Nous ne nous lasserons jamais de le répéter à ceux qui refusent de l’entendre, le P2P n’est pas illégal. Seule son utilisation peut l’être, mais la technologie est neutre, et peut être utilisée à des fins totalement louables. C’est le cas de FreeTorrent.fr , un site qui propose d’utiliser BitTorrent pour télécharger des centaines de contenus libres et gratuits mis légalement à disposition des internautes. Son fondateur Olivier Prieur (aka « mumbly ») nous en dit plus.
Numerama : Bonjour Olivier, pourquoi avoir créé Freetorrent alors que le P2P a plutôt mauvaise presse ces temps-ci ?
Olivier Prieur : J’utilise Gnu/Linux et les logiciels libres depuis janvier 2000 où un collègue de travail m’a fait découvrir Gnu/Linux. Bien au fait des différentes possibilités de téléchargement illégal sur le Net, je me suis ensuite dit que le peer-to-peer, et qui plus est Bittorrent, n’a pas été inventé à des fins illégales. Aussi, comment redonner ses lettres de noblesse à un P2P saint et utile tout en incluant la dimension logiciels libres et communautaires ?
En fait, mon idée a toujours été de développer et maintenir une communauté culturelle basée sur le Libre (tous médias). Pouvoir organiser une communauté d’utilisateurs qui puissent librement partager la culture.
Freetorrent est un projet basé sur le partage et la promotion des logiciels libres et des contenus libres sous licence libre ET sous Licence Libre de Diffusion (LLD) (pour tout système : Microsoft Windows, Gnu/Linux, Mac OS, xBSD, …). Freetorrent propose de rassembler et de rendre ces médias disponibles par l’intermédiaire du réseau Peer to peer en utilisant le protocole Bittorrent et souhaite ainsi créer une dynamique communautaire
culturelle libre, pour tous, par tous.
N : Pourquoi avoir choisi d’utiliser BitTorrent pour diffuser tous ces fichiers ?
OP : Le protocole Bittorrent semble le plus adapté aujourd’hui au niveau transparence et rapidité.
N : Et pourquoi pas un autre logiciel de P2P comme eMule ?
OP : Bittorrent est traditionnellement plus utilisé par la communauté libre qu’eMule. Il était tout naturel pour moi de reprendre ce protocole qui permet, depuis un site « tracker », de présenter et de proposer un média en partage. Bittorrent semble plus approprié pour partager des images .iso de distributions Linux, etc. (même si freetorrent propose aussi des films, des musiques, des textes, etc.)
N : Combien de fichiers ont déjà été téléchargés grâce à Freetorrent ?
OP : Les fichiers proposés sur freetorrent vont et viennent selon l’actualité. Une image .iso d’une distribution Gnu/Linux est en ligne quelques mois puis est remplacée par sa nouvelle version. S’il n’y a plus de raison de la garder en ligne (plus de demande, distribution obsolète, …) le .torrent est effacé. Quelques fois le manque de « seed » (c’est à dire de personnes qui partagent le fichier) oblige à purement et simplement supprimer le partage ! Il y a actuellement une centaine de fichiers en partage. Mais depuis le début de freetorrent, il y en a eu le double !
N : Comment fonctionne le site au jour le jour pour l’ajout de nouveaux contenus ? Avez-vous une équipe dédiée ou les internautes proposent eux-mêmes des contenus ?
OP : Tout le monde peut venir sur le site et télécharger. C’est un site … libre ! Mais pour proposer un fichier en partage, il faut s’inscrire gratuitement sur le site. Chacun, après cette inscription, peut proposer un fichier à condition de mentionner la licence d’utilisation. C’est ici la partie centrale de freetorrent. C’est donc les internautes qui proposent les contenus (et nous comptons sur eux d’ailleurs pour agrandir l’offre et dynamiser la communauté culturelle libre qui grandit chaque jour !) Néanmoins, cela demande un travail de modération certain.
Je suis aidé par deux autres administrateurs qui vérifient que les licences proposées soient les bonnes …
D’ailleurs, actuellement, nous réfléchissons à la possibilité de « redonner un coup de jeune » au site en développant un aspect communautaire plus marqué avec une esthétique claire et aux repères clairs : libre et légal ! Si des personnes sont intéressées par notre projet pour nous aider, qu’elles n’hésitent pas à nous contacter ! :o)
N : Comment percevez-vous l’évolution des mentalités autour des contenus libres ? Pourraient-ils selon vous remplacer un jour totalement l’industrie commerciale ?
OP : C’est déjà le cas, en partie, depuis quelques temps ! Dans l’association où je travaille (centre social), OpenOffice a remplacé Microsoft Office depuis longtemps et des cours de bureautique agréés par la Direction du Travail et de l’Emploi sont dispensés chaque trimestre grâce à ce logiciel. Firefox est désormais un outil important pour le Web et d’autres logiciels comme the Gimp ou Inkscape supplantent avantageusement d’autres logiciels plus … lourds.
De là à remplacer totalement l’industrie commerciale, je ne pense pas et je ne le souhaite pas. Je ne suis pas contre l’aspect commercial. Il faut bien gagner sa vie et je ne suis pas de ceux qui tirent à boulet rouges sur Microsoft. Néanmoins, comme le dit si bien Richard Stallman que j’écoutais encore avec plaisir il y a quelques jours sur une grande radio française, je suis attaché aux privilèges que donnent les logiciels libres à savoir cette notion de liberté dans l’utilisation, le partage, la copie, l’amélioration du logiciel … Et puis, il n’y a pas que les logiciels dans le monde du libre : nous pourrions tout aussi bien parler de musique, de cinéma, d’image, de
littérature, etc.
N : Etes-vous inquiets sur l’avenir de BitTorrent et du P2P en voyant que les FAI américains commencent à les brider ? Est-ce qu’il est viable économiquement de continuer à distribuer tous ces fichiers libres sans le
P2P ?
OP : Je suis raisonnablement inquiet effectivement. Je ne sais pas trop ce qui se passe au USA mais l’arrivée de lois comme DADVSI ou la future loi HADOPI m’agacent énormément. Je ne suis pas contre la partie de la loi qui dit que « pirater c’est mal ! », là je suis d’accord, mais j’ai l’impression que tout le monde confond tout ! Aussi, il serait aberrant de considérer comme illégal le p2p parce les pirates s’en servent pour partager des fichiers « illégaux ». Le problème c’est que le p2p sert aussi à partager des fichiers légaux !!!
Cela reviendrait à dire : « Supprimons les bouteilles car il y a de l’alcool dedans et l’alcool consommé sans modération, c’est très mauvais pour la santé ! » Oui, mais dans une bouteille, on y met aussi de l’eau, source de vie indispensable à notre planète !
N : Merci beaucoup. Un mot à ajouter ?
OP : Non, simplement merci à vous d’avoir pris du temps pour présenter notre projet !
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