Depuis la préhistoire, les êtres humains visitent, habitent et utilisent certains lieux, en y laissant les traces de leur époque, avant de les abandonner pour en investir d’autres. Mais la grotte de Cueva de Ardales, au sud de l’Espagne, est bien plus spéciale que cela. Dans des travaux publiés le 1er juin 2022, les archéologues se penchent sur l’occupation humaine de ce haut lieu du Paléolithique — première et plus longue période de la préhistoire.
En étudiant la façon dont les tout premiers humains utilisaient cette cave, les archéologues ont pu retracer la chronologie de cette occupation : elle a duré pas moins de 50 000 ans au total. Une temporalité à en donner le vertige. Mais que se passait-il à Cueva de Ardales ?
De Néandertal à l’humain moderne
De 2011 à 2018, les archéologues ont procédé à des excavations couche par couche, car, à travers le temps, des réalisations humaines étaient recouvertes par d’autres. Puis les éléments trouvés sur ces couches ont été datés par radiocarbone, permettant ainsi de retracer la chronologie de l’occupation des lieux — qui, quand, comment.
Ce sont les Néandertaliens qui ont commencé à utiliser cette grotte, il y a entre 65 000 ans et 58 000 ans. Ils y ont réalisé des peintures rupestres faites de points et de marques abstraites — ce qui fait partie des traces les plus ancestrales de l’art. Puis, il y a quelque 43 000 ans, l’activité néandertalienne cesse localement. La grotte reste inutilisée pendant environ 7 000 ans.
Il y a 35 000 ans, ce fut au tour des humains dits « modernes » d’investir les lieux, là encore pour, essentiellement, y laisser des traces artistiques, mais aussi quelques sépultures. Les lieux sont régulièrement investis de cette manière tout au long de l’âge de bronze, jusqu’à la fin du Néolithique où elle est laissée à l’abandon. Ainsi se terminent les 50 000 ans de la vie préhistorique de la Cueva de Ardales, avant sa redécouverte archéologique au 19e siècle.
Un lieu d’art, pas d’habitation
La durée d’utilisation des lieux est certes vertigineuse, mais il est d’autant plus sidérant de constater que l’usage fut le même que ce soit en présence de Néandertal que des humains modernes. Les archéologues n’ont pas trouvé la moindre preuve d’une activité domestique préhistorique suggérant l’utilisation de la grotte comme campement de longue durée. Clairement, on n’y habitait pas.
« Les traces d’activité humaine sont éphémères et indiquent des activités très spécifiques liées à l’utilisation symbolique de la grotte », écrivent-ils dans l’étude. Pendant 50 000 ans, la grotte n’était fréquentée « que pour effectuer des tâches non domestiques », se traduisant donc essentiellement par de l’art rupestre, comme le démontrent plus d’un millier de motifs variés découverts tout au long de cette chronologie.
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