Lancé aux États-Unis fin 2021, Horizon Worlds est la première matérialisation du « métavers », l’Internet du futur auquel croit Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Pour l’instant réservé aux propriétaires d’un casque de réalité virtuelle Oculus, mais prochainement ouvert à tous les appareils (web, mobile…), Horizon Worlds permet à de vraies personnes de se rendre ensemble dans des mondes virtuels, pour faire des activités à plusieurs. Elles incarnent alors leurs avatars et peuvent communiquer entre elles, pour pourquoi pas devenir « amies ». Une sorte de retour aux sources pour Facebook, mais en 3D.
Depuis le 16 août 2022, Horizon Worlds est disponible en France et en Espagne, en plus des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. L’application n’est pas traduite en français, ne propose pas d’environnements francophones, mais permet enfin aux utilisateurs français de la télécharger. Les 17 et 18 août, pendant 3 heures au total (dont une longue session de 2 heures), nous nous y sommes rendus. Cet article ne se présente pas comme un test d’Horizon Worlds, plutôt comme une première découverte, après avoir déjà arpenté les mondes virtuels d’autres applications se présentant comme des métavers.
C’est quoi, Horizon Worlds ?
Horizon Worlds n’est pas encore « le métavers », mais rentre parfaitement dans la définition des métavers. Il s’agit d’un monde ouvert en 3D dans lequel on peut se déplacer, croiser du monde et participer à des activités. Les mauvaises langues y verront une réplique de Second Life ou des Sims, avec un peu de Fortnite ou GTA Online, et nous ne pouvons pas vraiment leur donner tort. Le métavers est un concept compliqué à définir, parce qu’il n’existe pas encore concrètement. Meta rêve d’un monde virtuel où tout est relié, on en est pour l’instant encore très loin.
Aujourd’hui, Horizon Worlds permet de se téléporter dans différents espaces virtuels, mais n’est finalement que le nom du pont qui permet de les retrouver. Son interface est très brouillonne : on met la paume de sa main en face de son visage pour faire apparaître un menu avec lequel on doit interagir avec son autre main. Le tout se fait complètement virtuellement et n’est pas très naturel, surtout qu’il y a beaucoup de comportements inhabituels. Niveau intuitivité, on repassera.
Pour accéder à Horizon Worlds aujourd’hui, il faut mettre un casque Oculus Quest 2 sur sa tête, télécharger l’application et l’ouvrir. Après une rapide initiation, qui nous explique en anglais qu’il existe des mondes pour sociabiliser, d’autres pour jouer, nous sommes téléportés dans un monde de découverte, dans lequel on nous apprend à tirer avec des pistolets, à lancer des avions en papier ou à bouger les bras. Petite subtilité : dans Horizon Worlds, personne n’a de jambes. On se déplace avec les joysticks de ses manettes, ce qui peut donner envie de vomir assez rapidement. La sangle sur notre tête étant de bonne qualité, nous n’avons pas trop expérimenté ce problème. Au bout de 2 heures, nous en avions toutefois marre. L’expérience ne plaira pas à tout le monde. Espérons que les futurs casques VR fassent mieux.
Enfin, dans Horizon Worlds, toutes les personnes que vous croisez sont réelles. Si votre micro est ouvert (on le contrôle avec la paume de sa main), alors vous pourrez leur parler. Plus vous êtes proches, plus vous les entendez. Comme dans le vrai monde. Voilà la principale distinction avec un jeu vidéo. Le métavers fait interagir presque naturellement, on doit se regarder quand on se parle et l’on peut parler avec les mains. C’est troublant au début, mais rapidement amusant. À condition de faire de bonnes rencontres.
Les premiers mondes sont séduisants
Début 2022, Numerama vous avait proposé une autre visite du « métavers », cette fois-ci en allant explorer différents concepts. Le plus proche de Horizon Worlds était VRChat, une application qui propose, elle aussi, plusieurs espaces de rencontre en 3D. Toutefois, nous avions critiqué son interface un peu trop glauque sur le casque Oculus Quest 2, sans doute pas assez puissant pour la faire tourner. En voulant être trop réaliste, avec des personnages bizarres, VRChat n’était pas une application conçue pour tous, même s’il existe de plusieurs communautés françaises. Horizon Worlds n’a pas ce problème.
À vrai dire, Horizon Worlds semble conçu pour les enfants. Tout est mignon sur la planète virtuelle de Facebook, à commencer par les décors colorés et accueillants. On a apprécié passer du temps dans les mondes officiels de Meta, tous réussis visuellement (tout le monde peut créer des mondes, donc il y en a forcément des moins jolis). L’aspect des personnages, plus proches des Mii de Nintendo que des monstres, est aussi rassurant. On voit de vrais humains, certes sans jambes, mais aucun ne fait peur. Cela dit, cet aspect kid friendly risque aussi d’être un défaut. Pour réussir (s’il réussit…), le métavers peut-il avoir l’air d’un jeu ?
Les premiers mondes que nous avons visités proposent plusieurs activités. En plus des discussions conviviales, nous avons :
- joué au basket (il y a plusieurs ballons, avec différents niveaux de complexité. On les lance comme un vrai ballon, avec ses deux mains).
- visité une salle d’arcade (air hockey, jeux vidéo).
- participé à un concours de lancer d’avions en papier.
- joué en équipe à un combat style laser game, avec des équipes qui se tirent dessus.
- pris des selfies.
- joué à Iron Man et à Spider-Man, dans des mondes créés par des fans. L’un permet d’utiliser des gants pour voler, l’autre de lancer des toiles.
- fait du bricolage, en plantant des vis.
- fait du trampoline.
- joué au tennis contre un robot (ça doit être possible quelque part avec de vraies personnes).
- assisté à un concert enregistré dans Venues.
Bien sûr, tout n’est pas parfait. Nous n’avons toujours pas compris pourquoi une des salles officielles, créées par Meta, propose de tenir des instruments, mais pas de jouer avec. Autre problème : les temps de chargement. Il faut parfois 1 minute pour passer d’un monde à un autre. C’est beaucoup trop.
Oh, des amis !
Parlons maintenant de l’aspect social, qui est étrangement ce que nous avons préféré. Bavards, nous avons discuté avec une quarantaine de personnes lors de notre visite sur les différentes planètes d’Horizon Worlds, et même fait de premiers « amis ». Il est assez troublant de s’approcher d’un inconnu et d’engager la conversation comme si on le croisait dans la rue. Toutes les personnes que nous avons vues étaient relativement nouvelles dans le métavers, seul un Américain nous a dit l’utiliser depuis son lancement.
Que font les gens dans Horizon Worlds ? Comme nous, ils se posent des questions. Seules deux personnes nous ont dit être convaincues qu’il s’agissait du futur des réseaux sociaux, les autres se sont toutes cachées derrière l’argument « je suis seulement là pour essayer, mais je n’y crois pas ». Toujours est-il que, socialement, il y a un vrai phénomène intéressant dans ce métavers. Une discussion à 2 provoque souvent un rassemblement et finit à 10 personnes, qui discutent toutes ensemble. La plupart des visiteurs que nous avons rencontrés étaient anglophones, ce qui nous a obligés à parler anglais, mais nous avons fait la rencontre de 5 ou 6 Français (on a alors le réflexe chauvin, on reste entre nous). Notons toutefois que, niveau représentativité, Horizon Worlds doit faire mieux. 2 femmes pour 40 hommes, c’est moyen.
Sur les 40 personnes que nous avons croisées, trois nous ont ajoutés en amis, ce qui nous permettra de nous recroiser dans le futur sur Horizon Worlds (ou de rester en contact en dehors du métavers). Reste à savoir si elles reviendront dans l’application ou si, comme nous après avoir retiré le casque, l’envie est passée.
Mais déjà de premières inquiétudes
Nous n’avons pas détesté nos premières heures dans Horizon Worlds, ce qui constitue déjà un premier exploit au vu de notre défiance vis-à-vis du métavers et de Meta. Toutefois, nous restons extrêmement sceptiques sur plusieurs aspects.
En plus de la lassitude (c’est sympa au début, toutefois ne va-t-on pas très vite en avoir marre ?), nous continuons de penser que le principal problème du métavers est sa modération, ou plutôt son absence de modération. Encore plus que sur Internet. Puisque tout est instantané, que l’on entend les personnes en face de soi en direct et que l’on se cache derrière un avatar, on peut encore plus facilement être mauvais. Meta permet de s’isoler dans une bulle en cas d’agression, mais n’est-il pas problématique de lancer de tels dispositifs aussi tôt, alors que l’application n’est pas encore populaire ? Horizon Worlds est-il condamné à un devenir un endroit nocif pour la santé mentale ?
Sur les 40 personnes que nous avons rencontrées, 2 étaient des enfants, qui se faisaient gronder par les adultes présents, qui leur expliquaient gentiment que cet endroit étant dangereux pour eux, potentiellement plein de prédateurs. Eux ne voulaient rien savoir, assurant que ce n’était que pour s’amuser et que leurs parents étaient au courant. Nous n’avons pas croisé de personnes bizarres, si ce n’est une déguisée étrangement qui voulait faire des selfies avec tout le monde. Ailleurs, on imagine que certaines peuvent être plus méchantes.
L’interface de Horizon Worlds nous pose aussi problème. Pas très intuitive et souvent buggée, elle devient inutilisable dès que quelqu’un se met devant vous et votre écran virtuel. De quoi rapidement s’agacer, surtout dans les endroits où il y a du monde… Pour le coup, cela pourra s’arranger par mise à jour logicielle.
Enfin, l’autre premier problème que nous avons constaté est celui de la fréquentation. Moins d’un an après son lancement, et seulement deux jours après son arrivée en Europe, Horizon Worlds est vide. À en croire les 100 mondes les plus populaires lors de notre visite, il y avait moins de 80 personnes connectées à Horizon Worlds quand nous y étions. Déjà un début d’épuisement pour le métavers ?
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