Darknet et dark web désignent-ils la même chose ?
De la même manière que le public peut confondre le web et Internet, « dark web » et « darknet » sont parfois utilisés de manière interchangeable, comme si l’un et l’autre désignaient exactement la même chose. Il existe tout de même une subtilité : un darknet désigne une infrastructure physique, un réseau en tant que tel, tandis que le dark web est relatif au contenu que l’on y trouve dessus.
Pour le dire autrement, le darknet est le contenant, tandis que le dark web est son contenu. Le darknet est un réseau généralement peu accessible, mais participe à sa manière au vaste ensemble qu’est Internet. Il n’y a d’ailleurs pas un, mais des darknets. Pour y accéder, il faut employer des logiciels particuliers pour accéder à ces espaces relativement isolés.
Il est possible de considérer le dark web comme un sous-ensemble spécifique du deep web, puicar sque cette catégorie désigne tous les contenus numériques du web qui ne sont pas indexés par les moteurs de recherche, pour une raison ou pour une autre. Le dark web est jugée plus difficile d’accès que le deep web, dans la mesure où il faut mobiliser des logiciels spécifiques.
Depuis quand le darknet existe ?
Le terme de darknet a été inventé dans les années 1970 pour évoquer des réseaux isolés d’ARPANET, l’ancêtre d’Internet, pour des raisons de sécurité. C’est toutefois au début des années 2000 que l’expression a commencé à être popularisée, au fur et à mesure de la démocratisation d’Internet. Depuis, le darknet et le dark web sont même utilisés comme titres de films effrayants.
Techniquement, c’est quoi la particularité d’un darknet ?
Les darknets sont des réseaux installés par-dessus Internet. On parle aussi de réseaux superposés ou de « réseaux overlay ».
En pratique, un darknet est un réseau physique décentralisé, qui fonctionne de pair à pair, comme Internet, mais en y ajoutant des protocoles spécifiques qui en limitent l’accès. La plupart des darknets assurent par défaut un haut degré d’anonymat des pairs connectés : dans leur conception même, ils incluent une attention particulière aux problématiques de confidentialité.
Les darknets peuvent-ils communiquer entre eux ?
Non, on parle bien de réseaux superposés à internet ET séparés les uns des autres. Tor ne permet pas d’aller sur Freenet par exemple. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas le même usage : le premier offre le moyen de naviguer sur le web avec un haut degré d’anonymat ; le deuxième sert à stocker et publier des documents et des pages statiques.
En substance, on peut dire que chaque darknet satisfait des usages précis, auxquels on accède grâce à des outils spécifiques – Fred ou FIW pour Freenet, le navigateur Tor pour le réseau du même nom. Il faut bien comprendre que chacun de ces outils est une portée d’entrée pour des applications que permet la couche logicielle que constituent les darknets, de même que nos logiciels courants servent à accéder à certaines applications d’Internet.
La spécificité de ces réseaux réside simplement dans le soin qu’ils portent à la confidentialité des utilisateurs. Mais cette confidentialité n’est pas absolue. Des services de sécurité et des forces de police enquêtent sur ces réseaux, et leurs investigations les amènent parfois à identifier des internautes et à neutraliser des groupes consacrés à des contenus illicites.
Le dark web est-il nécessairement sulfureux ?
Le simple fait qu’il soit appelé « dark » lui donne un côté sombre. Pourtant, le dark web n’est pas sulfureux par essence. C’est simplement une zone reculée d’Internet où les pratiques poussées de confidentialité offrent aussi bien des usages légitimes que des activités illégales. Les tentatives de chiffrer statistiquement ces dernières sont récurrentes et disent un peu tout et son contraire : en 2016, deux chercheurs se sont penchés sur les sites web accessibles depuis Tor, calculant que 57 % d’entre eux étaient illégaux. En 2020, deux autres scientifiques se sont intéressés aux requêtes formulées dans le moteur de recherche, et ont conclu que seulement 7 % d’entre elles visaient des activités illicites.
Impossible de nier qu’une partie des activités disponibles sur le dark web sont illicites. Il fut un temps où Silkroad faisait figure « d’Amazon » des biens et services illégaux (ou d’e-Bay de la drogue, c’est vous qui voyez), avant d’être remplacé par AlphaBay, Wall Street Market et beaucoup d’autres sites plus ou moins spécialisés dans les armes, la pédocriminalité, la revente des outils nécessaires pour mener votre propre cyberattaque ou commanditer un assassinat. C’est aussi dans ce type d’espaces que se revendent vos données personnelles, souvent pour moins de 10 euros.
Cela dit, de la même manière qu’aucun internaute ne fait le même usage du moteur de recherche de Google que son voisin ou sa voisine, il serait erroné de mettre tous les utilisateurs de Tor ou de Freenet dans le même panier de l’illégalité. Pour certains, cet espace peut simplement servir à discuter : le dark web a ses propres réseaux sociaux nommés Connect, Union Social, Galaxy 3 ou Postor. Pour d’autres, ils servent à rejoindre des services du web depuis des pays qui en empêchent l’accès — d’après son co-fondateur Roger Dingledine, le principal site visité via Tor en 2017 était Facebook.
Si vous êtes opposant politique dans un pays autoritaire, si vous êtes lanceur d’alerte et que vous souhaitez partager des informations sans vous faire repérer, si vous vivez en Pologne et que vous cherchez à obtenir une pilule abortive… les raisons sont multiples, qui pourraient expliquer le recours à cette partie d’Internet. Dans un contexte de suppression progressive de l’accès aux réseaux sociaux américains en Russie, Twitter a pris quelques mois auparavant le parti d’adopter une adresse accessible depuis Tor pour les utilisateurs russes.
S’il est mieux protégé contre la surveillance, pourquoi ne navigue-t-on pas plus sur le dark web ?
À cause de sa réputation, certainement.
Parce que garantir son anonymat à un coût, aussi. Cela demande des efforts. Tor, par exemple, fonctionne comme un VPN à plusieurs couches : au lieu de prendre le chemin le plus direct entre votre ordinateur et le serveur qui héberge la page que vous consultez, il passe par une série de serveurs chiffrés, que l’on appelle des « nœuds ». Ce faisant, il est très difficile (mais pas impossible) de remonter à votre adresse IP. L’inconvénient, c’est que la connexion est beaucoup moins fluide et rapide que sur le « web de surface ».
Enfin, si la confidentialité poussée qu’autorise le dark web est parfois avantageuse, sa manière de fonctionner pose d’autres problématiques : impossible, pour l’usager, de savoir qui héberge tel ou tel site, ni si ses intentions sont bonnes. Les arnaques et les logiciels malveillants sont plus fréquents qu’en zone « claire ». Ni si les « nœuds » sont toujours fiables.
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