« Je le voulais depuis longtemps. J’ai été très ému quand j’ai appris que c’était enfin possible ». Quand Twitter a annoncé l’arrivée d’Elon Musk dans son conseil d’administration, Jack Dorsey, le créateur de l’entreprise, n’a pas su retenir son enthousiasme. Dans un message immédiatement envoyé au patron de Tesla et de SpaceX, il lui a redit à quel point il croyait en lui. Quelques heures plus tard, Elon Musk annonçait refuser de rejoindre le conseil d’administration. À la place, il disait vouloir racheter l’entreprise, la sortir de bourse et en faire la plateforme numéro 1 de la liberté d’expression. Jack Dorsey le soutenait encore.
La suite est connue. Après avoir signé un accord avec Twitter, Elon Musk a changé d’avis. Le 17 octobre, la Cour de Justice du Delaware ouvrira le procès opposant le réseau social au milliardaire. Le premier veut forcer le rachat, après avoir perdu beaucoup d’argent. Le second veut en sortir, accusant le réseau social de lui avoir menti (ce qui ne convainc que moyennement la juge). En attendant cette date, des centaines de messages confidentiels deviennent publics chaque jour. Numerama les a consultés pour mieux comprendre l’engrenage qui a motivé Elon Musk à racheter Twitter, avant de changer d’avis. On y découvre à quel point sa décision semble avoir été spontanée.
Une blague a-t-elle donné l’idée à Elon Musk ?
Si lire 40 pages de SMS privés vous intrigue, la Cour du Delaware a tout mis en ligne. Sinon, voici un résumé rapide des différentes phases par lesquelles est passé Elon Musk.
Le rachat de Twitter est-il parti d’une blague ? Le 5 mars 2022, Elon Musk entretient une conversation avec ses amis sur le bannissement de Russia Today. Il se dit choqué par cette décision, même si RT dit « beaucoup de conneries, mais aussi des trucs vrais ». Au nom de la liberté d’expression américaine, il veut défendre la chaîne russe, avec le soutien de ses amis que l’on découvre très généreux en compliments (« Tu as 100% raison Elon », « je suis 100% d’accord avec toi Elon »…). Quelques jours plus tard, l’un d’entre eux lui pose une question : « Est-ce que tu peux racheter Twitter et le supprimer, s’il te plaît ? ». Elon Musk met un pouce sur le message et répond : « Peut-être, le racheter pour le changer et lui faire respecter la liberté d’expression ? »
Elon Musk en sauveur de Twitter
Le 26 mars, Jack Dorsey entre dans la danse. « Oui, une nouvelle plateforme est nécessaire. Ça ne doit pas être une nouvelle entreprise. C’est pour ça que je suis parti. ». Assez froid (on constate assez vite qu’Elon Musk a tout le monde à ses pieds, et que tout le monde l’admire), le milliardaire lui répond : « Ok, ça doit ressembler à quoi ? ». Jack Dorsey lui présente son idée de protocole open source décentralisé, sans publicités, pour remplacer Twitter. Il dit à Elon Musk qu’il compte créer ce concurrent lui-même en mai, une fois qu’il aura quitté son entreprise. Elon Musk et Jack Dorsey s’appellent pour parler de ce projet, même si Elon Musk semble croire qu’il est encore possible d’améliorer le Twitter existant.
Nous passerons sur de nombreux messages dispensables. Fin mars, l’idée est définitivement dans la tête d’Elon Musk. Plusieurs de ses amis l’incitent à racheter Twitter, il s’entretient avec les responsables de l’entreprise et Elon Musk semble absolument convaincu qu’il va sauver la liberté d’expression. Elon Musk parle beaucoup à Parag Agrawal, le CEO de Twitter, qui fait un maximum d’efforts pour l’écouter.
D’un partenariat au rachat, sur un coup de tête
Le 5 avril, Parag Agrawal demande à Elon Musk s’il peut tweeter qu’il le nomme au conseil d’administration de Twitter. Le milliardaire lui donne son autorisation, tandis que Jack Dorsey le félicite et le remercie pour son investissement. Le lendemain, en privé, il explique à ses proches sur un ton amusé « ne jamais avoir voulu rejoindre le conseil d’administration ». À ce moment-là, le petit monde de Twitter voit Elon Musk comme une personne gentille et dévouée. Il dit oui à tout et semble être un partenaire idéal.
Le 9 avril, tout dégénère. Poliment, Parag Agrawal demande à Elon Musk s’il peut arrêter de dénigrer Twitter publiquement. « Tu as le droit de tweeter « Est-ce que Twitter meurt » ou ce que tu veux sur Twitter, mais c’est ma responsabilité de te dire que tu n’aides pas Twitter dans le contexte actuel. ». Vexé, Elon Musk lui demande une minute après ce qu’il a fait cette semaine, laissant entendre que son emploi est fictif, avant de lui annoncer ne pas rejoindre le conseil d’administration. « Je vais faire une offre pour rendre Twitter privé. » Voilà, tout part de là. Elon Musk s’est vexé. Parag lui demande s’ils peuvent parler, mais cette conversation ne semble pas avoir lieu.
Dans les jours qui suivent, tous les proches d’Elon lui rappellent alors à quel point il est génial et lui font des dizaines de propositions pour transformer Twitter. Certains en profitent même pour candidater au poste de CEO au cas où le rachat se fasse vraiment. Elon Musk dit quasiment oui à tout le monde en leur promettant des postes importants si son offre de rachat est acceptée. Quelques jours plus tard, sous la pression, Twitter dit oui. Elon Musk reçoit un « Merci ❤️ » de Jack Dorsey, toujours convaincu par son ami qui va l’aider dans cette tâche « critique pour l’humanité ».
Que s’est-il passé ensuite ? Les SMS ne vont pas vraiment plus loin (il y a des discussions sur l’investissement, mais aucun échange tendu entre Elon Musk et Twitter). On imagine que le procès nous en apprendra plus dans les prochains jours. En attendant, plusieurs documents révèlent comment les équipes d’Elon Musk sont arrivées à la conclusion que Twitter leur mentait sur les chiffres, avec quelques échanges avec l’homme d’affaires à l’intérieur.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !