À la demande du ministère de l’Économie et du secrétariat en charge de la Transition numérique, une mission sur le potentiel du métavers a été lancée en France en février 2022. Ses résultats, publiés lundi 24 octobre sous la forme d’un rapport de 115 pages, sont consultables sur le site du ministère de l’Économie. Certains résument ce rapport à « une recommandation d’investissement dans le métavers », mais ce n’est pas ce que Numerama a compris en le lisant dans son intégralité. Les conclusions des chercheurs sont la parfaite illustration de l’absence de consensus sur le sujet.
Le métavers n’existe pas
Début 2022, Numerama s’était aussi intéressé au concept du « métavers ». À l’aide d’un casque Oculus Quest 2, nous avions pu essayer différentes expériences pouvant s’apparenter au métavers. L’enseignement principal de ces essais était que le métavers existe potentiellement sous différentes formes, à tel point qu’il est probablement plus juste de parler de métavers au pluriel. C’est justement ce que dit ce rapport.
Ironiquement, les 40 premières pages du rapport sont consacrées à la tentative d’élaboration d’une définition du métavers. Les chercheurs expliquent que Meta, la maison mère de Facebook, avec sa grande opération de communication, a accaparé un nom qu’il ne possède pourtant pas. La France souhaite donc distinguer l’idée de monde virtuel de Facebook du terme « métavers », qui englobe en réalité toutes les technologies liées à l’immersion 3D, comme les jeux vidéo. Il y a des métavers, pas un seul. L’hypothèse d’un monde interopérable poussée par la Silicon Valley existe, mais elle est tout sauf garantie. Le métavers peut exister dans un casque, à travers un écran, en réalité virtuelle, mixte ou augmentée, avec ou sans blockchain… Une chose est sûre : ce terme veut tout et rien dire.
La question que se posent les chercheurs n’est pas de savoir si la France doit créer son propre métavers, mais si elle doit investir dans des technologies pour se positionner sur la future transition immersive. Au lieu de parler de mairies virtuelles, on se demande plus ici s’il faut concurrencer Unreal et Unity avec un moteur 3D européen. On ne parle donc pas d’un monde virtuel, mais de jeux vidéo ou de cinéma, qui reposent sur ces technologies. Le titre du rapport est ainsi trompeur : le terme métavers est un fourre-tout qui ne cesse de créer de la confusion. Autre exemple mis en avant, celui d’une « Joconde Métaversique ». L’idée serait de modéliser en 3D le patrimoine français pour le rendre consultable en 3D, peu importe le support choisi (casque, smartphone, etc.).
En page 35, les chercheurs émettent une « tentative de définition » du métavers. La voici : « Un métavers est un service en ligne donnant accès à des simulations d’espaces 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives ». Ils insistent sur le fait que le casque n’est pas obligatoire et que tout ceci peut exister dans un cadre différent d’un réseau social, cassant définitivement avec la vision de Facebook.
Le rapport se montre sceptique sur certains usages, comme les appels vidéo en 3D que certaines personnes interrogées présentent comme révolutionnaires. « Dans le cas des métavers, on peut légitimement se demander quel est le gain significatif et durable des espaces 3D temps réel, des visiocasques et des chaînes de blocs pour chaque activité humaine concernée ». En revanche, pour le jeu vidéo, l’usage de la 3D n’est pas contesté. Il faut dire que c’est la norme depuis plusieurs années.
Quelles sont les recommandations sur le métavers ?
Même si les chercheurs semblent très bien documentés sur le sujet, leur rapport n’est pas toujours simple à suivre. Le mélange entre réseau social, réalité virtuelle et jeux vidéo est confus, puisque l’on parle finalement du métavers comme un tout, tout en parlant parfois du concept qu’il représente. Difficile de le leur reprocher, il s’agit juste d’une énième preuve de ce qu’ils disent par ailleurs : l’avenir du métavers est flou.
Contrairement à ce qui a pu être dit, leur recommandation au gouvernement n’est pas d’investir dans le métavers, à l’image d’entreprises comme Carrefour Ils présentent cette nouvelle mode technologique comme « une opportunité culturelle » pour la France, qui rayonne déjà dans des domaines liés à ce fameux « métavers ». Si le futur d’Internet est en 3D, alors la France doit se positionner dès maintenant pour ne pas dépendre de technologies étrangères, alors qu’elle possède déjà des géants de ces secteurs (Ubisoft par exemple).
Parmi les recommandations mises en avant, celle d’une expérimentation aux Jeux Olympiques 2024. Sous le pilotage de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), les chercheurs recommandent de capter énormément de choses en 3D afin de voir ce qu’on pourra en faire en suite.
Des capteurs sur des sportifs pourraient permettre de voir le sport autrement, en espérant éviter une opération trop marketing si cette dernière venait à voir le jour. Lynx, la start-up française derrière un casque de réalité mixte, est aussi citée comme un des acteurs à mettre en avant pour valoriser l’écosystème français. L’idée centrale est de continuer d’investir dans les technologies existantes, et non pas de voir le métavers comme quelque chose d’inédit sur le point d’apparaître.
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