Soucieux de ne pas se mettre à dos les millions d’utilisateurs de réseaux P2P en Europe, le commissaire au Marché intérieur Frits Bolkestein a déclaré que le Parlement s’est attaché à attraper « les gros poissons plutôt que le menu fretin coupable de délits relativement mineurs tels que le téléchargement pour leur propre compte d’un ou deux titres disponibles sur Internet ». Passe t-on pour autant au statut de « gros poisson » dès lors que l’on télécharge plus de deux MP3 ? Non, puisque le Parlement a tenu à amender le texte de sorte que ne soient couvertes par la directive que les infractions réalisées à des fins commerciales.
Concentrée sur les sanctions et procédures plus que sur la définition des infractions, la directive approuvée par le Parlement européen n’en est pas moins vigoureusement contestée. Sur la forme déjà, puisque les débats ont été dirigés par Janelly Fourtou, qui n’est autre que la femme du président de Vivendi Universal. On a connu plus indépendant. Sur le fond ensuite, car comme l’indique fièrement la Commission, « il y aurait un droit d’information permettant aux juges d’ordonner à certaines personnes de révéler les noms et adresses des personnes ayant participé à la distribution des biens ou services illicites, de même que le détail des quantités et prix de ces opérations ». Comprendre : les fournisseurs d’accès à Internet auront l’obligation de communiquer l’identité des utilisateurs de logiciels de P2P accusés, quelques soient les lois de protection de la vie privée en vigueur. Mais le Parlement a précisé par un amendement que « ceci ne constitue cependant pas une obligation générale de surveillance des tiers ». Les FAI n’auront donc pas pour obligation de surveiller l’activité de leurs abonnés pour détecter les infractions. Les sanctions pénales obligatoires ont également été écartées de la directive, seules restent des sanctions civiles et commerciales. Libre aux Etats, cependant, d’y ajouter les sanctions pénales qu’ils souhaitent.
Le problème des DRM et de l’interopérabilité
L’un des points les plus contestés de la proposition de la Commission était le renforcement très fort de la protection des DRM et l’obstacle à l’interopérabilité. Il semble que le Parlement ait en partie entendu ces remarques, portées notamment de vives voix par l’alliance Eurolinux, puisque les députés européens ont précisé que les systèmes de protection pouvaient être détournés si l’interopérabilité l’exigeait pour la libre concurrence.
Reste cependant illégaux et susceptibles de sanctions la conception, l’utilisation ou la distribution de dispositifs techniques illégitimes, dédiés au détournement des dispositifs techniques légitimes. En plus clair, un logiciel comme CloneCD qui viserait à permettre le piratage d’un logiciel serait potentiellement illégal dans toute l’Union Européenne, ainsi que le DeCSS, qui retire le cryptage des DVD pour, par exemple, pouvoir les visionner sous Linux.
Ainsi, si la protection des consommateurs est assurée concernant l’utilisation aujourd’hui « socialement acceptée » des logiciels de P2P, toute mise en ligne de contenus illégaux sur ces réseaux sera, elle, sévèrement réprimée. Les détournements de protection que l’on juge aujourd’hui légitimes pourraient demain être réprimés sans débats. Les exceptions prévues pour les besoins d’interopérabilité sont en effet suffisamment vagues et strictes pour ne jamais trouver à s’appliquer.
Suite des évènements au Conseil des ministres, qui est invité à adopter le texte en première lecture dès ce mois d’avril.
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