteurs de cette étude, issus de l’université de Stanford, aux États-Unis, démontrent que l’oxybenzone est à l’origine d’une réaction en chaîne : les coraux s’autodétruisent au contact de ce produit chimique.
Lorsque l’on met l’oxybenzone au contact de biomolécules, dans un tube à essai, il ne se passe rien de particulier : le composé n’est pas toxique par nature dans ce contexte. Sauf que certains coraux très courants, comme les anémones de verre, ajoutent des sucres, ce qui opère une transformation chimique. Cela génère un composé oxybenzone-sucre toxique qui s’active au contact de la lumière (on parle de phototoxicité). Pour le dire autrement : lorsque les coraux ajoutent du glucose à l’oxygenzone, il suffit alors des rayons UV pour qu’il en résulte un composé toxique.
Durant l’expérience, les anémones non exposées à ce composé ont survécu pendant toute la durée des tests, soit 21 jours. En revanche, dans le groupe des anémones exposées au composé toxique oxybenzone-sucre-lumière, elles sont mortes en 17 jours pour la plupart.
Le réchauffement planétaire aggrave (évidemment) les choses
Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. Commençons par la bonne. Les coraux vivent grâce à des algues symbiotes. Ces dernières offrent des nutriments, notamment, nécessaires à la survie des récifs coralliens. Les chercheurs de Stanford ont découvert durant leurs tests que ces algues voisines absorbent suffisamment le composé oxybenzone-sucre pour protéger les coraux. C’est un excellent mécanisme de protection contre cette phototoxicité.
Venons-en à la mauvaise nouvelle : le changement climatique. Le blanchiment des coraux est globalement généré par le réchauffement de la planète et l’acidification des océans que cela provoque. Durant ce blanchiment, les coraux perdent leurs algues symbiotes. Elles perdent alors leur protection.
Durant l’expérience rapportée dans Science, les coraux dépourvus de leurs symbiotes étaient fragilisés face au composé toxique provoqué par l’oxybenzone, beaucoup plus dangereux dans cette situation. « La mortalité plus élevée chez les anémones dépourvues de symbiotes suggère un risque accru d’oxybenzone pour les coraux blanchis par la hausse des températures », en concluent les auteurs. D’autant qu’il suffit d’une faible dose du composé oxybenzone-sucre pour tuer des coraux, le processus étant catalytique (le composé n’est pas « consommé » par les coraux, le contact suffit).
Cette étude est importante, puisqu’il est nécessaire de comprendre comment les coraux se dégradent au contact de certains produits permet de concevoir des crèmes solaires plus saines pour l’environnement.
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