La pénurie des semi-conducteurs pourrait-elle connaître un prochain rebond ? C’est en filigrane la mise en garde adressée le 31 juillet 2022 par le patron de TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Co), à l’occasion d’un échange avec CNN. En cause ? Les tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis autour du détroit de Taïwan et du statut de l’île.
Les crispations chinoises récentes autour de Taïwan proviennent de la tournée que mène actuellement Nacy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, en Asie. Celle-ci s’est déjà rendue à Singapour et se trouve maintenant en Malaisie. Elle doit également se rendre en Corée du Sud et au Japon. Et dans ce programme, une autre étape est envisagée : Taïwan.
Il faut remonter à 1997 pour retrouver la visite d’un président de la chambre basse du parlement américain à Taïwan. Depuis, aucun officiel d’un rang aussi haut n’était revenu sur l’île, qui est considérée comme une province rebelle par Beijing. Tout contact entre les représentants américains et les officiels de l’île est dès lors perçu comme une ingérence et une violation de souveraineté.
Des usines TSMC qui deviendraient hors service
C’est dans ce contexte que Mark Liu, le patron de Taïwan, a formulé ses mises en garde. Une escalade militaire entre Taïwan et la Chine continentale, mais aussi avec les États-Unis pourrait rendre TSMC inopérant et, par conséquent, avoir de lourdes répercussions à l’échelle internationale. Le groupe ne serait alors plus en mesure de fonctionner, en cas d’invasion par exemple.
TSMC est l’un des fabricants de semi-conducteurs les plus en pointe dans le monde, avec le Sud-Coréen Samsung et l’Américain Intel. Ces sociétés sont aujourd’hui dans la course aux transistors de classe 3 nanomètres et sont capables de fournir le marché avec des produits ayant une finesse de gravure de 5 et 7 nanomètres.
Nul ne sait si Nancy Pelosi fera bien une halte à Taïwan ni, si ce scénario survient, comment la Chine réagira. On sait que des exercices à balles réelles ont été annoncés près des côtes chinoises, face à Taïwan, et on peut s’attendre à des incursions d’avions chinois à proximité de l’espace aérien taïwanais, pour mettre la pression sur la défense de l’île.
Sans aller jusqu’à une invasion de l’île, qui est une perspective aujourd’hui très peu plausible, ces tensions pourraient donner lieu à un dérapage militaire, à cause d’une mauvaise appréciation d’un côté comme de l’autre. C’est aussi pour prévenir un incident de cette nature — comme un bombardement des installations de TSMC — que Mark Liu prend la parole.
Sur un plan technologique, Taïwan est devenu un nœud stratégique en matière de production de semi-conducteurs. La Chine, comme de nombreux pays, a des besoins considérables dans ce domaine. Et les entreprises locales n’ont pas encore atteint la même qualité. La firme Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) grave en 14 nanomètres.
En prenant ainsi la parole, Mark Liu cherche aussi à prévenir qu’une prise de contrôle par la force de Taïwan aurait des conséquences locales et internationales immenses et que les gains de la Chine en cas de victoire ne seraient pas certains. TSMC, selon Mark Liu, a besoin d’être en lien constant avec des partenaires en Asie, en Europe et aux États-Unis.
Une prise de contrôle de TSMC par la Chine aurait pour effet de rendre inopérants les sites de production de l’industriel. En somme, « personne ne peut contrôler TSMC par la force », juge Mark Liu. La Chine n’arriverait pas nécessairement à refaire tourner les usines sans ces liaisons extérieures — mais elle pourrait toutefois mettre la main sur de la recherche et développement.
Il n’est pas certain que l’enjeu de l’approvisionnement du monde en puces électroniques constitue un argument audible pour la Chine, en vue de revoir à la baisse ses prétentions sur Taïwan. L’obsession d’une Chine unique et pleinement réunifiée reste la boussole principale du pouvoir en place. Ce qu’il adviendrait de TSMC dans pareil cas serait certainement accessoire.
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