Il y a de l’agitation chez les opérateurs. Le 18 septembre 2024, Free est devenu le premier en France à « proposer la 5G SA à l’échelle nationale ». Le même jour, Orange a répliqué en lançant une nouvelle offre appelée « 5G+ Home », qui repose sur un nouveau réseau baptisé « 5G+ ».
5G+, 5G SA, mais aussi « vraie 5G » ou « 5G de nouvelle génération »… Les articles et les communications sur la 5G+ devraient se multiplier dans les prochains mois. Alors que le déploiement de la 5G a démarré en métropole à la toute fin de l’année 2020, une bascule est effectivement en train de s’opérer.
Cette mise à jour consiste à passer d’un type de 5G à un autre. À l’heure actuelle, les réseaux 5G sont déployés dans une configuration appelée 5G NSA (Non Stand Alone, qui peut se traduire par Non Autonome). La 5G SA (Stand Alone) repose sur une infrastructure pensée pour la 5G. C’est ici que se positionnent Free et Orange, comme d’autres opérateurs à l’étranger.
Quelle est la différence entre la 5G NSA et la 5G SA ?
La 5G utilise des ondes radio pour acheminer les communications mobiles. Ces ondes radio sont réparties sur des portions du spectre électromagnétique. Elles ont des fréquences et des longueurs d’onde diverses.
En France, le déploiement de la 5G se déroule actuellement sur trois bandes de fréquences : 700 MHz (la plus grande portée, moins de débit), 2,1 GHz et 3,5 GHz (les débits les plus importants, mais avec un petit rayon). Cependant, d’autres sections du spectre électromagnétique peuvent être impliquées dans la 5G NSA, qui sont en réalité utilisées par la 4G. Car en 5G NSA, l’ultra-haut débit mobile a besoin de la 4G pour fonctionner. C’est ce qu’on appelle un « cœur de réseau 4G ».
La perspective offerte par la 5G SA est de devenir indépendante du réseau 4G, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Dans son bilan de l’état de l’Internet en France en 2023, le régulateur des télécoms observait que « la 5G dépend encore fortement de la 4G ». Mais, avec les annonces de Free Mobile et d’Orange, la transition vers le « cœur de réseau 5G » démarre.
Pour illustrer l’imbrication entre la 4G et la 5G, l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) a publié en novembre 2020 un guide technique montrant qu’une 5G NSA marche avec un cœur de réseau en 4G. La bande 4G sert de « bande d’ancrage » et il faut donc être aussi couvert par cette 4G pour accéder à la 5G NSA. Il n’y a que l’antenne qui est de cinquième génération.
De fait, le régulateur prévient qu’un logo « 5G » sur l’écran du téléphone ne signifie pas nécessairement que la technologie derrière est bel et bien de la 5G. Cette imbrication est réglée avec la 5G SA, qui est de la 5G fondée sur de la 5G, avec toutes ses promesses (débits plus forts, latence très faible, données sécurisées, etc.)
Pourquoi ne pas avoir directement lancé la 5G SA en France ?
Quand la 5G est arrivée en France en 2020, pourquoi avoir choisi la 5G NSA ? Diverses raisons peuvent entrer en ligne de compte, et celles-ci ne s’excluent pas forcément. Elles sont à la fois techniques, opérationnelles et économiques.
Comme l’indiquait l’Arcep dans une consultation de 2022, l’option de la 5G NSA a permis une introduction de la 5G « graduelle » et une « évolution souple des réseaux existants vers la 5G ». L’ultra-haut débit mobile vient ici « en addition d’un réseau 4G, qu’il soit existant ou déployé de façon concomitante ». En somme, cela a permis de profiter de l’existant.
Le déploiement de la 5G est arrivé à un moment où la 4G était, en quelque sorte, à bout de souffle. Avec cette nouvelle génération, « son bénéfice immédiat réside surtout dans la capacité supplémentaire qu’elle apporte là où les réseaux mobiles sont fortement sollicités, voire saturés ». Cela permet alors de partager le trafic entre les accès radio 4G et 5G. C’est pour cette raison qu’Orange a passé ses abonnés en 5G pendant les JO, pour désaturer les antennes.
Grâce à la 5G NSA, les opérateurs ont pu déployer la 5G rapidement, sans avoir à mettre en place un cœur de réseau 5G. Dans une logique de 5G SA, c’est un tout nouveau réseau de bout en bout qui doit être installé, ce qui inclut aussi les stations de base et le cœur de réseau. Bref, le chantier est plus conséquent.
Quel est l’intérêt de la 5G SA ?
Il y a des gains variés attendus. Un exemple, avec la latence. Il faut compter entre 15 et 30 millisecondes sur un réseau 4G. Avec un réseau 5G SA, on peut tomber, dans le meilleur des cas, à 1 milliseconde. La latence est le temps que met une information sur le réseau à faire un aller-retour. Plus elle est basse, mieux c’est.
D’autres avantages sont brandis. Ericsson, l’un des gros équipementiers dans les télécoms, cite en particulier des débits plus élevés, ce qui est la métrique la plus courante dans ce domaine. La 5G SA ouvre toutefois la porte à des procédés inédits, comme le « network slicing ». Ici, on « découpe » virtuellement le réseau en tranches, selon les besoins.
Questionnée à ce sujet en 2021, la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, décrivait des « fonctions de gestion intelligente du réseau et une interactivité en temps quasi-réel ». La 5G SA va « accroître la qualité et la fiabilité des communications » et débloquer de nouveaux usages pour le grand public.
La 5G SA autorise des temps d’accès extrêmement rapides, et c’est un critère décisif dans certains cas de figure, comme le cloud gaming (où la puissance de calcul pour un jeu vidéo est effectuée à distance), l’industrie de pointe, le contrôle des véhicules autonomes ou la réalité virtuelle. La différence n’est pas forcément immense pour le grand public, mais le réseau sera, théoriquement, plus stable.
Où en sont Orange, SFR, Free Mobile et Bouygues Telecom sur la 5G SA ?
En France, la 5G SA est en test depuis plusieurs années. Free Mobile a été le premier à la lancer pour le grand public, en mettant à jour ses 6 950 antennes 3,5 GHz en septembre 2024. Orange, pour l’instant, mise sur des offres B2B et destinées à la maison, même si un déploiement commercial est prévu en 2025 sur les 10 401 antennes 3,5 GHz de l’opérateur.
SFR a commencé à tester la vraie 5G fin 2023 et compte 8 681 sites en 3,5 GHz qui sont techniquement opérationnels. Mais, là encore, l’ouverture au grand public n’est pas pour tout de suite. Au Monde, aucun calendrier n’a été avancé. Cela dépendra, selon l’opérateur, de l’émergence des usages 5G SA et de smartphones compatibles. Même son de cloche chez Bouygues Telecom, qui compte mettre à jour ses 8 314 sites d’ici « quelques mois ».
Au-delà des aspects purement techniques, il y a une dimension marketing à ne pas négliger : comment vendre la 5G SA au grand public ? Beaucoup ont considéré que la 4G offrait déjà des débits plus qu’honorables et que cette 5G n’a pas été la révolution promise. C’est ce que confiait à Numerama Bruno Zerbib, le patron de la technologie et de l’innovation chez Orange.
« La 5G, c’est un échec de communication », avait-il déclaré en décembre 2023. « Il y a eu un vrai backlash autour de la 5G. […] Il y a plein de dimensions avec la 5G qui ont été mal comprises ». On peut dès lors plutôt s’attendre à une communication autour des cas d’usage, plutôt que de parler de performances pures et dures. L’utilisation du nom 5G+, comme 4G+, 3G+ ou H+ auparavant, pourrait aider à intéresser le grand public.
5G+, 5G SA… Gare au marketing !
La mise en place de la 5G SA devrait vraisemblablement se faire sous une appellation commerciale plus parlante pour le grand public. 5G+ semble bien partie pour devenir le nom du réseau 5G de seconde génération en France, puisque Orange l’utilise déjà.
Dans le passé, les opérateurs français ont joué d’appellations marketing pour créer de l’excitation sur des petites évolutions techniques. On se souvient de 3.5G (3G+ / H), de la 3.75G (3G++ / H+) ou de 3.9G. Idem avec la 4G+ ou, pour la génération 2G, de paliers à 2,5G et 2.75G.
Aux États-Unis, c’est encore pire. Les opérateurs inventent régulièrement des appellations, quitte à mentir sur le réseau vraiment capté, pour vendre des forfaits. Chez AT&T, « 4G » correspond à la 3G, « LTE » à la 4G, tandis que « 5GE » est une 4G boostée… L’opérateur joue aussi des appellations 5G avec la 5G, la 5G+, la 5G UW et la 5G UC… Les deux dernières correspondent à de la 5G millimétrique, sur la bande des 26 GHz, une technologie pour l’instant inexistante en France.
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