« La France est ‘the place to be‘ pour les cryptos et le métaverse ». C’est comme cela que Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a choisi d’ouvrir son discours. Le ministre était invité au X Day, un évènement organisé par la blockchain Elrond à Paris ce 3 novembre 2022. En plus de rappeler l’intérêt de la France pour l’écosystème crypto, Jean-Noël Barrot a surtout montré son enthousiasme par rapport au Web3 et au métaverse. Le ministre en est sûr : « le Web3 va contribuer à faire d’Internet un meilleur endroit ».
La partie est pourtant loin d’être gagnée. Le Web3, une version d’internet décentralisée, est basée sur la technologie de la blockchain (une technologie très prisée des entrepreneurs de la tech, mais reste encore peu utilisée par le grand public). Quant au métaverse, il peine à rassembler assez d’utilisateurs pour être rentable et reste pour l’instant un rêve encore lointain.
Numerama a pu échanger avec Jean-Noël Barrot sur les plans du gouvernement concernant le Web3 et le métaverse. Il en ressort que, malgré les débuts difficiles du secteur, le gouvernement croit en ces deux nouvelles technologies — et veut faire de la France un « hub mondial » du domaine.
La France ne doit pas « laisser passer le train du Web3 »
« Le Web3 est une de ces tendances qui va redessiner les contours de l’Internet de demain », estime Jean-Noël Barrot, « et il permettra sans doute de corriger certaines des imperfections de la génération précédente d’Internet, qui s’est retrouvée, pour partie, privatisée par des géants du numérique. Il y a dans le Web3 la promesse qu’on puisse résoudre un certain nombre de ces questions en matière de sécurité, de respect de la vie privée et d’interopérabilité. »
C’est l’un des buts affichés du fameux Web3 : permettre un modèle plus libre d’Internet, où des géants comme les GAFA n’auraient plus autant de poids, où la vie privée serait respectée, et où les utilisateurs jouiraient d’un certain pouvoir de décision grâce aux crypto-monnaies.
Il existe cependant de nombreuses critiques. Jack Dorsey, le créateur de Twitter, estime ainsi qu’il s’agit d’une version du web avec « une vision financiarisée de l’Internet, fortement soutenue par des investisseurs et des [crypto] monnaies spéculatives », et qu’il s’agirait en fin de compte simplement d’une « entité centralisée avec une étiquette différente. »
Jean-Noël Barrot pense cependant qu’il « est important que l’Europe et la France […] soient actives, plutôt qu’elles laissent passer le train du Web3, et que les centres de décision ne se situent pas en Europe. » Le ministre cite Internet et l’intelligence artificielle, deux domaines dans lesquels la France n’aurait pas réussi à assez faire entendre sa voix, et qui la rendent aujourd’hui « dépendante de puissances situées en dehors de l’Union européenne ».
Le plan d’investissement France 2030 lancé par l’Élysée devrait justement répondre à l’ambition du gouvernement de se placer à la tête du secteur du Web3, rappelle le ministre.
Le métaverse va « résoudre des problèmes »
Il n’y a pas que dans le Web3 que le gouvernement veut se positionner. Les NFT et le métaverse sont les autres grandes ambitions du gouvernement. Emmanuel Macron avait d’ailleurs déjà abordé le sujet lors de sa campagne, en exprimant sa volonté de créer un « métaverse européen », et le gouvernement a annoncé sa volonté d’investir dans le secteur des NFT. Plus récemment, c’est un rapport sur le métaverse, demandé par le gouvernement et rédigé par plusieurs chercheurs, qui a le mieux illustré l’attrait de l’exécutif pour la technologie.
Mais, alors que les ventes de NFT s’effondrent et que le métaverse peine encore à trouver des utilisateurs, est-ce vraiment une bonne idée pour le gouvernement de s’investir dans le domaine ? « Il y a des cycles », des hauts et des bas, reconnait Jean-Noël Barrot.
Il y a aussi les nombreux problèmes que le métaverse et le Web3 soulèvent en termes d’impact environnemental et de protection de la vie privée. « Le métaverse ouvre un certain nombre de questions et de problèmes nouveaux qui suscitent des inquiétudes légitimes, qu’il nous faut adresser » indique-t-il. Mais, « la désirabilité des métaverses viendra avec la prise de conscience de leurs capacités à résoudre des problèmes en matière de santé ou d’environnement ». Comment pourraient-ils aider à résoudre ces problèmes ? Nous n’en saurons pas plus.
Surtout, pour Jean-Noël Barrot, la question n’est pas tant à propos de l’utilisation de ces technologies. « L’objectif que nous avons est de faire en sorte que la France maîtrise un certain nombre des briques technologiques du Web3 et du métaverse », comme les blockchains et les technologies d’immersion. Que ce soit avec « les jumeaux digitaux de Dassault Système », ou encore avec les jeux vidéo « dont les moteurs permettent de créer des espaces immersifs », la France veut développer des compétences dans ces « technologies de pointe ».
Au final, le gouvernement reste persuadé que le métaverse et les NFT font partie des technologies de demain. « Il est important pour la France de ne pas passer à côté de ces révolutions, de les choisir plus que de les subir ». Et pour cela, il faut faire du pays « un hub mondial pour le Web3 ». Il n’est pas encore clair comment le gouvernement va réussir à faire ça — mais l’installation récente de Binance et de Crypto.com à Paris est un signe que le message est bien passé auprès des entrepreneurs cryptos.
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