Pourquoi parle-t-on autant de Nothing ? Dans cette question, il y a aussi une once d’autocritique. Depuis l’annonce de la création de l’entreprise le 27 janvier 2021, les médias qui s’intéressent aux nouvelles technologies, comme Numerama, traitent régulièrement de l’actualité de la marque. Pourtant, Nothing n’est ni plus ni moins qu’une start-up. Elle a sorti d’excellents écouteurs sans-fil l’année dernière, mais elle n’est qu’au tout début de son aventure. Beaucoup de jeunes pousses bien plus avancées n’ont aucune couverture médiatique et regardent probablement Nothing avec beaucoup de jalousie.
Le 12 juillet, Nothing dévoilera le phone(1), son premier smartphone Android. Cet appareil milieu de gamme jouera la carte de la transparence pour se démarquer dans un marché ultra concurrentiel. A-t-on raison de suivre Nothing d’aussi près ? Thèse, antithèse et synthèse (en ce jour de bac de philo, on s’est dit, pourquoi pas).
Pourquoi Nothing mérite son traitement de faveur
Commençons par la partie la plus positive. Sur certains aspects, Nothing est clairement un peu plus qu’une start-up. Son traitement médiatique est assurément démesuré, mais nous avons raison d’accorder de l’importance à la genèse de cette entreprise. Voici pourquoi :
- Le créateur de Nothing est Carl Pei, qui a co-fondé la marque chinoise OnePlus. Cet entrepreneur suédois, né en Chine et considéré à tort comme lui-même chinois, est connu dans l’industrie pour son aisance sur scène et son franc-parler. Nous l’avons nous-même rencontré à plusieurs reprises, Carl Pei laisse rarement indifférent. Parti d’un OnePlus sur le point de se faire absorber par Oppo, Carl Pei a désormais carte blanche. On a forcément envie de voir de quoi il sera capable avec cette marque beaucoup plus créative.
- Nothing est basée à Londres, et non pas en Chine. Si les usines seront à Shenzhen (Carl Pei utilise son ancien réseau), cela fait tout de même de l’entreprise une entreprise européenne. Les Nothing phone pourraient donc être les seuls smartphones, avec les Nokia et les Fairphone, créés par des marques de notre continent. Dans un contexte de guerre technologique, cet aspect politique est forcément intrigant.
- Plusieurs géants, comme Google et Qualcomm, soutiennent Nothing. Là aussi, la raison est politique. Face aux mastodontes asiatiques, un acteur qui se revendique européen les intéresse. Tous deux investissent beaucoup dans l’entreprise.
- Nothing a embauché des talents chez Essential, l’ex-marque du créateur d’Android et Dyson. Elle ne cherche pas à ressembler aux autres entreprises.
- Nothing a signé de premiers partenariats, notamment avec l’opérateur anglais O2 qui vendra son appareil en exclusivité. Cette stratégie est semblable à celle d’Apple avec l’iPhone en 2007, qui avait aussi choisi O2 au Royaume-Uni.
- Enfin, les écouteurs ear(1) nous ont prouvé que Nothing voulait faire les choses différemment. Design transparent, fonctionnalités haut de gamme, petit prix… Nothing a envoyé un premier message positif. Reste à savoir s’il peut répliquer ce modèle sur les smartphones.
Pourquoi Nothing est surcotée, au moins pour l’instant
Malgré toutes ces qualités, vous ne nous ôterez pas de la tête l’idée que Nothing est, à ce jour, beaucoup trop médiatisée (pour ne pas dire surcotée). On peut surveiller l’entreprise sans écrire sur chacune de ses annonces, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont assez anecdotiques (levées de fond, annonce d’une date, lancement d’un launcher Android, partenariat, embauche…). Nothing porte si bien son nom qu’elle a réussi à exister à partir de rien. Nous avons pourtant toutes les raisons du monde de penser qu’elle ne deviendra pas un géant de la tech dans les prochains mois.
Nothing porte si bien son nom qu’elle a réussi à exister à partir de rien.
Soyons clairs, nous ne disons pas qu’il ne faut pas parler de Nothing. En revanche, il y a clairement de la démesure dans le fait de lui offrir une couverture médiatique aussi grande que celles de Xiaomi ou Oppo, des acteurs très bien établis. Dans d’autres pays, comme les États-Unis, Nothing surpasse même les marques chinoises.
- On ne devient pas un géant du jour au lendemain. Même si le Nothing phone(1) est excellent, sa disponibilité ultra-limitée va le freiner. Il est peu probable de voir Nothing chez tous les opérateurs et les grands revendeurs dans quelques mois, ce qui en fera dans tous les cas un tout petit acteur de la téléphonie mobile. Gare alors à ne pas lui accorder trop d’importance au lancement de son produit. On pense notamment à Essential, rachetée par Nothing, qui a fait un joli flop.
- Les rares partenariats déjà annoncés par Nothing, comme celui avec O2, oublient de prendre en compte une réalité : le smartphone en 2022 n’a rien à voir avec le smartphone de 2007. L’exclusivité de l’iPhone le rendait rare, celui du Nothing phone risque juste de le rendre moins accessible.
- La hype autour de la transparence des produits Nothing n’a aucun sens. Il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans, c’est seulement un élément marketing.
- Nothing reproduit la recette du succès de OnePlus, à savoir jouer la carte communautaire pour faire parler d’elle sur les réseaux sociaux et donner l’impression que tout le monde l’attend. Qu’en est-il vraiment ? En dehors de la sphère des fans de nouvelles technologies, il est probable que sa notoriété soit quasiment nulle.
- A-t-on besoin d’un nouveau constructeur de smartphones ? Face à Apple, Samsung, Oppo et Xiaomi, les autres marques comme Vivo, Motorola, Google, Realme, TCL, Nokia et les autres galèrent assez. Nothing arrive sur un marché ultra-saturé et aura uniquement sa nationalité à faire valoir.
- Le Nothing phone(1) sera le deuxième produit de Nothing, après des écouteurs. Nous sommes actuellement dans un monde où les écosystèmes logiciels règnent. Face à Apple ou Samsung, les deux marques les plus avancées, Nothing ne pourra probablement pas se mettre au niveau avant plusieurs années.
- Enfin, le fait de lancer un smartphone milieu de gamme risque de ne pas aider Nothing. Sa cible première est celle qui achetait les OnePlus, des appareils haut de gamme. Ces gens-là achèteront-ils un smartphone avec une puce milieu de gamme, disponible nulle part ?
Vivement le 12 juillet
Que faut-il retenir de toute cette argumentation ? Comme nous l’avons plusieurs fois répété, nous pensons primordial de ne pas couvrir tous les faits et gestes de Nothing (comme OnePlus, la marque lâche de petites infos tous les jours pour avoir plusieurs articles au lieu d’un seul plus complet). C’est pour ça que vous ne trouverez probablement pas beaucoup de choses au sujet de Nothing sur Numerama avant le 12 juillet, date de l’annonce du phone(1). Cependant, cela ne retire rien à notre intérêt pour l’entreprise. Une fois n’est pas coutume, une start-up a vraiment notre attention. On espère maintenant que le phone(1) sera à la hauteur et que les futurs projets de Nothing seront plus récurrents.
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