Un matériau supraconducteur a la spécificité de n’opposer aucune résistance électrique. Problème : les matériaux supraconducteurs connus ne réagissent ainsi qu’à une température extrêmement basse.

« Une nouvelle ère pour l’humanité » si cela se confirmait. C’est ainsi que des chercheurs sud-coréens ont présenté leurs travaux dans un papier de recherche diffusé le 22 juillet 2023. Ils indiquent avoir découvert un matériau supraconducteur à température ambiante. Le souci, à l’heure actuelle, est que cette étude n’a pas été publiée dans une revue scientifique, elle n’a donc pas été relue par les pairs. Il faut qu’elle soit validée et reproduite pour être considérée comme véritablement importante.

Mais, pourquoi cet épisode fait-il tant parler ? C’est simple : la supraconductivité à température ambiante est un Graal potentiel de l’énergie.

La résistance électrique : des pertes en énergie

La plupart des matériaux conducteurs, ceux par lesquels l’électricité peut être stockée et transmise, opposent une résistance électrique. Cette résistance provoque une dissipation de l’énergie en question, sous forme de chaleur. Cela se traduit très concrètement par une perte. Selon le type d’installations, les pertes peuvent aller de 10 à 20 % de l’énergie émise à l’origine. C’est là qu’interviendrait l’intérêt de la supraconductivité (mais, il y a un twist).

La supraconductivité, c’est quoi ?

Un matériau supraconducteur est un matériau qui n’oppose pas de résistance électrique. Il n’y a donc pas de pertes d’énergie. Pour atteindre cet état supraconducteur, les matériaux actuellement connus pour entrer dans cette catégorie doivent être soumis à une température extrêmement froide, proche du zéro absolu.

Ici un matériau supraconductible, dans un contexte de très basse température. On le voit léviter au-dessus d'un aimant, ce qui est une caractéristique des matériaux supraconductibles. // Source : Henry Mühlpfordt / Wikipédias
Ici un matériau supraconductible qui « lévite » en étant confronté au zéro absolu et à un champ magnétique (et, oui, les amateurs de thé y verront une petite théière). // Source : Henry Mühlpfordt / Wikipédias

La supraconductivité se reconnaît aussi par une caractéristique physique : l’effet Meissner. Lorsque l’échantillon du matériau est soumis à un champ magnétique extérieur tout en étant à une température proche du zéro absolu (pour enclencher son état supraconducteur), il expulse ce champ. Il entre alors en lévitation.

En des termes plus techniques, la supraconductivité engendre un diamagnétisme parfait. Cela signifie qu’en l’absence totale de résistance électrique dans le matériau, les courants (appelés « supercourants » dans ce cas) qui le traversent compensent très exactement le champ magnétique extérieur. L’effet de lévitation est alors particulièrement symétrique.

Le défi d’un supraconducteur à température ambiante

Ces matériaux supraconducteurs ne peuvent être mobilisés dans le secteur de l’énergie en raison de la nécessité d’un environnement extrêmement froid pour obtenir cet état particulier. Découvrir un matériau capable de devenir supraconducteur à température ambiante changerait tout : il révolutionnerait les lignes à haute tension, les câbles d’alimentation, l’informatique quantique (pour accélérer la circulation des qubits), les antennes de transmission, et plus globalement l’industrie.

Il y a bien sûr une dimension économique à réduire ces pertes. Mais, en réduisant les pertes énergétiques qui finissent en chaleur, on serait aussi sur un important gain écologique en freinant des émissions de gaz à effet de serre.

C’est pour cela que le sujet est important et qu’une potentielle révolution énergétique est considérée derrière ce type de recherches. Pour l’instant, cependant, aucun matériau supraconducteur à température ambiante n’a été découvert de façon strictement claire et définitive.

Pourtant, un espoir était né en 2020, avec des publications spectaculaires dans la revue Nature. Mais, ce fut une douche froide : des problèmes dans la méthode et les données ont été repérés. Résultat, l’étude en question avait été tout bonnement rétractée.

Les travaux sud-coréens de 2023 n’ont, quant à eux, pas encore été relus par les pairs. L’étude étant toutefois déjà en ligne, elle est scrutée. Certains chercheurs y voient de nombreux soucis. Par exemple, le mélange plomb-apatite qui le constitue appartient aux minéraux, et non aux métaux. En termes de fabrication, ce n’est pas une petite difficulté. La physique et la chimie à l’œuvre dans l’étude sont également peu détaillées par les auteurs, ce qui complexifie l’analyse, car il est nécessaire de comprendre comment cela fonctionne. Il y a un autre problème plus concrètement compréhensible : le diamagnétisme n’est pas parfait. Dans une vidéo issue de l’expérience, on voit l’échantillon léviter… mais seulement à moitié. La lévitation devrait être bien plus parfaite face à un matériau supraconducteur. « Je ne connais personne dans ce domaine qui pense qu’il s’agit d’un supraconducteur », indique la physicienne Jennifer Fowlie.

Extrait de la vidéo issue des travaux sud-coréens sur un possible supraconducteur (qui n'est pas confirmé comme tel à ce stade). // Source : Hyun-Tak Kim
Extrait de la vidéo issue des travaux sud-coréens sur un possible supraconducteur (qui n’est pas confirmé comme tel à ce stade). // Source : Hyun-Tak Kim

Une telle recherche doit donc être reproduite par d’autres équipes, et ses données être validées, avant d’être considérée rien qu’un peu comme révolutionnaire. Mais, ces travaux rappellent en tout cas combien cette voie de recherche est importante, tant elle fait réagir la sphère scientifique.

Parmi les révolutions énergétiques, la fusion nucléaire reste toutefois davantage attendue — un tel « soleil artificiel » fournirait une énergie propre et illimitée à grande échelle, si l’on parvenait à les stabiliser sur le temps long.

@numerama

LK-99 : cette découverte pourrait changer le futur de l’humanité ! #science #supraconducteur #futur #numerama #changementclimatique

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