Pendant quelques mois, à des heures aléatoires, une notification en particulier a attiré l’attention de nombreuses personnes : « time to BeReal ». À partir de ce moment-là, les utilisateurs de l’app n’avaient que deux minutes pour prendre deux photos : un selfie et un cliché de ce qu’il y avait en face. Les photos étaient alors publiées immédiatement, sans retouche. Elles étaient parfois laides, souvent floues. C’était exactement le but visé.
Décrit comme un « anti-Instagram » grâce à son concept d’instantanéité, BeReal a fait un carton au printemps 2022. Téléchargée plusieurs millions de fois et devenue une source de mèmes en tout genre, BeReal était le phénomène réseau social de l’année — au point où TikTok a lancé le 15 septembre TikTok Now, son clone de l’app. Pourtant, BeReal se vide déjà d’une partie de ses utilisateurs.
« Ça n’apporte pas grand-chose »
Au début, Clémence était plutôt séduite par l’idée de BeReal. « Je trouvais ça sympa de remettre de l’authenticité dans une app », explique-t-elle. « Ça a un côté hyper sympa et sincère, que j’ai adoré dans un premier temps ». Même son de cloche chez Nino, pour qui l’app peut être amusante : « En soirée, où soudainement on peut voir plusieurs personnes sortir leur téléphone d’un coup et aller sur l’app pour faire leur BeReal du jour à temps. »
Toutes les deux ont commencé à utiliser BeReal au printemps 2022, lorsque l’app était au cœur d’un petit phénomène médiatique, et que de nombreux observateurs l’imaginaient déjà en énorme succès. Surtout, BeReal était devenue une source de mèmes continue. « J’étais curieuse de comprendre le fonctionnement et ce qui plaisait aux gens », indique Nino. Mais, au final, après quelques mois d’utilisation, c’est la déception : l’app « n’est pas très intéressante. »
Ce qui a fait le succès de BeReal est également son plus gros problème : il n’y a qu’une seule chose à y faire. « Poster tous les jours la même photo depuis son bureau, c’est un peu répétitif », raconte Raphaël, inscrit sur l’app depuis l’été 2021. Malgré le fait que les photos ne soient pas prises quotidiennement à la même heure, au final, beaucoup de photos se ressemblent, et c’est ce qui a fini par lasser les utilisateurs. Au final, « c’est marrant deux secondes, mais ça n’apporte pas grand-chose », conclut Clémence.
Juste une app en plus
C’est l’autre problème majeur de BeReal : on n’y fait rien à part des BeReal, une seule fois par jour. Contrairement à Instagram, où le nombre de contenus est infini entre les publications, les stories, les reels et les lives, sur BeReal, une fois sa photo publiée, et qu’on a regardé celles de ses amis, il n’y a plus rien à faire. « Le manque d’évolution de l’app n’aide pas », tranche Nino. « Je pense que notre groupe de potes a tenu 2 ou 3 mois dessus, et après, c’était terminé », ajoute Raphaël.
Sans compter le fait qu’il arrive régulièrement que les utilisateurs soient en retard : à partir du moment où ils reçoivent la notification de BeReal, ils n’ont que 2 minutes pour publier leurs photos et être dans les temps. Un laps de temps extrêmement court, qui fait qu’il est facile de louper le coche. Ainsi, Clémence postait « hyper irrégulièrement, seulement une à deux fois par semaine avec des semaines sans ». Comme il ne faut se connecter qu’une seule fois par jour, « tu peux vite l’oublier, pas comme les autres réseaux sociaux où il y a tout le temps de l’activité ». Parmi toutes les autres apps déjà installées sur les téléphones des utilisateurs, BeReal ne se démarque, au final, pas assez.
Aujourd’hui, qui reste-t-il sur l’app ? « Je n’avais pas beaucoup d’amis dessus, mais plus personne ne l’utilise », indique Clémence, catégorique. « Une collègue a voulu s’y mettre récemment, mais elle a vite abandonné en voyant qu’elle n’avait que son ex et moi en proposition d’ami ». D’autres sont moins pessimistes : « il y a toujours du monde dessus, même si la hype est passée », explique Nino. Il se dégage surtout un décalage entre les générations : les millenials ont quitté l’app, mais BeReal continue de plaire à la génération Z. « Maintenant, c’est un réseau de jeunes, les plus vieux sont partis », observe Raphaël, dont les seules amies encore actives sur la plateforme sont sa sœur et sa cousine.
Mais même s’il reste une partie des utilisateurs, BeReal peut-elle survivre ? Sans plan pour se renouveler, sans véritable utilité, et avec la concurrence de TikTok, rien n’est moins sûr. « Je n’ai pas envie d’arrêter, car ça ne me prend pas beaucoup de temps dans la journée, et ça peut amener à des situations drôles », confie Nino. « Je pense que si j’arrête, ça sera parce que finalement, je me serai lassée, et je ne le ferai pas un jour, puis deux, puis trois, et finalement plus du tout. »
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