Le houblon aidera t-il à développer le marché de la musique en ligne ? RealNetworks l’espère, puisque pour un pack de 12 Heineken achetées cet été, les buveurs de bière américains auront le droit de télécharger deux chansons gratuitement. Ou comment la musique flirte de plus en plus avec les secteurs industriels traditionnels…

Apple avait déjà ouvert la voie en annonçant un partenariat avec Pepsi. En février et mars prochain, 100 millions de bouteilles de Pepsi, Diet Pepsi et Sierra Mist seront ainsi mises sur le marché avec des codes de téléchargement gratuit via la plateforme iTunes Music Store. Mais Pepsi c’est pour les mômes, répond en substance son principal concurrent. Pour faciliter le lancement de sa nouvelle plateforme RealPlayer Music Store (qui propose, elle aussi, une vente à la carte de $0.99 par chanson), RealNetworks choisit en effet comme partenaire à bulles la branche américaine du fameux brasseur néerlandais, Heineken.

En juin et juillet prochain, chaque pack de 12 bières achetées permettront ainsi de télécharger librement deux chansons parmi toutes celles du catalogue. Celui-ci devrait comporter 400.000 titres d’ici la fin du mois, tous au format RealAudio AAC en 192 Kpbs. Le choix d’Heineken n’est pas anodin puisqu’il permet de toucher un public légèrement plus mûr que celui de Pepsi, davantage consommateur de musique en ligne payante. Les jeunes, ceux qui ont plus de temps libre que d’argent (pour reprendre l’expression de Tyler Hamilton), prendront les codes de Pepsi mais les chances sont moindres qu’ils transforment ensuite l’essai pour acheter réellement des morceaux de musique à $0.99 l’unité.

La musique peut-elle encore se vendre comme des tomates ?

De plus en plus, le marché de la musique glisse vers un nouveau type de modèle économique, où la musique devient un accessoire vendu avec (ou pour) un produit principal. Les exemples de Pepsi et Heineken sont sans doute les plus stigmatisants, mais ils ne sont pas les seuls. Napster 2.0 se vendra bientôt en hypermarché avec des cartes de téléchargement prépayées, et la marque du chat électronique sera apposée sur des CD vierges vendus, eux aussi, avec un code de téléchargement gratuit. Certains fournisseurs d’accès tels que Rogers au Canada disent également réfléchir à la possibilité de greffer à leurs abonnements haut-débit une cinquantaine de chansons à télécharger. En Grande-Bretagne, Playlouder s’est associé avec le fournisseur d’accès Bulldog pour proposer de la musique aux abonnés.

A un autre niveau, les analystes s’accordent de plus en plus pour dire que la vente de musique « pure », sans valeur ajoutée, n’est pas viable. Il faut que la musique vendue accompagne un service, ou qu’elle permette de faire vendre du matériel, lecteurs audio portables en tête. L’exemple d’Apple avec son lecteur iPod est bien connu, mais Roxio compte bien faire de même pour Napster avec des lecteurs Samsung, tandis que Sony vient d’annoncer le lancement de sa propre plateforme, « Connect », dont le format audio propriétaire ATRAC3plus obligera les consommateurs à acheter des lecteurs portables Sony, seuls capables de lire le format en attendant les premières licences. En marge, Dell travaille avec MusicMatch pour imposer ses produits, et HP a finalement décidé de vendre des lecteurs iPod, sous sa propre marque.

La musique ne se vend donc plus pour elle-même. Sa valeur économique dévie vers celles qu’elle crée ou augmente. En économie comme en physique, rien ne se perd, tout se transforme.

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