L’astéroïde Ryugu présente des points communs avec des météorites rares considérées comme les plus primitives du système solaire. Les premières analyses montrent des échantillons parfaits et encore plus uniques que tout ce qui pouvait être espéré.

Lorsque la sonde Hayabusa 2 est partie en direction de l’astéroïde Ryugu pour en récupérer quelques morceaux, les espoirs étaient grands. La cible, connue comme étant un astéroïde extrêmement primitif, devait nous en apprendre plus sur les débuts du système solaire. Finalement, les résultats ont dépassé les attentes, selon une étude parue dans la revue Science le 9 juin 2022.

Les premières analyses des échantillons récoltés en décembre 2020 avaient déjà montré que le prélèvement était représentatif de la totalité de l’astéroïde, ce qui signifie qu’ils sont fiables et ne correspondent pas à une zone un peu à part de l’astre. Désormais, cette nouvelle étude plus poussée révèle que Ryugu serait en réalité très proche des météorites chondrites carbonées de type CI. Pour les personnes n’étant pas des expertes en météorites, cela n’a rien de très impressionnant à première vue, mais pour les spécialistes, c’est tout particulièrement intéressant.

Ryugu. // Source : Flickr/CC/Kevin Gill (photo recadrée et modifiée)
Ryugu. // Source : Flickr/CC/Kevin Gill (photo recadrée et modifiée)

Pour arriver à cette conclusion, il a fallu plusieurs techniques d’analyse des échantillons récoltés par Hayabusa 2. Les grains ont été passés au microscope électronique, aux rayons X, à la spectrométrie de masse à plasma, une méthode capable de trouver de très faibles quantités de métal, et à l’ionisation de surface. Des analyses extrêmement fines qui auraient été impensables si la mission n’avait été qu’une simple observation sans retour d’échantillons.

« C’était une surprise, raconte à Numerama une des autrices de l’étude, Laurette Piani, spécialiste des météorites à l’université de Lorraine à Nancy. Il y a tellement de sortes de chondrites que nous ne nous attendions absolument pas à ce qu’il s’agisse de ce type en particulier, qui est très spécial. »

Le meilleur échantillon depuis 1864

Les chondrites sont appelées ainsi, car elles sont formées de chondres, c’est-à-dire de petites billes de silicate qui représentent jusqu’à 90% de leur matière. Les chondrites carbonées sont, elles, mélangées avec de la matrice (du sulfure, des composés organiques, des minéraux hydratés…) en grains très fins, et elles sont divisées en différentes catégories selon la quantité de matrice présente dans leur composition.

Les chondrites de type CI, elles, sont un peu à part, car elles n’ont presque pas de chondres, et jusqu’à 95% de matrice. Elles sont vraiment recherchées, car nous n’en avons que très peu à disposition. Leur composition les rend extrêmement friables et rares sont celles qui atterrissent sur la Terre sans brûler intégralement dans l’atmosphère. Pire, si jamais elles touchent le sol, elles sont rapidement détruites par les éléments.

« La meilleure manière d’en avoir, assure Laurette Piani, c’est d’en voir une tomber et d’aller tout de suite la ramasser ! Ce qui demande beaucoup de chance. » Aujourd’hui, 17 kilogrammes de ce type de météorite ont été découverts, ce qui est assez peu, surtout en sachant que la plupart proviennent d’une météorite trouvée à Orgueil, dans le Tarn-et-Garonne, en 1864.

Météorite d'Orgueil, une chondrite CI tombée en France en 1864
Météorite d’Orgueil, une chondrite CI tombée en France en 1864. Source : Muséum national d’histoire naturelle, Paris

Si les chondrites CI sont si recherchées, c’est donc pour leur rareté, mais aussi, car elles sont considérées comme les plus « parfaites » du système solaire. Elles se seraient formées loin du Soleil, dans une zone riche en glace d’eau et en matière organique, avant de migrer plus proche de la Terre. « Nous nous doutions que Ryugu était né dans le système solaire externe, précise Laurette Piani, mais les chances qu’il s’agisse de ce type de chondrite étaient faibles. »

Ces astres présentent une forte similarité avec la nébuleuse solaire : ils possèdent les mêmes éléments et sont pour cette raison utilisés comme mètre étalon pour déterminer si les autres échantillons sont enrichis ou appauvris en certains éléments. En d’autres termes, les chondrites CI sont formées des mêmes éléments que ceux qui étaient présents lors de la création du système solaire.

Ryugu est parfait

Cela signifie qu’une bonne partie de la pétrologie, l’étude des transformations des roches, est basée sur la composition de ces chondrites. Et si Ryugu est l’une d’entre elles, c’est un grand pas en avant. Les chondrites CI étant rares et ayant été trouvées il y a longtemps, les analyses les concernant peuvent manquer de fiabilité. Les moyens d’analyse de l’époque n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, et elles ont pu être altérées avec les années. Or, Ryugu est parfait, ses échantillons ont été extrêmement bien conservés depuis leur prélèvement pour éviter toute contamination de ce type.

Laurette Piani ajoute : « Nous avons trouvé quelques différences entre Ryugu et les autres chondrites CI. Notamment une présence d’eau un peu plus faible. Cela peut vouloir dire que Ryugu a été chauffé par le Soleil et a fait s’évaporer un peu d’eau. Ou alors, c’est que le matériel trouvé sur Terre avait été altéré. »

Les échantillons recueillis sont en trop faible quantité pour définir un nouveau mètre étalon des chondrites, mais leur étude est précieuse pour en savoir plus sur les conditions qui régnaient dans les premiers millions d’années du système solaire. Impossible pour l’instant de dater Ryugu avec précision, mais les échantillons recueillis, eux, ont été formés à peine 5 millions d’années après la naissance du système solaire. Les prochaines études devraient contraindre davantage la chronologie pour nous donner une idée plus précise de l’âge de Ryugu, mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’un témoin essentiel des débuts de notre monde.

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