C’est une différence qui vous a peut-être déjà interpellé et qui revient aujourd’hui dans l’actualité, avec le retour de la capsule Starliner sur Terre, prévu le 25 mai 2022. Comment se fait-il qu’elle ne mette que quelques heures à toucher le plancher des vaches, une fois décrochée de la Station spatiale internationale, alors qu’il lui a fallu près de 24 heures pour faire le voyage aller ?
Cette différence n’est en fait pas du tout anormale. On la retrouve à plusieurs occasions, selon l’actualité des lancements spatiaux. Elle est le reflet des contraintes à prendre en compte en matière de mécanique spatiale. Il faut en effet comprendre que « viser » la Station spatiale internationale (ISS) revient à résoudre un exercice de mathématiques.
Des vitesses et des trajectoires à prendre en compte, tout comme la sécurité
L’ISS se trouve à environ 400 kilomètres d’altitude (cette hauteur peut varier selon les circonstances). Elle file également à un peu plus de 8 kilomètres par seconde (soit presque 29 000 km/h). En somme, elle fait le tour de la Terre en 90 minutes, ce qui fait que l’ISS orbite seize fois autour du globe en l’espace de 24 heures, ce qui lui permet d’assister à plusieurs aubes et crépuscules.
Il serait possible de partir verticalement depuis le pas de tir jusqu’à l’orbite de l’ISS, à supposer qu’elle survole la base de lancement. Anticiper la trajectoire de la station est faisable, tout comme déterminer à quel moment décoller et à quelle vitesse (et donc quelle poussée pour la fusée), afin de rejoindre l’ISS dans l’espace au moment où elle est pile au-dessus.
Seulement, il va y avoir un problème d’écart de vitesse et, au moment de rejoindre la bonne orbite, le véhicule spatial va se prendre l’ISS dans la figure, à sa vitesse en orbite. Cela revient à se faire percuter par une structure filant à 8 km/s. Il y aurait une sacrée casse ! Il faut donc que la capsule atteigne non seulement l’orbite adéquate, mais qu’elle rattrape aussi la vitesse de l’ISS.
Il faut donc tout à la fois se caler sur la vitesse tangentielle de l’ISS (c’est-à-dire une vitesse qui est constante, mais dont la direction change à chaque instant, ce qui a pour effet ici de donner une forme de cercle à l’orbite de l’ISS) ainsi que sa vitesse radiale (qui est la vitesse d’un objet par rapport au point de vue de l’observateur, indépendamment de sa trajectoire).
À cela s’ajoutent les manœuvres finales pour le rendez-vous entre le vaisseau et l’ISS, qui se font forcément à petite vitesse pour éviter un écart qui pourrait mettre en péril l’infrastructure de la station ou l’intégrité du véhicule. Cette réponse a été donnée sur Quora par l’ingénieur Philippe Guglielmetti, reprise par la suite par le site Slate.
Il est à noter que si l’aller est long en général, ce n’est pas toujours le cas. En matière de mécanique spatiale, des progrès importants ont pu être observés. Lors du vol russe Soyouz MS-17 d’octobre 2020, il n’a fallu que trois heures et trois minutes à l’engin pour rejoindre l’ISS, après son départ du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan. C’est le record actuel.
On savait que ce genre de performances était possible. Dans une page dédiée à l’ISS, l’agence spatiale américaine indiquait qu’un vaisseau spatial peut arriver à la station spatiale aussi vite que quatre heures après son lancement depuis la Terre. Les cargos mettent d’ailleurs en général beaucoup moins de temps pour rallier l’ISS ; il ne leur faut que quelques heures.
Pourquoi une telle différence ? Parce que dans le cas d’une mission habitée, il vaut mieux que l’on puisse récupérer la capsule assez facilement : si elle finit sa course près des côtes ou sur des terres où l’on peut rapidement lui porter assistance, c’est un plus que de la retrouver non loin du point Nemo, un lieu très peu fréquenté et loin de toute terre.
Dans le cas d’un cargo de ravitaillement, ce n’est pas requis : on peut se permettre de le perdre puisqu’il n’y a personne à bord. Ce serait contrariant de perdre une cargaison contenant des vivres, des effets personnels, des pièces de rechange et des expériences scientifiques. Mais ça l’est toujours moins que de perdre un équipage en détresse sur Terre.
De fait, la procédure pour un vol habité (c’est la procédure qu’a suivie le Starliner ici, même s’il ne l’était pas, car il s’agit d’une sorte de répétition générale avant le vrai test avec un équipage à bord) consiste à suivre une trajectoire orbitale autour de la Terre, avec des boucles de plus en plus grandes pour se caler progressivement sur l’orbite de l’ISS.
Ces différentes étapes, qui consistent à passer d’un plateau d’altitude à un autre, grâce notamment à la propulsion interne de chaque vaisseau, permettent ainsi de se rapprocher progressivement de l’ISS tout en gardant la possibilité de redescendre sur Terre dans des régions adaptées si cela s’avérait nécessaire. Ces cercles sont très bien illustrés avec le graphique de SpaceX.
C’est pour cela que le voyage aller est souvent plus long que le retour. Cela nécessite donc un timing précis pour savoir quand passer d’une altitude à l’autre, quand effectuer une poussée et avec quelles durée et force. Tout cela pour finir à une vitesse « inférieure à 2,5 cm par seconde » lors de l’approche finale avec l’ISS, note Robert Frost, de la Nasa, sur Quora.
Dans le cas du vol retour, c’est en quelque sorte la même logique, à ceci près qu’il ne s’agit plus de viser une station spatiale, mais toute une planète — un endroit particulier de la Terre, pour être exact, car c’est là que la capsule sera récupérée. Il faut donc tenir compte du mouvement de l’ISS en orbite, mais aussi de la rotation de la Terre.
Le vol est ainsi beaucoup plus rapide. Il ne s’est écoulé que huit heures environ entre le moment où la capsule Crew Dragon ramenant Thomas Pesquet s’est décrochée de l’ISS et le moment où elle a amerri. Dans le cas du Starliner, cela devrait être encore plus direct, avec une durée de voyage estimée à un peu plus de quatre heures. Six fois plus vite que l’aller, en somme.
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