Si les producteurs de musique souffrent autant qu’aujourd’hui, c’est qu’ils ont de plus en plus considéré la musique comme un produit industriel au cours du 20ème siècle. Devenus « industrie du disque », ils ont vendu leur production musicale comme autant de tomates aux rayons des supermarchés. Née avec le 33 tours, cette tendance à l’industrialisation a atteint son sommet avec le CD. Spécialement conçu pour sa commercialisation de masse, le CD a en plus été favorisé dans sa consommation massive par la rareté des médias traditionnels, qui ont tous fait la promotion des quelques mêmes œuvres et des mêmes artistes.
Petit, standardisé, relativement léger, le CD coûte peu cher à produire, à stocker et à transporter. Surtout, il occupe peu d’espace dans les grandes surfaces, qui en ont donc fait leur produit d’appel pendant les heures de gloire du disque, dans les années 1990. Or comme tout produit industriel standardisé, le disque a fait perdre le respect pour le petit artisan, et la valeur de la musique s’est effondrée dans l’esprit du public. Bien plus que le piratage qui n’est qu’une conséquence de l’avancée technologique, c’est cette industrialisation de l’art musical, programmée par les maisons de disques, qui est responsable de leur déliquescence actuelle. Les consommateurs qui ne mettent pas de valeur dans l’objet industriel cloné à l’infini se reportent vers les formes plus personnelles et plus rares, comme les éditions limitées ou les concerts.
Amazon, qui est l’un des premiers vendeurs de CD au monde, l’a bien compris. Le marchand en ligne ne vend pas encore de places de concerts, mais il s’y prépare. Il vient de lancer aux Etats-Unis plus de 100.000 « boutiques d’artiste » (Artist Stores) qui replacent l’auteur et l’interprète – donc l’artisan, au centre. Richement illustrés de photographies, les boutiques de chaque artiste présentent les différents albums avec biographie et discographie, forum de discussion, vidéos, etc. Amazon, qui a lancé discrètement en septembre un wiki dédié à la musique, commence à en préparer l’exploitation commerciale.
Le but n’est plus de vendre uniquement des disques, même si les boutiques visent bien sûr à vendre des MP3, des vinyls ou des CD. Amazon veut offrir une expérience musicale complète la plus proche possible de l’artiste, en connectant les chanteurs à leurs fans, pour rester un intermédiaire central. Demain, Amazon pourrait même devenir lui-même producteur musical, en proposant aux artistes des intéressements plus importants sur les recettes. Voire même s’inspirer du succès de labels communautaires comme MyMajorCompany, qui domine les ventes en France avec Grégoire.
La survie de l’industrie musicale passera par un changement d’optique, en considérant que l’on ne vend plus un produit mais un service. Amazon ne fait que montrer la voie, en posant progressivement quelques briques. Aux maisons de disques de trouver leur place dans cette nouvelle économie.
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