Ça y est, Google aurait atteint la suprématie quantique. Le 20 septembre 2019, le Financial Times a repéré que le site de la Nasa avait très brièvement publié un article sur une recherche menée par une équipe de Google. Le média annonçait alors que Google prétendait avoir réussi à créer une machine dont les capacités seraient bien meilleures que celles des plus efficaces ordinateurs classiques. L’article de la Nasa présentant cette avancée a cependant vite été supprimé.
Mais qu’est-ce que la suprématie quantique ? L’origine de l’expression semble remonter à 2012, lorsqu’un article scientifique a été publié par John Preskill, chercheur à Caltech au sein de l’Institut pour l’information quantique et la matière (IQIM). Mais ce champ de recherche est bien plus ancien. Dans les années 1980, l’idée qu’il pourrait exister une sorte d’avantage quantique fait déjà l’objet d’études. « Les recherches qui mènent à la notion de suprématie quantique datent de près d’une quarantaine d’années. La question soulevée est de savoir si l’on pourrait résoudre, avec l’informatique quantique, des tâches très difficiles pour un ordinateur classique », explique à Numerama Thomas Coudreau, professeur de physique et membre du Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques.
Pour comprendre ce qu’a fait l’équipe de Google, le scientifique nous explique qu’il faut s’intéresser à l’un des deux volets de l’information quantique : le calcul quantique. « C’est l’idée de pouvoir utiliser un système quantique pour réaliser un calcul plus rapidement et/ou plus efficacement qu’avec un ordinateur classique, poursuit Thomas Coudreau. Au début des années 1990, il y a eu les premières propositions précises en terme d’algorithme. » À ce moment là, les propositions restaient encore théoriques.
Un calcul « inutile » : pourquoi ?
Ces dernières années, les recherches ont permis d’en savoir davantage. « Depuis environ 5 ans, on connaît les grandes étapes qu’il faudrait suivre pour faire un calcul quantique ‘utile’. Si l’on veut réussir un calcul quantique universel, utile et plus rapide qu’avec un ordinateur classique, il faut d’abord pouvoir démontrer la supériorité d’un ordinateur quantique sur un ordinateur classique, sur une tâche particulière, éventuellement sans application générale », résume le spécialiste. Thomas Coudreau explique d’ailleurs qu’il préfère employer l’expression « avantage quantique » au lieu de celle de « suprématie quantique », plus nuancée.
Les recherches portent donc aussi sur des calculs qualifiés d’ « inutiles », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas d’application précise. Les travaux qui tentent de démontrer un avantage quantique sur ces types de calculs sont encore plus anciens, puisqu’ils ont commencé il y a une dizaine d’années. « C’est ce qu’a fait Google, assure notre interlocuteur, il y a peu de doute dans la communauté scientifique sur la validité des résultats. Les chercheurs qui ont travaillé sur ce sujet auraient beaucoup à perdre à sortir une information qui n’est pas vraie. Ce qui s’est probablement passé, c’est que nous étions dans la phase de soumission de l’article scientifique à une revue. Il y a sans doute eu un bug qui a publié l’article, alors que celui-ci n’avait pas encore été validé. »
Une avancée très importante
Les calculs « inutiles » sur lesquelles travaillent les chercheurs, dont l’équipe de Google, seraient ainsi un prélude à des calculs plus délicats à réaliser avec des ordinateurs quantiques. « Un exemple emblématique d’un calcul quantique ‘utile’ serait d’arriver à factoriser de grands nombres entiers, explique Thomas Coudreau. Prenez 15, par exemple : sa factorisation est 5 x 3. C’est cette opération qui, avec des grands nombres, devient extrêmement difficile et longue sur un calculateur classique. Avant d’arriver à la suprématie quantique sur un tel calculateur, l’équipe de Google se devait de faire une démonstration dans un cas plus simple. »
Alors, peut-on vraiment dire que les chercheurs de Google ont réussi à atteindre la suprématie quantique ? Thomas Coudreau nous répond que « ce que l’équipe de Google semble avoir atteint, c’est une étape pour tendre vers la suprématie quantique. C’est un résultat que je n’imaginais pas arriver avant 5 ans, c’est donc une avancée très importante ».
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