Depuis qu’il a annoncé son intention de faire payer pour Twitter, Elon Musk est sous le feu des critiques. Il faut dire que le milliardaire prend un risque important en rendant payant ce qui a toujours été gratuit, alors que l’on sait que les utilisateurs d’un service en libre accès ont tendance à considérer sa gratuité comme acquise. Pour Elon Musk, tout l’enjeu est de savoir quelle proportion des habitués de son réseau social est prête à s’interroger sur sa valeur, afin d’éventuellement les convaincre de s’abonner. Pour les autres, la cause est probablement déjà perdue, ils ne payeront jamais pour quelque chose qu’ils avaient déjà.
Pour ma part, après une réflexion de quelques jours à la suite de cette annonce, je pense être prêt à payer. Même si Elon Musk a promis qu’une version gratuite de Twitter resterait disponible, le fait que seuls les utilisateurs payants soient mis en avant par le futur algorithme est suffisant pour me convaincre. Au vu du temps que je passe quotidiennement sur Twitter, et de l’usage professionnel que j’en ai, je préfère donner de l’argent au réseau social plutôt qu’à un service de streaming comme Netflix (ou à Starbucks, pour citer Elon Musk).
8 euros pour mon utilisation de Twitter, c’est honnête
J’écris cet article le 3 novembre, deux jours après l’annonce d’officielle d’Elon Musk. À ce moment précis, le prix européen de Twitter Blue, le nom de l’abonnement payant à Twitter, n’est pas connu. Cependant, on peut facilement imaginer qu’Elon Musk le proposera à 8 euros par mois en France, pour s’aligner sur les 8 dollars américains. 8 euros par mois pour mon utilisation de Twitter, ça ne me semble pas volé.
Le matin, Twitter est un de mes premiers réflexes numériques. Il s’agit du premier réseau social que j’ouvre pour rattraper l’actualité de la nuit, puisque la plupart des comptes que je suis sont informatifs. La journée, je laisse toujours le site ouvert dans un onglet, pour suivre mes abonnements en temps réel. Je dialogue aussi avec des personnes, souvent pour des raisons professionnelles, en messages privés. Le soir aussi, je passe une partie de mon temps libre sur Twitter. Souvent pour consulter les tendances, voir l’avis des gens sur une émission (la veille, par exemple, j’ai beaucoup suivi les réactions des fans de foot au match Juventus-PSG) ou discuter. Bref, à l’exception des applications de messagerie, Twitter est l’application que j’utilise le plus. En tant que journaliste, c’est aussi le meilleur moyen de diffuser mes articles et mes vidéos, de répondre aux lecteurs ou de simplement donner mon avis sur quelque chose. Je n’oublie pas l’aspect divertissant du réseau social sur lequel naissent de multiples blagues.
Pour toutes ces raisons, je ne vois pas pourquoi Twitter ne mériterait pas que je le rémunère tous les mois. L’importance de Twitter dans ma vie numérique me semble suffisante pour justifier une participation de 8 euros. Mais, ce n’est pas tout.
Elon Musk a annoncé que seuls les abonnés à Twitter Blue seront mis en avant par le nouvel algorithme du réseau social. Du chantage ? D’une certaine manière, oui. Dans l’hypothèse où je ne payerais pas, je prendrais le risque que plus personne ne voie mes publications. La version gratuite de Twitter ne serait efficace que si l’on souhaite se contenter de consulter les tweets des autres, ce qui n’est pas mon utilisation du réseau social. En revanche, je n’ai aucun doute sur le fait que beaucoup de personnes peuvent s’en contenter.
Si le débat devient vraiment plus sain grâce à Twitter Blue (ce dont je doute), que je dispose de nouvelles fonctions en avance (la modification de tweets, les messages plus longs…), alors je pense que l’investissement sera rapidement rentabilisé. Quid du petit logo certifié présenté par beaucoup comme la fonction principale de Twitter Blue ? Sincèrement, je m’en moque. Je l’ai depuis 2017 et il n’a pas changé ma vie. Il ne s’agit que d’une diversion d’Elon Musk pour se présenter comme un abolisseur de privilèges.
Attention à ne pas tuer Twitter
Parce que non, je ne crois pas une seconde au rôle de « chevalier de la liberté d’expression et de l’égalité » revendiqué par Elon Musk. Sa décision est avant tout capitaliste, avec l’objectif de gagner de l’argent pour rembourser la dette de Twitter. Elon Musk a beau affirmer que le fait de rendre Twitter payant permettra d’éliminer les faux comptes, j’ai de mon côté énormément de mal à le croire. Pour y parvenir, Twitter devrait contrôler l’identité de tous ses abonnés payants, leur interdire de changer de nom, les exclure irrévocablement à la moindre action toxique et, finalement, restreindre leur liberté d’expression… Quelle est la probabilité que tout cela arrive ? Je crains que tous les comptes nauséabonds achètent justement la certification pour se rendre crédibles, sans que Twitter ne fasse rien. Le précédent système était injuste, le nouveau pourrait créer encore plus de désordre.
Au-delà de la question de la nocivité de Twitter, je m’inquiète des conséquences que pourrait avoir ce Twitter à deux vitesses sur le débat. Historiquement, Twitter a toujours été le réseau social où tout le monde peut s’exprimer et interagir avec les plus grandes célébrités. Elon Musk lui-même répond régulièrement à ses fans. Avec un paywall à 8 euros par mois, combien de personnes seront exclues de la plus grande salle de discussion du monde ? A-t-on vraiment envie de ne lire que les avis des utilisateurs payants de Twitter, quand on fait une recherche sur un match de foot ou un film, alors que des utilisateurs gratuits ont sans doute des choses encore plus intéressantes à dire ?
Je dois beaucoup à Twitter. Inscrit en 2010, quand je n’étais encore qu’un adolescent, le réseau social m’a permis de m’exprimer sur mon sujet de prédilection, les nouvelles technologies, et de me faire remarquer par de grandes rédactions parisiennes. Sans lui, serais-je en mesure d’écrire cet article aujourd’hui ? Combien de personnes s’apprêtent à manquer des occasions en étant invisibilisées par Elon Musk ?
Enfin, je m’inquiète des limites du modèle payant souhaité par Elon Musk. Payer 8 euros par mois ne me dérange pas, mais jusqu’où ira le milliardaire ? Il se murmure que Twitter pourrait imiter OnlyFans en permettant la vente de tweets à l’unité. Une vidéo pornographique pourrait, par exemple, se cacher derrière un paiement de 1 ou 2 euros, sur lequel Elon Musk prélèverait une commission. On parle aussi de la possibilité d’envoyer un message privé à une vedette contre de l’argent. A-t-on vraiment envie d’un Twitter transformé en machine à cash, qui réclame de l’argent tout le temps et ne met plus avant en avant le débat ? En tant qu’amoureux de ce formidable réseau social, j’espère qu’Elon Musk saura mettre les limites.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez-nous sur WhatsApp !