C’est une décision désastreuse, si elle est exacte. Selon des éléments obtenus par le New York Times le 3 novembre 2022, le tout nouveau système de certification sur Twitter voulu par Elon Musk fera l’impasse sur la vérification d’identité de l’internaute. Ce, alors même qu’elle est absolument capitale pour s’assurer que la personne est bien celle qu’elle prétend être.
Le quotidien américain indique avoir pu consulter des documents internes du réseau social, et échanger avec deux individus au courant des chantiers en cours. Il en ressort que les abonnés n’auraient pas besoin que leur identité soit authentifiée pour obtenir la fameuse petite coche bleue. Il suffirait d’aligner les huit dollars mensuels pour récupérer le badge.
Autre indication apportée par le journal : ce nouveau service ferait ses débuts à partir du 7 novembre 2022, d’abord dans une poignée de pays (États-Unis, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande). D’autres pays suivront inévitablement, mais aucun calendrier ni aucun nom n’est évoqué pour l’instant. Dans le monde, il y a plus de 430 000 personnes certifiées.
Plus de vérification d’identité sur Twitter ?
Au lancement du service, il est ajouté que les personnes et les entités ayant déjà la certification ne la perdront pas immédiatement. Il est question d’une période de grâce — sa durée n’est pas précisée — lors de laquelle les comptes certifiés actuels côtoieront les comptes ayant acheté leur badge. Puis, les premiers seront incités à payer comme les seconds pour ne rien perdre.
Si cela se confirme, cette décision indique une chose : Twitter se trouve dans une très mauvaise posture. Sa situation financière est déplorable et Elon Musk a acheté à un prix excessif le site — 44 milliards de dollars au total, dont 13 milliards par des emprunts auprès de banques d’investissement.
Selon le Wall Street Journal, Twitter génère depuis cinq ans des bénéfices annuels d’environ 700 millions de dollars — notamment avant impôts. Les analystes pensent qu’avec l’opération d’Elon Musk, la charge annuelle des intérêts à payer va passer de 51 millions de dollars (montant pour 2021) à plus d’un milliard. Les comptes ne sont pas bons pour l’entrepreneur.
De fait, Elon Musk a vraiment besoin de faire rentrer plus d’argent dans la machine pour que l’opération puisse être soutenue et donner un avenir à Twitter. À un point tel, d’ailleurs, que le milliardaire s’est retrouvé dans une séquence hallucinante où il a donné l’impression de négocier le tarif en direct avec l’écrivain Stephen King, hostile à cette facturation.
L’absence de vérification d’identité dans ce nouveau système apparaît comme une stratégie simple pour faire rentrer rapidement un maximum d’argent, en limitant les garde-fous à l’entrée. Moins il y a de barrières, plus il y aura de personnes prêtes à payer ces 8 dollars pour la marque bleue — et les quelques avantages associés.
Problème : ce qu’il pourrait gagner d’un côté, avec les abonnements pour obtenir la certification, risque d’être perdu de l’autre. Des annonceurs comme General Motors et Ford (des constructeurs automobiles rivaux de Tesla, une autre société d’Elon Musk) ont suspendu leurs investissements publicitaires sur Twitter, à cause entre autres des projets d’assouplissement de la modération.
En parallèle, un mouvement s’est formé pour contraindre l’entrepreneur, afin qu’il évite de faire de Twitter une foire d’empoigne où la modération est aux abonnés absents. 40 organisations ont appelé les grands annonceurs à peser sur l’intéressé pour l’obliger à respecter les règles qui protègent les marques, sous peine d’arrêter de faire de la publicité.
Des décisions court-termistes
Cette obsession de trouver vite de l’argent risque de se faire avec d’importantes conséquences sur la stabilité et la bonne tenue de Twitter. Des employés vont être licenciés en nombre, dès le 4 novembre, ce qui nuira à la modération du site, si ces équipes sont touchées. On parle d’au moins 50 % des 7 500 employés de Twitter.
Quant au système de certification désiré par Musk, il va inévitablement favoriser les usurpations d’identité, les escroqueries et la désinformation. Malgré ses limites, la vérification d’identité sert au moins d’éviter certaines impostures. Elle contrôle aussi le domaine dans lequel la personne exerce (journalisme, sport, cinéma, politique, économie, science, etc.).
Croire qu’une facturation à 8 euros par mois (ou plus) servira de frein à celles et ceux qui propagent de la désinformation est une pure vue de l’esprit. On sait qu’il existe tout un marché noir de faux comptes, de faux abonnés, de fausses certifications. Ces dépenses ne sont parfois qu’une simple ligne comptable et ne sont qu’une dépense anecdotique face à certains objectifs d’influence.
Bien sûr, tous ces phénomènes existent déjà avec le dispositif actuel — les exemples ne manquent pas, à commencer par Donald Trump, qui avait développé la fake news à un degré industriel, à dessein. Mais, au moins, il y avait un barrage, imparfait sans doute, qui servait de rempart. Là, les vannes seront grandes ouvertes. Il n’y aura plus aucune digue.
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