En direct de la ligne temporelle la moins intelligente que les multivers pouvaient nous livrer, le 13 juillet 2022 nous offre un rebond pour le moins étonnant dans l’affaire « emoji caca ». Rappel des faits : en mai 2022, à la suite d’une explication de texte du patron de Twitter au sujet du calcul des faux comptes et des bots, Elon Musk a sorti une réponse imparable. Un emoji caca (avec des yeux et un sourire). Cette réponse était pour le moins étonnante, venant de celui qui souhaitait alors racheter Twitter.
Avance rapide, juillet 2022 : Elon Musk ne veut plus racheter Twitter et le réseau social traîne le milliardaire en justice afin de forcer la vente. Le dossier constitué par les avocats de Twitter contient le fameux tweet « emoji caca », ce qui immédiatement, donne le ton de la procédure qui va suivre. La réponse d’Elon Musk est rangée au chapitre des preuves qui tentent de montrer que le milliardaire a « dénigré » publiquement l’entreprise, alors même qu’il tentait de la racheter. Une attaque censée prouver sa mauvaise volonté à faire en sorte que le deal advienne.
L’emoji caca n’est pas ce qu’il paraît être
Mais c’était sans compter sur Elon Musk, qui, à défaut de vouloir encore racheter Twitter, sait utiliser le réseau social. En un petit tweet, il apporte un élément qui, on l’espère, apportera un éclairage à l’enquête des magistrats. « 💩 = bs », affirme-t-il, laconique. En anglais, « bs » est un diminutif de « bullshit », interjection vulgaire que l’on pourrait traduire noblement par « foutaises ». Sémantiquement, Musk détourne donc le sens de son émoji : il ne s’agit pas d’une insulte ou de dénigrement, mais une manière détournée de dire que ce que raconte le patron de Twitter est faux et non digne de confiance.
D’après Emojipedia, bible des emojis, celui qu’on nomme officiellement « Pile of poo » (tas de caca), a été conçu pour désigner des matières fécales, des sujets relatifs aux toilettes, et tous les termes d’argots dérivés. Le bullshit anglais pourrait, à la limite, entrer dans cette définition : les juges sauront trancher.
Ce n’est pas la première fois qu’un emoji s’invite dans un procès. Un tribunal israélien avait dû interpréter en 2017 le sens d’un emoji souriant dans une affaire de mœurs. Le caractère non absolu des emojis, qui font partie du discours normal sur le web et dans les messageries instantanées, rend difficile, si ce n’est impossible, une interprétation objective d’une parole écrite. La sensibilité et l’intention de l’émetteur resteront des facteurs déterminants du sens.
Dans l’affaire qui oppose Twitter à Elon Musk, il a fort à parier, en revanche, que l’emoji caca ne sera pas l’élément le plus important à la disposition des juges.
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