Un plongeon de 30 % en une semaine, dans un marché crypto déjà bien baissier. Pour prendre du recul sur les chiffres bruts et comprendre ce que signifie ce krach du bitcoin, Numerama a interrogé deux experts, un analyste des marchés et un trader en cryptomonnaies. Dans l’immédiat, les perspectives ne se montrent évidemment pas enchanteresses. Mais sur le long terme…
Peur, incertitudes, doute. Tout le monde se demande jusqu’où cette dégringolade du bitcoin va nous emmener. Celles et ceux venus pour autre chose que la tech quittent le navire. Vénal ou pas, mieux vaut avoir l’estomac bien accroché pour traverser la tempête secouant le marché crypto.
Afin de garder le cap, apaiser les haut-le-cœur et distinguer les cahots financiers des enjeux technologiques, Numerama a interrogé deux experts, un analyste des marchés, Vincent Boy de chez IG, et un trader-créateur de contenus, cryptOdin. Entretien croisé.
Numerama : Le marché crypto s’est montré de plus en plus sensible aux soubresauts des marchés actions et, comme eux, aux enjeux macro (inflation, Fed, BCE). L’actuelle évaporation du bitcoin n’a donc rien de surprenant, si ?
Vincent Boy : Rien n’est certain dans l’activité d’investissement, mais la bulle, créée par les rachats d’actifs massifs des banques centrales et les taux bas, a conduit les actifs spéculatifs vers des sommets. Le bitcoin en a également profité et la chute semblait inévitable. L’inflation se poursuivant, le retard dans le resserrement monétaire rend les choses plus difficiles et le mouvement de baisse n’est probablement pas fini.
CryptOdin : Les éléments de réponses sont un mix d’analyse fondamentale et technique. Il existe une corrélation avec les actions technologiques comme Tesla ou encore Uber. Tout cet écosystème fait partie d’une classe d’actifs qu’on appelle les « risk-on » et ils sont très utilisés dans les moments les plus propices. Pour contrebalancer ces actifs, une autre catégorie, les « risk-off » sont utilisés pour se couvrir lors des phases de crise/récession. Il y a donc un arbitrage constant entre ces deux catégories et les décisions sont toujours induites par l’environnement économique et monétaire. Comme la situation s’est fortement dégradée en post-covid avec l’augmentation très rapide de l’inflation, les agents économiques effectuent un arbitrage de risk-on à risk-off.
Sortant de la zone des 30 000 $ occupée par le bitcoin depuis une bonne année, que laisse présager le cours actuel. Les prochains seuils seront nettement inférieurs ?
Vincent Boy : En effet, le mouvement devrait se poursuivre tant que la politique monétaire se resserre. Le prix des 20 000 dollars, ancien plus haut historique de 2017, est un niveau psychologique très fort.
CryptOdin : Il faut désormais comprendre que le bitcoin entre dans sa dernière phase d’un cycle entamé en mars 2020. Cette phase est celle d’une chute importante qui viendra générer de la peur et de la colère pour ceux qui sont encore en position.
Y a-t-il des planchers techniques en vue, où le prix pourrait se stabiliser, voire rebondir ? Ou au contraire des seuils qui, s’ils sont franchis, aggraveront la baisse ?
Vincent Boy : Le seuil des 20 000 est à surveiller au niveau technique, mais également psychologique, si cet ancien plus haut historique est cassé, cela devrait conduire à une nouvelle forte accélération baissière, mais surtout conduire à un désintéressement de nombreux investisseurs et pousser le marché dans un bear market (un marché durablement baissier) de plusieurs trimestres.
CryptOdin : Les zones qu’il faudra observer donc seront multiples : la première étant celle de l’ancien ATH (all time high) de 2017, entre 18 000 et 20 000$. Elle pourra servir de point de rebond technique au prix. Cela veut dire que le prix viendra retracer une partie de son mouvement baissier, tout en gardant une structure baissière.
La seconde étant celle qui a retenu le prix entre juillet 2019 et octobre 2020. Elle se situe entre 11 500$ et 14 000$. Un achat ici me paraît cohérent, néanmoins cette zone pourra servir de support avant un mouvement de capitulation. La dernière zone que j’observerai se situe entre 5 000$ et 7 000$. Elle correspond à l’impulsion du mouvement haussier depuis le début du bull run (l’élan d’un marché durablement haussier, ndlr).
Ce comportement boursier du bitcoin doit-il démotiver les enthousiastes de la technologie Bitcoin ? Ce krach nous raconte-t-il autre chose que l’offre et la demande autour d’une classe d’actifs « émergente », qui prend sa place sur la planète finance à un moment singulier ?
Vincent Boy : Cela pourrait décourager un grand nombre, qui ont tenté de réaliser des bénéfices importants en peu de temps. Mais cela devrait en revanche permettre aux techno-enthousiastes de consolider leur position pour le long terme. En utilisant par exemple la méthode du DCA (dollar cost averaging, la stratégie d’investissement qui consiste à acheter des cryptomonnaies pour un montant fixe à intervalles réguliers et programmés à l’avance afin de lisser le risque).
CryptOdin : Pour ceux qui sont attachés à la technologie de bitcoin, il n’y a aucun changement majeur qui pourrait porter préjudice au protocole. Bien au contraire, les solutions qui se développent sur cette base sont multiples. Sans parler de blockchains différentes comme Ethereum, le réseau bitcoin reste porteur de beaux projets. Le Lightning Network continue de se développer, avec notamment la refonte récente du projet Umbrel, les nouvelles versions de Bisq, ou encore le développement du Lightning Market.
Bref, un moment difficile à passer. Mais la purge se révèlera bénéfique ?
Vincent Boy : Selon moi, la blockchain et la bulle autour des cryptos peut se comparer aux valeurs Internet dans les années 90/2000. Survalorisées avant l’éclatement de la bulle, ces entreprises du web sont maintenant les sociétés les plus valorisées et les plus puissantes du monde. Les cryptos semblent être actuellement dans la phase d’éclatement, mais devraient dans le futur être parmi les plus gros projets, les plus grandes sociétés au monde.
CryptOdin : La période à venir sera complexe pour la grande majorité des investisseurs et des traders. Les volumes et les liquidités du marché seront fortement réduits, pouvant induire des mouvements plus violents. Cette phase de marché bien connu sous le nom de « bear market » provoque donc un épuisement et une impatience de la majorité des acteurs. Il faudra donc être le plus patient possible durant cette longue période et jouer une stratégie conservatrice. Le nerf de la guerre est la préservation de son capital et la construction d’investissement long terme.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.