Elon Musk semble ne pas apprécier la trajectoire que prend OpenAI. L’entrepreneur américain, qui a pourtant participé en 2015 à la fondation de cette organisation spécialisée dans l’intelligence artificielle, a manifesté sa mauvaise humeur dans un tweet publié le 24 septembre, écrivant : « Cela semble être le contraire de l’ouverture. OpenAI est essentiellement capté par Microsoft ».
Pourquoi une telle charge publique contre une structure qui, lorsqu’elle a vu le jour, avait comme but premier de faire bénéficier l’IA à toute l’humanité et, par corollaire, ne pas la mettre en danger ? La raison tient au fait qu’un accord récent a été conclu entre OpenAI et Microsoft au sujet d’un outil baptisé GPT-3 (pour Generative Pre-trained Transformer), qui a été dévoilé au cours du printemps 2020.
GPT-3 est un générateur automatique de texte qui est décrit comme étant capable de produire des paragraphes fortement ressemblants à ceux écrits par un humain. Il a été notamment remarqué cet été, lorsque l’un des articles produits — sur la dizaine inventée en l’espace de deux semaines — s’est retrouvé en haut de Hacker News, un agrégateur d’information apprécié dans la Silicon Valley.
Sa précédente version, GPT-2, annoncée en février 2019 (GPT, lui a été présenté en juin 2018) avait aussi connu une certaine notoriété quand OpenAI a prétendu que son logiciel était si performant qu’il serait problématique, voire dangereux. À l’époque, l’organisation avait pris la décision de ne pas publier tous les résultats de ses travaux, au motif que GPT-2 pourrait être détourné à des fins malveillantes
« Nous allons, dans une démarche expérimentale de diffusion responsable, publier un modèle bien plus petit, pour que des chercheurs puissent expérimenter, ainsi qu’une publication technique », annonçait OpenAI. Une décision critiquée par des observateurs, jugeant qu’OpenAI surjouait la menace et que c’était une façon commode de recevoir une bonne couverture médiatique.
Une licence dont la portée inquiète
Dans le cadre du deal entre OpenAI et Microsoft, annoncé le 22 septembre, il est évoqué que « Microsoft s’associe à OpenAI pour la licence exclusive du modèle de langage GPT-3 ». C’est de toute évidence la notion d’exclusivité qui a fait tiquer Elon Musk, car cela ne colle guère avec le concept d’ouverture de l’intelligence artificielle, qui figure pourtant dans le nom même d’OpenAI et dans sa promesse initiale.
Dans son annonce, Microsoft nuance la portée de cet accès exclusif, promettant que « OpenAI continuera à proposer le GPT-3 et d’autres modèles puissants via sa propre API hébergée par Azure ». Quant à Microsoft, il promet de continuer de travailler avec OpenAI pour « exploiter et démocratiser la puissance de leur recherche de pointe en matière d’IA, alors qu’elle poursuit sa mission de construction d’une IA forte sûre ».
Même son de cloche chez OpenAI : « cet accord n’a aucun impact sur l’accès continu au modèle GPT-3 via l’API d’OpenAI, et les utilisateurs actuels et futurs de ce modèle continueront à créer des applications avec notre API, comme d’habitude », commente l’organisation dans un billet de blog paru le 22 septembre.
Dans cette affaire, Elon Musk n’est plus guère qu’un simple spectateur d’OpenAI, car l’intéressé a pris ses distances de l’organisation début 2018 pour éviter tout conflit d’intérêts. Il a ainsi démissionné du conseil d’administration. Il demeure toutefois l’un des donateurs majeurs de la structure et reste relativement influent et audible du fait de sa notoriété et son intérêt pour les sujets liés à l’IA.
Le contrat conclu entre Microsoft et OpenAI est aussi perçu comme une sorte de renvoi d’ascenseur après un investissement à hauteur d’un milliard de dollars que la firme de Redmond a annoncé à l’été 2019. Dans ce cadre, il a aussi été acté que l’organisation aura accès à Azure, la plateforme de cloud computing du géant de l’informatique, et donc à une puissance de calcul et des capacités de stockage très élevées.
Cette annonce est survenue quelques mois après la décision d’OpenAI d’opérer une bascule idéologique. Si la structure principale reste à but non lucratif, elle a lancé en mars 2019 une filiale (OpenAI LP) destinée à « augmenter rapidement ses investissements ». Et de trouver des financements de plusieurs milliards de dollars dans les années à venir. Bref, à faire rentrer de l’argent, en somme.
Des sentiments personnels jouent-ils dans ces critiques ?
Selon Business Insider, les critiques d’Elon Musk adressées à l’égard d’OpenAI ont aussi une dimension plus personnelle, dans la mesure où Microsoft est dans la boucle : il s’avère que des différences d’appréciation entre Elon Musk et Bill Gates existent sur des sujets, qui ne sont pas forcément liées à l’IA, mais à des prises de position publiques sur les vaccins, les voitures ou bien les camions électriques.
Bill Gates n’a certes plus aucune activité opérationnelle dans Microsoft depuis des années (il a quitté la direction en 2000, démissionné de la présidence du conseil d’administration en 2004, renoncé aux affaires courantes en 2008, et quitté ce même conseil en 2020, ne gardant qu’un rôle de conseiller technique), mais il demeure très lié au groupe via ses actions, qui constituent une large part de sa fortune.
Ainsi, Bill Gates avait attaqué directement Elon Musk au mois d’août sur sa compétence dans la politique vaccinale, un sujet sur lequel Bill Gates est désormais très actif via sa fondation, notamment contre des maladies comme la poliomyélite, le paludisme, le sida et la tuberculose ou la méningite. On crédite à la fondation d’avoir contribué à la vaccination de millions d’enfants dans le monde.
« L’attitude d’Elon Musk est de maintenir un niveau élevé de commentaires scandaleux, il n’est pas très impliqué dans les vaccins. Il fabrique une excellente voiture électrique. Et ses fusées fonctionnent bien. Il a donc le droit de dire ces choses. J’espère qu’il ne confond pas les domaines dans lesquels il n’est pas trop impliqué », avait taclé l’ex-patron de la firme de Redmond, qui évoquait la défiance plus générale à l’égard des vaccins et de la situation sanitaire aux USA.
Sur les voitures électriques, Bill Gates avait salué les efforts des constructeurs automobiles américains, mais sans citer Elon Musk et Tesla, qui est sa marque dans ce segment. Bill Gates avait aussi fait savoir qu’il avait acheté la Porsche Taycan, une voiture électrique rivale de Tesla, ce qui avait fait dire à Elon Musk que ses discussions avec lui « ont été décevantes ».
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