Enfin, nous savons à quoi ressemble le trou noir supermassif au centre de la Voie lactée. Le 12 mai 2022, la première photo de cet objet astronomique a été présentée (et non, cette photo de trou noir n’est pas « floue »). On n’y « voit » pas exactement le trou noir, qui est par définition invisible. Mais c’est bien lui, cette ombre au centre de l’image, entourée d’un anneau brillant de gaz. Cette ombre s’appelle Sagittarius A*.
Ce nom, qui peut sembler atypique, fait référence à la constellation du Sagittaire, dans laquelle une source d’onde radio associée au trou noir, Sagittarius A, est située. Mais pourquoi ajouter un astérisque pour désigner le trou noir ? Il n’existe pourtant pas de règle que devraient suivre tous les astronomes pour nommer ces objets célestes si fascinants. « Les nomenclatures officielles sont fixées par l’Union astronomique internationale (IAU). Pour les trous noirs, il n’y a pas de règle spécifique », explique à Numerama Maïca Clavel, chercheuse CNRS à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG) et spécialiste des trous noirs.
Tous les trous noirs n’ont pas d’étoile dans leur nom
La plupart des trous noirs étudiés sont de petits spécimens, qui sont situés dans notre galaxie la Voie lactée, ou dans d’autres galaxies, et se sont formés à la mort d’étoiles. « Ceux-ci reçoivent la nomenclature qu’on donne à toutes les sources de type stellaire. Souvent, on utilise le nom de la mission qui les a détectées pour la première fois, puis un numéro qui correspond aux coordonnées dans le ciel », complète la scientifique. Ce n’est donc pas aux trous noirs stellaires que revient la particularité de l’astérisque dans le nom.
Cela ne concerne en fait que certains très gros trous noirs. « Il y a quelques trous noirs, qui sont supermassifs au centre des galaxies, pour lesquels on utilise le nom de la galaxie, ainsi qu’une étoile pour signifier que c’est le trou noir supermassif en son centre. C’est le cas de M87* [ndlr : l’autre trou noir imagé], on peut le voir aussi dans des publications avec M31*. »
Ce choix est lié, historiquement, à la manière dont le trou noir supermassif au centre de la Voie lactée a été repéré. C’est au cœur de notre galaxie qu’une émission radio a d’abord été détectée. Plus précisément, dans la constellation du Sagittaire, couvrant en partie ce centre galactique, vu de la Terre. « Il y avait notamment une émission très brillante, raconte Maïca Clavel, qui venait d’une région qui a été appelée Sagittarius A, car c’était la plus brillante et la plus proche du centre. » En 1974, deux astronomes, Bruce Balick et Robert Brown, rapportent la découverte de cette source étonnante : « Balick et Brown ont pointé un télescope radio qui avait la résolution nécessaire pour distinguer la source compacte radio, à l’intérieur de Sagittarius A. Après cette découverte, il y a eu un important débat pour déterminer ce qu’était cette source. »
Une source « excitante » et des atomes
Nommer les trouvailles comme celles-ci est utile, ne serait-ce que pour que les astronomes sachent de quoi ils parlent entre eux. Des idées ont été suggérées après la publication de la découverte, mais aucune n’a vraiment été jugée pertinente, jusqu’en 1982. « C’est Brown qui, en réfléchissant au nom à donner, s’est dit que cette source était excitante (‘exciting’, en anglais). Cela lui a rappelé sa thèse de physique nucléaire : quand les atomes sont excités, on ajoute un astérisque pour dire qu’ils sont dans cet état. Il a donc noté Sagittarius A* et ce nom est resté. »
Le nom Sagittarius A* n’a jamais été validé officiellement par l’IAU, mais le fait de désigner cette source ainsi est devenu une pratique courante. Si bien que d’autres trous noirs supermassifs étudiés ont eux aussi été affublés de cet astérisque. « Les autres trous noirs supermassifs qui ont un astérisque, M31*, M87*, l’ont par analogie à Sagittarius A*. On a détecté des sources qui avaient les mêmes propriétés, qui étaient proches du centre de la galaxie et qui pourraient correspondre à un trou noir supermassif. Pour M87*, on sait maintenant que c’était bien le trou noir. Pour M31*, on n’a pas encore la preuve formelle », résume l’experte auprès de Numerama.
Toutes les sources qui sont potentiellement des trous noirs supermassifs logés au centre de galaxies n’ont pas forcément cette petite étoile à la fin de leur nom. Cela n’est réservé qu’à « des galaxies relativement proches, dans lesquelles on peut distinguer la source compacte du centre, du reste de la galaxie [ndlr : comme M31* et M87*]. Mais pour les galaxies très lointaines, dans lesquelles on ne peut pas faire la distinction, on n’utilise pas l’étoile. »
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