Une ville flottante, un port, un centre industriel et de recherche et développement, un lieu de production d’énergie verte… Oxagon est un chantier ambitieux. Le projet urbain, qui est en construction en Arabie saoudite, fait partie de l’initiative Neom, une immense zone du pays dédiée à la construction de la ville du futur. The Line, la ville de 170 km de long, ainsi que Trojena, une station de ski dans le désert actuellement en chantier, ou encore Leyja et Epicon, des projets d’hôtel ultra-luxueux qui s’annoncent néfastes pour l’environnement, font également partie de Neom.
Oxagon doit être la partie maritime et industrielle de Neom, située sur le littoral de la mer Rouge, dans le nord du pays. La ville a été annoncée en 2021, et doit être complétée d’ici à 2030 — comme The Line, dont les travaux ont commencé.
Une ville, un port, une usine et un hub logistique automatisé
Oxagon tire son nom de sa forme : la ville ressemble à un octogone géant. Elle sera divisée en plusieurs segments, chacun abritant un secteur spécifique. Il faut dire que le projet concernant Oxagon est vaste et ambitieux. La ville doit accueillir :
- un centre industriel avec des usines et des espaces de R&D, focalisé sur « les énergies renouvelables », « la mobilité autonome et durable », « la construction moderne » et « la désalinisation de l’eau et le management des eaux usées » ;
- un centre d’innovation et de recherche, qui doit être équipé de « laboratoires à la pointe du progrès », qui accueilleront des chercheurs et des étudiants, en vue de développer des solutions « au changement climatique, et aux pénuries de nourriture et d’eau » ;
- un port, un hub logistique et une chaîne d’approvisionnement « entièrement automatisés grâce à de l’intelligence artificielle », afin de permettre des livraisons en des temps records et une « connectivité avec les routes du commerce mondial » ;
- une ville, abritant des « communautés florissantes », qui proposera de nombreux aménagements de qualité pour ses résidents, avec des jardins, des boutiques et des équipements sportifs. Surtout, « grâce à l’intégration des données dans la planification de la ville, les commerçants seront en mesure d’anticiper les besoins des habitants en matière d’achats, offrant ainsi une expérience inégalée et fluide », promet le site de Neom.
La vidéo promotionnelle montre des images de fermes verticales, des structures modernes qui doivent permettre d’alimenter au moins en partie la ville. Le tout doit être construit sur d’immenses plaques flottantes — même s’il n’est jamais expliqué comme ces dernières vont être construites, ni comment elles seront disposées et installées sur la mer.
Une ville controversée
La vidéo insiste bien sur la nécessité de lutter contre le changement climatique et de protéger l’environnement, dont les « eaux vierges » de la région. Pourtant, le projet lui-même risque de causer des problèmes environnementaux.
Tout d’abord, les bateaux, et plus particulièrement les porte-conteneurs qu’Oxagon souhaite accueillir polluent énormément. Ces derniers rejettent du dioxyde de carbone, de l’oxyde d’azote, et des oxydes de soufre, des particules qui génèrent de la pollution atmosphérique. Il y a également la question du « dégazage » en pleine mer, une pratique illégale, mais très courante, qui consiste à déverser des eaux usées, contenant encore des résidus de pétrole, dans la mer.
Construire un port à côté de réserves maritimes abritant des espèces rares et protégées, c’est prendre le risque de les exposer à encore plus de pollution, ce qui ne va pas dans le sens de leur préservation.
Enfin, Oxagon doit devenir la « plus grande structure flottante au monde », d’après Neom — mais cette particularité soulève aussi des questions. Tout d’abord, il n’est jamais précisé comment Oxagon va flotter, et comment les plaques flottantes devant soutenir toutes les structures vont fonctionner. Tout juste est-il précisé que « la conception d’Oxagon est centrée sur des carrés remplis d’eau et reliés par de petits canaux », sans aucune autre indication.
Ces plaques flotteront-elles vraiment ? Devront-elles être accrochées aux fonds marins pour supporter leur charge ? Quels en seront les matériaux ? De quelle façon seront-elles produites ? À quel coût ? Est-ce seulement possible, à une telle échelle ? Des questions pour l’heure en attente de réponse claire de la part des promoteurs du projet.
Enfin, il y a la question de l’usage des données et de l’intelligence artificielle. Il est précisé à de nombreuses reprises dans le texte de présentation d’Oxagon, sur le site de Neom, que la ville recourra massivement à de l’IA, mais surtout, aux données personnelles de ses habitants. Oxagon sera une « ville cognitive qui ne s’adaptera pas seulement à vos besoins, mais apprendra à les anticiper », et grâce à l’usage de ces données, les commerces « seront en mesure d’anticiper les besoins des habitants en matière d’achats ».
Il n’y a aucune information sur la façon dont ces données seront captées et traitées, ou encore stockées, ni qui y aura accès, comment et dans quel but. À l’heure où les données personnelles sont justement vues comme le nouvel « or noir », l’incertitude qui demeure sur l’utilisation de ces informations et de l’IA constitue un autre gros point noir dans le projet Oxagon.
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