En tant que technologie, BitTorrent est un succès international incontesté. Le protocole de P2P créé par Bram Cohen s’est imposé dans les foyers pour télécharger rapidement des fichiers partagés par des internautes du monde entier. Mais le succès technologique n’est pas toujours synonyme de succès commercial, comme l’apprend la société BitTorrent Inc. à ses dépens.
Elle avait été créée en 2005 pour transformer le logiciel open-source de Bram Cohen (photo ci-contre) en réussite entrepreneuriale, avec à sa tête un ancien cadre de Yahoo, Ashwin Navin. Rapidement, l’homme commence à conclure des accords avec Hollywood en vue de monter une plate-forme payante, et annonce qu’il y aura désormais une version non open-source de BitTorrent. La société signe avec Warner Bros., 20th Century Fox, Lionsgate, MTV Networks (Comedy Central, MTV, Nickelodeon, …), et Paramount Picture, et lance en 2007 son service de vidéo à la demande BitTorrent Entertainment Network. Un échec total. BitTorrent Inc. et les studios partenaires n’ont pas suivi les conseils de Bram Cohen, et ont tenté d’imposer des DRM à des utilisateurs de BitTorrent qui non seulement ont l’habitude d’avoir leurs films sans DRM, mais qui en plus les obtiennent gratuitement. Il aurait fallu un miracle biblique pour que le succès commercial soit au rendez-vous dans ces conditions.
Et de miracle il n’y a pas eu. La plateforme n’intéresse pas grand monde, et Bram Cohen qui ne cache pas son opposition stratégique avec Aswhin Navin décide de quitter son poste de direction stratégique en octobre 2007, pour s’attacher exclusivement à la direction technique. Dans le même temps, l’entreprise tente une reconversion. Plutôt que de vendre des contenus, BitTorrent revient à ses premières amours en essayant de vendre avant tout des solutions technologiques. Elle sort sa solution de mise en cache par P2P BitTorrent DNA, destinée aux FAI et aux éditeurs de service internet. Mais là encore, ça semble être un échec.
Selon le très sérieux blog ValleyWag, BitTorrent Inc. serait en train de licencier une partie de ses équipes commerciales et de ses équipes de marketing. La société n’a pas réussi à revendre la plateforme BitTorrent Entertainment Network au géant de la distribution Best Buy, pour un prix qui aurait dû tourner autour des 15 millions de dollars. La décision du régulateur américain des télécoms de faire interdiction aux FAI de brider spécifiquement le P2P serait, paradoxalement, directement responsable de cet échec. Des observateurs prétendent en effet que la décision aura l’effet pervers d’obliger les FAI à imposer une limitation générale de la bande passante, pour faire payer la consommation supplémentaire, comme on a commencé à le voir outre-Atlantique. Or dans ces conditions, un service en P2P qui utilise en permanence la bande passante est un suicide commercial.
Selon une source interne, beaucoup des projets de BitTorrent (un client mac, le streaming en P2P, intégrer le service DNA directement dans le client µTorrent qu’ils ont racheté en 2006,…) sont tombés à l’eau. Le service DNA, qui devait apporter une source de revenus importante à la société, pourrait devenir gratuit.
La technologie BitTorrent open-source, de son côté, est plus utilisée que jamais.
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