Après des mois de feuilleton, Elon Musk finalise enfin le rachat de Twitter. Le patron de Tesla et de SpaceX s’était lancé dans ce projet sur un coup de tête avant de changer d’avis. Il a finalement accepté d’acquérir le réseau social pour 44 milliards de dollars, sous la pression d’un procès qu’il aurait certainement perdu. D’ici fin 2022, il devrait être aux commandes de Twitter qui, malgré la popularité de son nom, est une plateforme relativement peu utilisée dans le monde. Moins de 250 millions de personnes s’y connectent tous les jours, ce qui est peu par rapport aux 2 milliards de Facebook, que l’on présente souvent injustement comme son rival.
Ce manque de popularité est à l’origine du « projet X ». Après avoir un temps présenté son projet pour Twitter comme un élargissement de la liberté d’expression sur la plateforme, Elon Musk a changé de discours et pointe maintenant le manque d’intérêt des internautes pour Twitter. Il rêve de faire du réseau social une application incontournable que l’on utiliserait pour beaucoup plus de choses que lire l’actualité ou poster des blagues.
C’est quoi, X ?
En réalité, on ne sait pas grand-chose de « X ». Elon Musk n’a mentionné ce nom publiquement qu’une seule fois, le 5 octobre 2022. Il a cependant répondu à quelques questions sur le sujet lors de la présentation des résultats financiers de Tesla fin octobre 2022, en assurant que X ne sera pas une entité créée pour fusionner tout ce qu’il possède. Tesla, SpaceX et Twitter resteront donc indépendants, mais X devrait étroitement être lié au réseau social.
Pour deviner à quoi Elon Musk fait référence lorsqu’il parle de X, le mieux est de revenir à sa première rencontre avec les salariés de Twitter en juin 2022. Interrogé sur ses plans pour Twitter, le milliardaire avait expliqué ne pas comprendre pourquoi des milliards de personnes ne l’utilisaient pas :
« Nous voulons essentiellement aborder les raisons pour lesquelles les gens aiment Twitter, pourquoi il n’y a pas plus de gens qui utilisent Twitter ? Et pourquoi les gens se détournent de Twitter ? Et si nous pouvons satisfaire ces raisons, alors ils utiliseront davantage Twitter, et ils obtiendront plus de choses du service. Et, vous savez, si je pense à, par exemple, WeChat en Chine, qui est en fait une super, super application, il n’y a pas de WeChat en dehors de la Chine. Et je pense qu’il y a une réelle opportunité de créer cela. En Chine, vous vivez essentiellement sur WeChat, parce que c’est très utile dans votre vie quotidienne. Et je pense que si nous pouvions réaliser cela, ou même nous en approcher avec Twitter, ce serait un immense succès. J’espère que c’est le cas — je me suis vraiment étendu sur le sujet. »
L’inspiration d’Elon Musk pour X est donc WeChat, la « super-application » de Tencent utilisée par plus d’un milliard de personnes en Chine. Toutefois, il est bon de rappeler qu’Elon Musk a souvent changé d’avis avec Twitter. Cette pensée exprimée à deux reprises pourrait ne jamais revenir.
Qu’est-ce qu’une super-application à la WeChat ?
Une super-application, c’est le rêve de nombreux développeurs. Facebook, par exemple, a longtemps rêvé de créer sa super-application, avec du paiement par QR Code, des fonctions shopping, un concurrent de Netflix, un accès aux services client des marques, des jeux ou des fonctions professionnelles. Uber, lui, se rêve en super-application des transports. En plus de son activité VTC, il s’imagine devenir l’application de référence pour les transports en commun, la commande de nourriture, de courses, de fleurs, d’objets électroniques, etc. Tous les géants rêvent de rendre leurs applications incontournables, mais peu y parviennent.
En Chine, WeChat y est parvenu. Là-bas, l’application du groupe Tencent sert à tout. Il s’agit d’une application de messagerie à la WhatsApp (interdit là-bas). C’est aussi d’une application pour gérer ses photos, accéder aux réseaux sociaux, discuter avec les services publics, remplir des déclarations officielles, payer (on scanne, par exemple, le QR Code WeChat de son taxi pour le payer), réserver des places pour un événement, etc. WeChat est tout bonnement indispensable en Chine, puisque ne pas l’utiliser exclut de la vie en société.
Aujourd’hui, Twitter est un peu plus qu’un réseau social. L’application permet de lire la presse, de communiquer par messages privés, de participer à des discussions audio (Spaces) et d’accéder rapidement aux services client de certaines marques. Sous Elon Musk, Twitter fera sans doute plus. Shopping, paiement en dehors de l’application, service à la OnlyFans, partenariat avec des services publics, jeux vidéo, possibilité à d’autres applications de s’y greffer… L’éventail des possibilités est large.
Quel rapport entre X et Twitter ?
Créer X à partir de rien est, sur le papier, possible. Cependant, Elon Musk présente Twitter comme un « accélérateur » pour sa super-application. Plutôt que de commencer à zéro, il s’appuiera sans doute sur le réseau social et sur ses millions d’utilisateurs pour déployer plus rapidement ses idées.
Pourquoi X ?
X est la lettre préférée d’Elon Musk. Un de ses fils s’appelle X Æ A-12 (oui…), son entreprise spatiale s’appelle SpaceX, la Tesla plus haut de gamme s’appelle la Model X… Plus symboliquement, il s’agit aussi du nom de sa deuxième entreprise. Après Zip2, créé en 1995, il avait fondé en 1999 « X.com », devenue ensuite PayPal. Il est aujourd’hui le propriétaire du nom de domaine x.com qui, lorsqu’on tente de l’ouvrir, se contente d’afficher un « x ». Ah, Elon Musk…
X a-t-il des chances d’exister ?
Sans manquer de respect à Elon Musk, il est peu probable qu’un WeChat occidental existe un jour. D’abord, parce que les autorités concurrentielles ne laisseraient pas une telle application s’installer, ensuite, car les services publics sont généralement très peu friands des géants du web. Les exemples TousAntiCovid et France Identité le prouvent bien, il est dur pour certains pays d’accepter de travailler avec Apple ou Google, qui possèdent pourtant les plus gros écosystèmes de la planète. Comment les imaginer accepter de collaborer avec Elon Musk pour des services qui dépendent de l’État ? On imagine aussi difficilement Apple et Google laisser un acteur tiers intégrer des fonctions centrales à leurs propres systèmes d’exploitation.
Sous la direction Elon Musk, Twitter grandira sans doute. Mais, l’hypothèse d’un WeChat européen semble très peu probable. En revanche, le voir utiliser le nom « X » à un moment est parfaitement possible. Il est aussi possible que X ne resurgisse plus jamais, comme les déclarations d’Elon Musk sur la liberté d’expression, désormais secondaires.
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