Si ce n’est pas le cas pour la franchise Jurassic World, le troisième volet de Gaia pourrait bien, lui, être intéressant. La mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) est en orbite depuis maintenant près de dix ans et poursuit son ambitieux objectif de cartographier des milliards d’objets présents dans l’Univers, des galaxies aux astéroïdes en passant par les étoiles. En 2016 puis en 2018, des versions de son catalogue avaient déjà été dévoilées. Ce 13 juin 2022, débarque la troisième version, la plus aboutie à ce jour, nommée DR3.
Avec cet ensemble de données récolté entre juillet 2014 et mai 2017, Gaia fait le point sur la cartographie de notre système solaire, de notre Voie lactée, et au-delà avec une liste des étoiles, des planètes, des satellites ou des galaxies lointaines qui nous entourent. Mais Gaia ne se contente pas d’observer les astres pour les situer dans l’Univers, il les analyse pour connaître leur composition, leur température ou leur mouvement.
Ainsi, ce catalogue nous apprend des détails sur pas moins de deux milliards d’étoiles de notre galaxie passées au crible. Grâce à des analyses spectroscopiques, Gaia a accès à des informations très importantes sur le moindre mouvement de l’étoile, et c’est ce qui a permis d’identifier des tremblements inattendus.
Des tsunamis d’étoiles
Il s’agit d’oscillations non radiales, des sortes de tsunamis durant lesquels l’étoile observée change de forme pendant un court instant. C’est un phénomène très différent des oscillations radiales déjà observées, qui font gonfler ou rétrécir légèrement l’étoile, sans pour autant lui faire perdre son aspect sphérique. Ce qui est intéressant dans cette découverte, ce ne sont pas les tremblements eux-mêmes, mais le fait que Gaia arrive à les détecter. Le télescope n’était au départ pas prévu pour ça : sa mission était de faire une cartographie de la Voie lactée et de déterminer ce à quoi elle ressemblait il y a quelques milliards d’années, et ce à quoi il faut s’attendre pour les milliards d’années à venir.
Si Gaia peut détecter également des tremblements stellaires, c’est un possible grand pas en avant, selon un membre de la collaboration Gaia, Conny Aerts de la KU Leven en Belgique, citée dans le communiqué : « Les tremblements stellaires nous apprennent beaucoup sur les étoiles, notamment leur fonctionnement interne. Gaia ouvre une mine d’or pour l’astérosismologie des étoiles massives. »
Le télescope spatial américain Kepler, mis à la retraite en 2018, pouvait en détecter, mais ces événements sont rares et l’engin était programmé pour n’observer qu’une petite partie du ciel. Gaia, lui, fait un panorama de toute la Voie lactée, ce qui change le point de vue. Ainsi, plusieurs milliers d’étoiles ont été vues en train de subir des mouvements à leur surface, des sortes de tsunamis minuscules, mais que Gaia a bien captés. En plus, certaines de ces étoiles n’étaient pas censées connaître de tels événements, selon la théorie actuelle. Des analyses plus précises devraient déterminer quelles sont les étoiles qui peuvent vibrer, et quelles sont celles qui restent stables.
Une carte chimique de la Voie lactée
Mais ce n’est pas tout. Au-delà de jeter une nouvelle lumière sur ces phénomènes, Gaia n’oublie pas sa mission primaire qui est de caractériser les étoiles autour de nous. Ainsi, ce catalogue DR3 constitue une carte chimique de notre galaxie, avec une distinction entre les étoiles constituées d’éléments lourds et les autres. Cette classification n’est pas anodine, car c’est la composition des étoiles qui nous renseigne sur leur passé. « Cette diversité nous raconte l’histoire de la formation de notre galaxie, précise Alejandro Recio-Blanco de l’Observatoire de la Côte d’Azur, cité par l’ESA. Elle montre aussi clairement que notre Soleil, et nous, appartenons tous à un système en constante évolution, formé grâce à l’assemblage d’étoiles et de gaz d’origines différentes. »
Plus dans le détail, cette cartographie montre que les étoiles situées plus près du centre de la galaxie sont formées en grande partie d’hydrogène ou d’hélium, les seuls éléments présents lors du Big Bang. Les étoiles de la périphérie, comme notre Soleil, possèdent davantage de métaux qui, eux, sont le fruit de plusieurs générations d’étoiles qui les ont créées pendant leur phase principale avant de les diffuser autour d’elles en explosant en supernova. L’analyse de ce catalogue est donc une histoire de la Voie lactée, comment celle-ci s’est formée et comment elle a évolué.
Les retombées scientifiques de ce catalogue sont déjà énormes, avec pas moins d’une cinquantaine de papiers publiés ce jour. Au total, Gaia a observé 156 000 astéroïdes, 31 satellites dans le système solaire, près de 2 millions de quasars et de 3 millions de galaxies… Mais ce n’est pas fini ! La mission du satellite n’est pas terminée et comme ses performances semblent être toujours au beau fixe, il faut s’attendre à des nouveautés dans les années qui viennent. L’ESA annonce déjà des analyses à venir sur les spectres à haute définition de 150 millions d’étoiles, une liste étendue des exoplanètes et une liste complète de toutes les étoiles variables et systèmes binaires détectables. Au total, ce sont plusieurs centaines de téraoctets de données à traiter, le plus gros volume jamais vu dans l’astronomie, et qui est amené à grossir encore au fil des découvertes.
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