Facebook accepte que l’on parle d’avortement, de pilule ou d’interruption volontaire de grossesse (IVG), mais le réseau social s’oppose aux publications qui proposeraient d’envoyer lesdits produits médicaux. Voilà la position que le réseau social entend tenir, quelques jours après la décision de la Cour suprême américaine de revoir les règles de l’avortement aux États-Unis.
Cette ligne de crête que le site communautaire cherche à emprunter a été résumée par Andy Stone, le chef de la communication de Facebook.
Sur Twitter, il écrivait le 27 juin 2022 que tout « contenu qui tente d’acheter, de vendre, d’échanger, de donner, de demander ou de donner des produits pharmaceutiques n’est pas autorisé ». C’est dans cette catégorie que tombent les pilules abortives. En revanche, « le contenu qui traite du caractère abordable et de l’accessibilité des médicaments sur ordonnance est autorisé ».
Des publications liées aux pilules ont disparu
Andy Stone réagissait à une enquête de Vice, qui observe que « Facebook sanctionne les personnes qui disent qu’elles vont envoyer des pilules d’avortement par la poste ». Le papier montre que le jour même de la décision de la Cour suprême, des publications partagées au même moment et proposant des envois par la poste étaient retirées de Facebook.
Dans ses standards de la communauté, Facebook ne mentionne pas explicitement les pilules abortives, mais traite plus généralement des produits pharmaceutiques. Dans la catégorie des biens et des services restreints, il est interdit de « tenter d’acheter des produits pharmaceutiques, d’en vendre ou d’en commercialiser », d’en faire don, d’en offrir ou de tenter d’en obtenir.
Quelques exceptions sont toutefois prévues, mais qui relèvent plus de la discussion qu’autre chose — si le contenu traite de « l’abordabilité, l’accessibilité ou l’efficacité de produits pharmaceutiques dans un contexte médical », s’il « liste le prix de vaccins à des fins explicites d’éducation ou de discussion » ou si la livraison vient de sociétés médicales légitimes.
L’arrêt rendu par la Cour suprême a pour conséquence de considérer que le droit à l’avortement aux USA ne découle pas de la Constitution et qu’il n’a donc pas à être protégé à travers l’arrêt Roe v. Wade. Celui-ci a observé que les lois des États fédérés sont incompatibles avec la Constitution quand elles limitent la liberté des femmes à disposer de leur corps.
Le nouvel arrêt annule Roe v. Wade. Par conséquent, ce n’est plus du ressort de la Constitution. La réglementation de l’avortement revient aux États fédérés, ce qui a pour effet de tuer au niveau fédéral la capacité pour les femmes de décider de mener ou non leur grossesse à terme. Dans plusieurs États du sud et du centre, des actes visant à empêcher l’IVG ont d’ores et déjà été pris.
Le numérique, risque inattendu pour l’avortement ?
Avec la nouvelle donne qui se dessine aux USA, le rôle du numérique est en train de se poser. « La différence entre aujourd’hui et la dernière fois où l’avortement était illégal aux États-Unis est que nous vivons dans une ère de surveillance numérique sans précédent », faisait observer dès le 24 juin Eva Galperin, la directrice en charge de la cybersécurité au sein de l’organisation EFF.
Les données de géolocalisation, les historiques de recherche, les informations se trouvant dans les applications de suivi de cycle, les données de santé, le contenu des messages, les métadonnées : tous ces éléments apparaissent désormais comme pouvant potentiellement se retourner contre les femmes qui désireraient faire cesser une grossesse.
La censure sur les réseaux sociaux est un autre enjeu. L’Associated Press faisait état d’un problème sur Instagram (une filiale de Facebook) où certaines publications parlant d’avortement étaient cachées. Un bug, selon le service : un écran de mise en garde apparaissait un peu partout dans le monde, alors que sa présence n’était pas justifiée — il n’y avait rien de graphique.
Des interrogations ont aussi émergé sur les sites traitant de l’IVG. Des activistes craignent que les effets induits par la fin de Roe v. Wade provoquent l’interdiction de certaines ressources, au moins dans certains États. Une peur excessive ? Sans doute pas, quand on voit que certains États fédérés songent à poursuivre aussi les femmes allant se faire avorter ailleurs.
Aux États-Unis, la Food and Drug Administration, qui est l’organisme supervisant la commercialisation des médicaments dans le pays, autorise l’envoi des pilules par la poste, rappelait le New York Times en décembre dernier. Mais le nouveau cadre juridique fixé par la Cour suprême fragilise ce qui devait être un élargissement de l’accès aux médicaments.
Dans ces conditions, il est possible que beaucoup de femmes cherchent à passer sous les radars pour obtenir des informations, notamment sur les réseaux sociaux. Il est d’ailleurs possible, comme le font remarquer des internautes, spécialement sur Reddit, que des noms de code émergent pour passer entre les mailles de certains outils d’analyse du texte.
Dans ce contexte, l’implication des grandes plateformes sociales comme Facebook sera déterminante pour la suite, car de l’accès ou non aux ressources et à certaines données personnelles et médicales dépendra le destin de nombreuses femmes en situation de grossesse. Les avortements, eux, continueront. La question est de savoir avec quelle sécurité pour les personnes.
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