Sur les principaux moteurs de recherche utilisés en France, ce sont surtout des pages institutionnelles, des résultats venant de la Caisse nationale de l’assurance maladie et des informations venant de l’actualité qui apparaissent lorsqu’on fait une recherche avec « IVG » ou « avorter », « avortement » ou « interruption volontaire de grossesse ».
Un site défavorable à l’IVG toujours haut dans certains classements
Dans quelques cas cependant, des requêtes font remonter dans la première page des résultats un site défavorable à l’IVG, même s’il se donne l’apparence d’un site d’information neutre sur le sujet. Il s’agit du site ivg.net, pour lequel il existe déjà une documentation fournie — Le Monde relevait ainsi en 2016 qu’il s’agit d’un « site très orienté d’un couple de militants catholiques. »
La décision qui a été rendue fin juin aux USA est l’occasion de constater quelle place occupent les sites hostiles à l’IVG sur les moteurs de recherche. Et il s’avère qu’en 2022, les résultats sur Google, Bing, Qwant et DuckDuckGo sont neutres pour l’essentiel, le référencement ayant relégué à des pages plus lointaines les sites militants qui y sont hostiles.
Le référencement désigne la position qu’occupe un site sur certains mots-clés. Dans le cas du très controversé ivg.net, son intérêt est de pouvoir se placer sur les termes évoqués précédemment — ivg, interruption volontaire de grossesse, avorter ou bien avortement — afin de toucher les femmes qui seraient à la recherche d’information sur leur grossesse.
L’amélioration du référencement passe par une compréhension (toujours partielle) de l’algorithme de fonctionnement de chaque moteur de recherche et par un certain nombre de techniques qui seront bien vues au moment de l’indexation du site et ses pages. Les liens pointant vers le site sont un critère, tout comme la présence de certains mots-clés.
En la matière, ivg.net parvient à se maintenir dans les premiers résultats des quatre moteurs que l’on a testés. Sur Google, il apparait sur la première page avec la requête « IVG », mais en dernière position. L’accès à la première page de Google est stratégique pour les sites, compte tenu du fait que les internautes ne vont presque jamais sur les suivantes — ils refont une recherche à la place.
On retrouve également ce site sur la première page de Bing avec le mot-clé « IVG », mais dans les dernières positions. DuckDuckGo, qui s’appuie en partie sur l’index de Bing, reprend un classement similaire, avec ivg.net en première page, en queue de peloton. Et sur Qwant, ivg.net apparait en huitième position de la première page, qui propose dix résultats en tout.
D’autres recherches avec les mots-clés les plus courants donnent pareillement des liens discutables. Avec le terme « avorter », Qwant met en avant un lien s’adressant aux internautes africains dans lequel une internaute se demande s’il est possible d’avorter avec un citron. Quant à Bing et DuckDuckGo, ils promeuvent en première page une méthode « naturelle » avec du… coca-cola.
C’est sur Google toutefois que la structuration de l’index a un caractère hautement stratégique, parce que le moteur de recherche est en situation de quasi-monopole : il concentre environ 90 % du marché de la recherche en France, et cela, depuis des années. Bing, DuckDuckGo, Qwant et quelques autres se partagent les quelques miettes restantes. Leur usage est anecdotique.
En France, le droit à l’interruption volontaire de grossesse permet à toutes les femmes de provoquer un avortement depuis la loi Veil de 1975. Les contours de l’IVG ont cependant évolué dans le temps, notamment en ce qui concerne la prise en charge et le délai légal (14 semaines de grossesse) pendant lequel il est possible demander une IVG.
Un délit d’entrave numérique depuis 2017
Le droit français rend plus difficile qu’aux États-Unis l’édition de sites web hostiles à l’IVG. En 2014, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes intégrait une disposition pour étendre le délit d’entrave à l’avortement au niveau de l’information délivrée aux femmes. Cela faisait suite au constat que les sites de désinformation sur l’IVG étaient trop bien référencés sur le web.
C’est toutefois en 2016 que des actions concrètes ont été prises, avec un délit d’entrave numérique à l’IVG, que le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution, en l’assortissant toutefois de deux réserves d’interprétation.
Ce délit punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’IVG, y compris sur le net, « par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales » de l’avortement.
Il apparait cependant que le site ivg.net a perdu des positions avec le temps. En 2016, nous faisions observer qu’il était en deuxième position sur Google, ce qui est très haut — si la première page de Google est stratégique, les premières places le sont encore plus. Il était même premier en 2014. Aujourd’hui, il est placé au dernier rang de la première page.
La bataille d’influence qui se joue sur l’IVG n’est toutefois pas circonscrite aux moteurs de recherche. Elle se joue aussi sur la publicité en ligne. Il a pu être documenté en 2019 que la promotion anti-avortement a pu profiter des règles de Facebook pour se maintenir en ligne — suscitant là encore l’indignation, tout comme la présence d’ivg.net dans les tops des résultats.
Si un consensus significatif se forme dans l’opinion publique autour du droit à l’IVG, le prochain acte pour le sécuriser un peu plus pourrait être la perspective de le sanctuariser en l’inscrivant dans la Constitution de la Cinquième république. Cette idée n’est pas neuve, mais elle revient avec fracas avec les toutes récentes évolutions juridiques survenues outre-Atlantique.
La décision rendue aux États-Unis par la Cour suprême s’est avérée être un terrible coup de tonnerre pour toutes les femmes, même si la déflagration était attendue depuis des semaines. Sous l’influence des juges ultra-conservateurs, désormais majoritaires à la Cour, un arrêt décisif qui protégeait le droit à l’avortement a été renversé au niveau fédéral.
Désormais, les États fédérés, surtout du sud, sont susceptibles de limiter, voire de supprimer, le droit à l’IVG. C’est cette onde de choc, venant d’un pays que l’on perçoit parfois comme aligné sur les normes et les valeurs européennes, qui invite aujourd’hui à se demander si le droit français est assez solide pour résister à un recul équivalent à la perte de l’arrêt Roe vs. Wade de 1973.
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