« On a perdu la confiance du public », assène Viktor, un café à la main. Nous sommes attablés à la terrasse d’un café non loin de la Maison de la Mutualité, à Paris, où se tient pendant 3 jours, du 19 au 21 juillet 2021, l’EthCC, grande conférence des développeurs de l’Ethereum. La crypto-monnaie, la deuxième plus populaire au monde derrière le bitcoin, attire : il y a la queue devant le bâtiment parisien, et les billets sont complètement sold out.
La conférence n’est pourtant pas ouverte au grand public : tous les visiteurs sont des professionnels du secteur, que ce soient des personnes travaillant sur les NFT, sur le Web3, ou des spécialistes des crypto-monnaies. Toutes les personnes réunies pendant ces quelques jours dans l’enceinte de la Maison de la Mutualité sont motivées par un seul objectif : faire de l’Ethereum, et des crypto-monnaies en général, le futur. Mais ces derniers mois prouvent que la partie est loin d’être gagnée, et que si les professionnels continuent de croire au projet des cryptos, ça n’est pas le cas du public.
Une « purge » bénéfique pour le secteur, mais pas pour le public
Il faut reconnaître que tout le monde est conscient que la période est difficile. « L’hiver crypto », comme a été surnommé le début de l’année 2022, à cause de la chute prolongée des prix du bitcoin et des autres crypto-monnaies, a fait des dégâts auprès des investisseurs et des entreprises. Il faut rajouter à cela l’effondrement du projet Terra, qui a mené à la perte de 50 milliards de dollars, ainsi que les faillites du fonds d’investissement 3 Arrows Capital et de la plateforme de prêts crypto Celsisus, deux entreprises lourdement endettées.
À l’EthCC, comme ailleurs, les professionnels du secteur tentent de relativiser les pertes. « C’est une purge », reconnaît Karina Krooks, qui travaille pour Quantstamp, une entreprise spécialisée dans le contrôle de sécurité des projets blockchains, « mais elle permet de se débarrasser des projets les moins sérieux, et de ne garder que les meilleurs ». Elle espère que les entreprises à la sécurité douteuse, qui mentaient sur certaines caractéristiques techniques, ou qui essayaient juste d’obtenir le plus d’argent possible sans véritables projets derrière, ont disparu pour un moment grâce à cela.
Josh, qui supervise le développement de Lens, un projet de réseau social décentralisé et basé sur la blockchain, n’en est pas à son premier bear market, explique-t-il en rigolant. Il balaie simplement la question des prix en chute : « si vous croyez dans la technologie, le prix du bitcoin et des autres cryptos n’a absolument pas d’importance ». Pour lui, « c’est une question de changement de culture : les jeunes ne veulent plus de réseaux sociaux qui vendent leurs données. Ils veulent pouvoir véritablement posséder leur identité en ligne, et c’est là que les crypto-monnaies et les NFT sont vraiment essentiels. »
Même son de cloche pour Viktor Fischer, qui travaille pour le fonds d’investissement Rochaway Capital. « Il y a toujours un futur dans les cryptos. L’hiver crypto de 2017 était beaucoup plus dur, quasiment toutes les entreprises qui ont levé des fonds ont fait faillite », se souvient-il, « et le marché a su se redresser ». La crise actuelle finira par passer, estime-t-il. « Mais pour cela, il faut retrouver la confiance du public ». Et la partie est loin d’être gagnée.
Les cryptos ont gagné une mauvaise réputation
C’est la différence majeure entre cette crise et les précédentes : auparavant, les crypto-monnaies étaient un secteur de niche. Mais depuis 2020, le bitcoin est devenu un véritable sujet de société : une étude, parue en juillet 2021, montre que 89% des Américains ont déjà entendu parler de la crypto-monnaie.
Cette popularité croissante, qui est un avantage en temps normal, joue désormais contre les crypto-monnaies. La plupart des nouveaux investisseurs sont arrivés pendant le bull run, quand les prix s’envolaient, et ils ont donc acheté au prix fort leur crypto. Depuis, avec la baisse des cours, ils sont très nombreux à avoir perdu leur mise — entre ça, les krash à répétition et les arnaques, les actifs numériques ont acquis une mauvaise réputation.
Pour Karina et Josh, le constat est le même : les nouveaux arrivants dans le monde des cryptos ont souffert. Même si les professionnels du secteur ont eux aussi perdu de l’argent, ce sont les particuliers qui ont payé le plus lourd tribut. Tous les deux insistent sur l’importance de l’éducation aux cryptos. « Il faut expliquer aux gens ce que sont vraiment les blockchains, et absolument faire de la prévention », souligne Karina.
« On a perdu la confiance des investisseurs », reconnaît Viktor. Néanmoins, il ne désespère pas. « En 2018 aussi, les gens ne croyaient plus dans les cryptos, parce que les entreprises qui avaient levé des millions de dollars ont toutes fait faillite. » Viktor se souvient particulièrement du projet de stablecoin Basis, mort quelque mois seulement après avoir levé 133 millions de dollars.
« Heureusement, les gens ont la mémoire courte », poursuit-il en souriant et en finissant son café. « La confiance est revenue en 2020, avec les projets de DeFi (finance décentralisée, ndlr), et en 2021, avec les NFT. » Reste à voir quels événements pourront redorer la réputation des cryptos auprès du grand public.
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