Dans la commune de Mazeyrat-d’Allier, en Haute-Loire, une antenne 3G et 4G doit cesser de fonctionner. Le 23 mai 2022, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a demandé la suspension de cette installation. L’antenne mise en service par Orange est suspectée par un éleveur de nuire à la santé de son troupeau de vaches laitières, a rapporté BFM.
« Depuis la mise en service d’une antenne de téléphonie mobile à 250 mètres de l’étable, le comportement des vaches laitières d’une GAEC [ndlr : Groupement Agricole d’Exploitation en Commun] est inquiétant : diminution d’un tiers de la production, regroupement des animaux, mortalité des veaux multipliée par 4 », résume le tribunal dans un communiqué publié le 1er juin. L’arrêt provisoire de l’antenne, prévu pour durer 2 mois, doit permettre à « l’expert d’observer le comportement de ces animaux, par nature dix fois plus sensibles que l’homme aux effets de l’électricité », poursuit le tribunal.
Cette antenne est en service depuis juin 2021. Elle a été installée dans le cadre d’un New Deal, un accord entre le gouvernement, les opérateurs mobiles et l’ARCEP (autorité de régulation), dont l’objectif était d’assurer une couverture mobile dans des zones peu ou mal couvertes. Le pylône est situé à une distance de 250 mètres de l’exploitation. C’est en février 2022 qu’un expert a été désigné pour déterminer si les troubles constatés dans le troupeau de vaches étaient liés au fonctionnement de l’antenne. Cet expert a ensuite demandé, le 4 avril 2022, au préfet de la Haute-Loire de couper de façon momentanée le fonctionnement de l’antenne, dans le but d’étudier le comportement des vaches pendant cette interruption. Il ne s’agit donc pas d’une décision de principe, mais d’une suspension temporaire, pour organiser l’expertise.
« C’est logique de la part d’un juge de débrancher cette antenne », nous explique Jeanne Brugère-Picoux, professeure honoraire de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, agrégée de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour, interrogée par Numerama au sujet de la situation en Haute-Loire. « Sur le simple terrain de la procédure (sans préjuger du bien fondé de la demande formulée au fond) une telle décision peut se comprendre », confirme auprès de Numerama Maitre Alexandre Archambault, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit des nouvelles technologies.
Une telle décision permet d’organiser une expertise. Ce qui n’empêche pas de s’interroger, toutefois, sur la proportionnalité de la mesure, ajoute l’expert : « Si c’est toute l’antenne qui doit être éteinte, cela pose quelques questions de proportionnalité au regard de l’impact sur les autres usagers de l’antenne, notamment au regard de l’obligation d’acheminement des appels d’urgence. »
Des niveaux d’exposition faibles, selon l’ANFR
Sur le plan scientifique, que sait-on de l’impact des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage, et plus précisément de l’impact d’antennes 4G ? Sollicitée par Numerama, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) nous indique qu’elle « ne dispose pas d’expertise sur l’impact des ondes électromagnétiques diffusées par les antennes relais sur les animaux d’élevage ». Quant à la récente expertise menée par l’ANSES en 2021 sur la 5G, elle ne concernait que la santé humaine. Du côté du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, une réponse n’a pas encore été apportée à notre sollicitation.
L’Agence nationale des fréquences (ANFR), dont la mission est de contrôler les niveaux d’exposition pour vérifier qu’ils ne dépassent pas les seuils fixés par la règlementation, a de son côté répondu à Numerama. L’ANFR confirme avoir été sollicitée par le propriétaire du champ concerné, « pour réaliser une mesure d’exposition dans son champ dès la mise en service du site en juillet 2021 ». Selon l’agence, les résultats alors obtenus indiquent des niveaux d’exposition faibles, de 0,79 V/m (volt par mètre, l’unité de mesure servant à estimer l’intensité d’un champ électrique).
À titre de comparaison, « les niveaux limites à ne pas dépasser dans la bande de téléphonie mobile concernée sont de l’ordre de 36 V/m et la moyenne des niveaux recensés par l’ANFR sur les 5 000 mesures qu’elle réalise chaque année sur le territoire est de l’ordre de 1 V/m », nous explique l’ANFR. Par conséquent, l’agence estime de son côté qu’il n’y a pas là de sujet lié à l’exposition aux ondes.
Orange, pour sa part, s’est défendu devant le tribunal administratif en disant qu’il n’existe « aucune donnée scientifique » qui montrerait « un lien entre les antennes de téléphonie mobile et les troubles dans le troupeau ». L’expertise devrait permettre de trancher, en vérifiant que le comportement des animaux n’évolue pas lorsque l’antenne ne fonctionne pas.
De précédents exemples de vaches malades, sans lien avec les installations électriques
Ce n’est en tout cas pas la première fois que des installations électriques sont accusées d’être à l’origine de problème de santé, voire de décès, de vaches. En 2019, des éleveurs bretons soupçonnaient ainsi leurs bovins d’être victimes de courants électriques passant dans le sol. Jeanne Brugère-Picoux nous expliquait alors que ce genre d’accusation est à considérer avec beaucoup de précautions. Elle-même s’était intéressée à un élevage de vaches laitières en 2003, en Normandie — où 45 vaches étaient mortes depuis 2001. Alors que la piste des installations électriques voisines avait été suggérée, la scientifique avait mis en évidence que « les problèmes rencontrés [étaient] essentiellement liés à l’alimentation et au bâtiment. »
Pas plus qu’aux courants électriques passant dans le sol, la scientifique ne donne aujourd’hui de crédit à l’explication reposant sur l’antenne 4G voisine, dans le cas des vaches en Haute-Loire. « Il faut savoir reconnaître ce qui est scientifique et ce qui ne l’est pas. Ce qui est sûr, c’est que les éleveurs ne savent pas ce qui se passe chez eux. Souvent, ce sont des problèmes d’élevage : des agents pathogènes, ou bien ils ne donnent pas à manger correctement à leurs animaux. »
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