À cause d’une sécheresse provoquée par le changement climatique, une ancienne ville engloutie depuis bien longtemps se retrouve dorénavant sur la terre ferme en Irak. Ce fut une occasion inédite pour l’étudier, comme le rapporte l’université de Tuningen, le 30 mai 2022, narrant des fouilles accomplies en collaboration avec l’université de Freiburg et la Kurdistan Archaeology Organization.
En cause, la sécheresse extrême que connaît le sud du pays depuis plusieurs mois. Cela pose un problème pour les cultures agricoles, dont il faut à tout prix éviter qu’elles dépérissent. Pour ce faire, de l’eau a été prélevée — depuis décembre 2021 — dans la plus grande réserve naturelle d’eau du pays, celle de Mossoul. À mesure que le réservoir était vidé, une mystérieuse ville a réapparu peu à peu.
Submergée il y a plusieurs décennies sans jamais avoir été étudiée, cette cité antique date de l’Âge de Bronze. Elle était habitée durant l’Antiquité du Proche-Orient, il y a plus de 3 000 ans.
En Irak, la cité de Zakhiku
Si le site archéologique est aujourd’hui baptisé Kemune, il pourrait correspondre en réalité à la cité antique de Zakhiku. Il s’agissait d’un haut lieu du royaume de Mittani. Recouvrant une bonne partie de la Haute Mésopotamie, le Mittani cohabitait alors avec les Égyptiens et les Hittites. Le lieu a été très peu étudié en raison de sa submersion. Le soudain assèchement du réservoir a déclenché une mission archéologique d’excavations pour « fouiller et documenter » le plus possible la cité avant qu’elle ne soit à nouveau submergée. La fenêtre de tir était serrée.
Les archéologues ont réussi, en quelques jours seulement, à cartographier la majeure partie ville. Ils ont retrouvé le palais central, qui était déjà connu, et de nouveaux bâtiments jamais repérés auparavant : une fortification massive avec un mur et des tours, un bâtiment de stockage monumental à plusieurs étages, ainsi qu’un ensemble de bâtisses formant un complexe industriel.
Les murs grimpant à plusieurs mètres sont dans un état de conservation décrit comme « stupéfiant » par les archéologues. Pourtant, ils sont en briques de boue séchée tout en ayant été engloutie par les eaux : il ne devrait pas en rester grand-chose. L’explication est à trouver en 1350 avant notre ère. Autour de cette date, la cité a été détruite par un tremblement de terre. Les bâtiments ont été ensevelis… et donc protégés.
Maintenant que les bâtiments ont été excavés, les équipes ont placé de grandes bâches en plastique, hermétiques, elles-mêmes recouvertes d’un remblai de gravier, afin de préserver les ruines de la prochaine submersion. Et à cette date, justement, le site est à nouveau sous les eaux dans son entièreté.
Ce que la cité pourrait nous apprendre sur le Mittani
Parmi les trouvailles, le fameux bâtiment de stockage sur plusieurs étages est déterminant pour la compréhension archéologique de la cité de Zakhiku. « L’énorme bâtiment de stockage revêt une importance particulière, car d’énormes quantités de marchandises ont dû y être stockées, probablement apportées de toute la région », écrit Ivana Puljiz, qui a participé à ces excavations. Cela permet de confirmer l’importance centrale de cette ville dans le royaume de Mittani.
Durant les excavations, les archéologues ont aussi découvert cinq récipients en céramique contenant une centaine de tablettes à l’écriture cunéiforme (système de communication écrite du Proche-Orient ancien). Une bonne partie de ces archives sont encore dans leurs enveloppes d’argile. « C’est presque un miracle que des tablettes cunéiformes faites d’argile non cuite aient survécu à tant de décennies sous l’eau », se réjouit l’un des archéologues, Peter Pfälzner, sur le site de l’université.
Parmi ces tablettes, on trouve notamment des lettres, dont le décodage permettra de mieux comprendre le rôle de la ville ainsi que sa chute — lorsque le royaume d’Assyrie a étendu sa domination à cette région.
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