Une nouvelle majorité arrive en France. Après la majorité civile, fixée à 18 ans, et la majorité sexuelle, qui démarre à partir de 15 ans, voilà la majorité numérique. Une proposition de loi, en cours de finalisation par les députés et les sénateurs, va établir un âge minimal à partir duquel un ou une internaute pourra librement s’inscrire sur les réseaux sociaux.
Le texte, qui vient de passer en commission mixte paritaire au Parlement, doit encore faire l’objet d’une ultime discussion avant le vote. Très brève, avec à peine une demi-douzaine d’articles, la proposition de loi déposée par le député du centre Laurent Marcangeli devra ensuite être promulguée puis publiée au Journal officiel pour être effective.
S’inscrire sur les réseaux sociaux à partir de 15 ans, sans l’accord des parents
Le cœur du texte réside dans son article 2, qui place cette majorité numérique à 15 ans. À partir de cet âge, un ou une internaute pourra créer un compte sans avoir besoin du feu vers des parents — ou de la personne qui exerce l’autorité parentale sur l’enfant. Tout l’enjeu est donc de pouvoir distinguer les mineurs de moins de 15 ans de ceux ayant passé ce cap.
C’est là que des « solutions techniques » doivent intervenir, à la charge des réseaux sociaux. Ces dispositifs, encore flous aujourd’hui, devront cocher les cases d’un futur référentiel fixé par le régulateur du numérique (Arcom), après consultation de la Cnil. Une piste éventuelle pourrait être la transmission d’une copie d’une pièce d’identité sur laquelle la date de naissance apparaît.
La majorité numérique est un seuil à partir duquel l’autorisation parentale ne sera plus obligatoire. Cela ne veut pas dire, pour autant, que les enfants plus jeunes ne pourront pas s’inscrire sur un réseau social. Il faudra accompagner cette inscription d’une autorisation parentale adéquate. La présentation de pièces d’identité (et du lien d’autorité) sera là encore attendue.
Les réseaux sociaux autorisent en général l’inscription des mineurs à un âge un peu plus bas. Facebook, par exemple, accepte les individus à partir de 13 ans. Idem pour TikTok, Instagram, Snapchat ou Twitter, pour citer uniquement les principales plateformes. Un même seuil existe aux États-Unis, établi avec la loi Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA).
La proposition de loi prévoit également deux autres mesures liées à ce cap des 15 ans. En premier lieu, les réseaux sociaux devront délivrer une information aux enfants sous cet âge et aux parents « sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention ». Ensuite, ils devront aussi signaler au mineur son temps d’utilisation avec des notifications régulières.
Suspension du compte à la demande des parents
La proposition de loi prévoit au passage la possibilité, pour l’autorité parentale, de demander à un réseau social de suspendre le compte de l’enfant s’il a moins de 15 ans. Cela, à condition que l’adulte découvre ledit compte et qu’il sache comment contacter le site. Le fait est que le parent ne sait pas toujours ce que fait et ou va son rejeton lorsqu’il surfe sur le net.
La mise en place de ce texte aura un effet rétroactif : les réseaux sociaux vont devoir recueillir « dans les mêmes conditions et dans les meilleurs délais » l’autorisation des parents pour les enfants de moins de 15 ans déjà inscrits. Une façon d’obliger les mineurs à obtenir ladite autorisation pourrait être une suspension ponctuelle du compte dans l’intervalle.
Quid des enfants qui mentent sur leur âge pour s’inscrire au réseau social, pour se donner un âge supérieur à 15 ans ? C’est l’une des incertitudes de ce texte : on sait que les jeunes mineurs sont susceptibles d’inventer un âge pour enjamber ce type de filtre. Certains réseaux sociaux, toutefois, utilisent des intelligences artificielles pour détecter les resquilleurs.
À ce sujet, la proposition de loi renvoie au Conseil d’État les modalités d’application de cet article, toujours après avis de la Cnil. Le texte prévoit une amende pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires global du réseau social si celui-ci ne se met pas en conformité avec les objectifs de la proposition de loi. Autrement dit, le seul vote de la loi ne suffira pas à la rendre opérationnelle.
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